CERTAINS L’AIMENT CHAUD
Billy Wilder, 1959
LE COMMENTAIRE
Derrière un héros, il y a souvent un homme avec ses doutes et ses imperfections de la peau (cf The Dark Knight). Quand on gratte un peu le vernis de la muse, on peut aussi trouver une femme qu’on empêche de respirer.
LE PITCH
Deux hommes échappent au crime, mais pas à l’amour.
LE RÉSUMÉ
Joe (Tony Curtis) et Jerry (Jack Lemmon) sont deux musiciens en pleine prohibition, qui jouent régulièrement au speakeasy de « Spats » Colombo (George Raft). Grâce à un tuyau, la police fait fermer le tripot (cf Les Incorruptibles).
Le saxophoniste et le contrebassiste parviennent à s’échapper in extremis. Dans la foulée, ils assistent à un règlement de comptes. « Spats » Colombo ne veut pas de témoins gênants. Joe et Jerry passent entre les balles. Ils se déguisent en femmes pour rejoindre Sweet Sue (Joan Shawlee) et son groupe de musique féminin.
Joe / Josephine et Jerry / Daphné prennent la direction la Floride. Le temps de se faire oublier.
Spats Colombo and his chumps are looking for us in every male band in the country!
Joe et Jerry tentent de faire profil bas, mais tous les deux tombent rapidement sous le charme de Sugar « Kane » Kowalczyk (Marilyn Monroe), la chanteuse du groupe.
Sugar se méfie des hommes comme de la peste, surtout des saxophonistes. Manque de pot pour Joe. Elle aimerait épouser un millionnaire.
I don’t care how rich he is as long as he has a yacht, his own private railroad and his own toothpaste.
À Miami, Jerry se fait draguer par le très riche Osgood Fielding III (Joe E. Brown). Au point de considérer un éventuel mariage. Joe tente de le ramener à la raison. Cette union semble impossible. Elle permettrait cependant à Jerry de se mettre à l’abri financièrement.
But, you’re not a girl! You’re a guy, and, why would a guy wanna marry a guy?
Security!
Joe se fait passer pour Junior, un millionnaire, propriétaire de yacht, afin de séduire Sugar.
Malheureusement, l’hotel dans lequel le groupe doit jouer accueille une convention de mafieux – parmi lesquels « Spats » Colombo. Joe et Jerry doivent à nouveau s’éclipser.
Joe, alias Junior, annonce la mort dans l’âme à Sugar qu’il doit partir pour le Venezuela. Il lui brise le coeur.
Sugar fond en larmes sur scène. Joe déguisé en Josephine vient lui sécher ses larmes et l’embrasse, lui faisait comprendre qui il est vraiment.
No guy is worth it.
Il est temps de partir avant que les hommes de Little Bonaparte (Nehemiah Persoff) ne les attrape. Jerry et Joe saute à bord du yacht de Osgood.
Sur le bateau, Joe avoue tout à Sugar qui lui pardonne.
Jerry prend son courage à deux mains pour dire toute la vérité à Osgood que rien ne saurait cependant dissuader.
We can’t get married at all.
Why not?
Well, in the first place, I’m not a natural blonde.
Doesn’t matter.
(…) Well, I have a terrible past. (…)
I forgive you.
(…) But you don’t understand, Osgood! Ohh… I’m a MAN!
Well, nobody’s perfect!
L’EXPLICATION
Certains l’aiment chaud, c’est travestir les codes.
Dans le Chicago de la fin des années 20, le monde étouffe sous l’hypocrisie de ses codes : Personne ne boit, officiellement. Les hommes courent sans succès après les femmes qui courent sans succès après les millionnaires. Et à la fin, tout le monde est malheureux.
This is so humiliating!
Plus que de partir vers le Sud, Joe, Jerry, mais aussi Sugar ont surtout besoin de changer d’environnement.
Les deux hommes vont devoir carrément changer de genre pour voir la vie autrement (cf Je ne suis pas un homme facile). Ils deviennent des femmes, comme dans le voyage en absurdie que faisait Michel Sardou, soit-disant quand il s’ennuyait.
Pas si bête en réalité.
Tout d’abord, cette expérience permet à Joe et Jerry de réaliser leur chance.
How long do you think we can keep this up?
What’s the beef? We’re sitting pretty, we got room and board, we get paid every week now. Just look outside : Look at the palm trees, look at the ocean, look at the flying fish.
Comme quoi, la vie n’est pas si mâle.
Dans un train rempli de femmes qui fonce vers Miami, Jerry ne sait plus où donner de la tête. Cependant, le prédateur déguisé en femme va devoir ouvrir les yeux sur un monde régi par les règles du patriarcat.
I just got pinched in the elevator, (…) I’m not even pretty!
They don’t care. Just as long as you’re wearing a skirt. It’s like waving a red flag in front of a bull.
Really? Well, I’m sick of being the flag. I want to be a bull again!
Mieux, Jerry tombe amoureux de manière inattendue de Osgood Fielding III. Un peu pour l’argent, mais aussi beaucoup par tendresse. Lui qui n’imaginait l’amour que comme du sexe… Cette aventure lui aura permis d’envisager les choses d’une manière radicalement différente et ouvert les portes du bonheur au delà des conventions (cf Jacky au Royaume des Filles).
Ces changements de rôles permettent également à Joe d’être moins égoïste. Sa manigance honteuse pour coucher avec Sugar se retourne heureusement contre lui. Il constate toute la peine qu’il cause à la fragile Sugar, en proie à la bouteille. Une prise de conscience salutaire qui force cet imbécile à se confondre en excuses (cf The Beta Test).
You don’t want me sugar, I’m a liar and a phony. A saxophone player! One of those no good-nikes you keep running away from.
Sugar découvre alors le charme irrésistible de la vulnérabilité masculine. Elle aussi démontre que les femmes, même blondes, peuvent tomber amoureuses d’autres choses que de millionnaires.
Changer les repères pour imaginer un monde nouveau (cf The Rocky Horror Picture Show). À la fin, tout le monde trouve miraculeusement chaussure à son pied.
Tandis qu’en France, la femme est encore enfermée à double tour dans une maison du Sud de la France après s’être prise une paire de gifles passionnelle (cf Et Dieu créa la femme) ; aux États-Unis elle se permet déjà de prendre un peu l’air sur un bateau…