BLUE BAYOU
Justin Chon, 2021
LE COMMENTAIRE
Le bonheur des couples mixtes a quelque chose de réconfortant. Leur union prêche en faveur du rapprochement entre les peuples. L’imperfection de leurs sourires les rend presque plus authentiques. Comme si le couple s’était encore davantage choisi, en dépit des différences. Car les couples mixtes traversent néanmoins des crises comme les autres (cf Twilight, Get Out), sans parler des bâtons que les jaloux leurs mettent dans les roues.
LE PITCH
Après avoir grandi dans son pays d’adoption, un homme se prépare à être expulsé.
LE RÉSUMÉ
Antonio LeBlanc (Justin Chon) vit avec sa femme Kathy (Alicia Vikander) et Jessie (Sydney Kowalske), la fille de Kathy issue d’une précédente union. Le couple attend un heureux événement.
Il est tatoueur. Elle est infirmière. Les fins de mois sont difficiles.
Alors qu’ils font les courses au supermarché, le couple croise Ace (Mark O’Brien), l’ex-compagnon de Kathy, qui désespère de ne plus voir sa fille. Il faut dire qu’il est parti, alors Kathy refuse qu’il voit la petite.
Dans les rayons, le ton monte. Denny (Emory Cohen), le collègue raciste de Ace profite de l’aubaine pour provoquer Antonio qui perd logiquement son sang froid.
Did I say you could leave? Don’t you walk away from me. Hey look you don’t walk away from an officer of the law.
Livré aux services d’immigration, Antonio risque l’expulsion en Corée… où il n’a jamais vécu. En effet, le Child Citizenship Act protège les enfants adoptés, mais après l’an 2000 seulement.
L’avocat (Vondie Curtis-Hall) semble impuissant.
Can’t you just tell them I was adopted by white people?
This is not how it works… At this stage we don’t have a lot of options.
Pour couvrir les honoraires, Antonio brade ses tatouages aux passants dans la rue. Il y croise à nouveau Parker (Linh Dan Pham), une Vietnamienne en phase terminale qu’il a rencontrée à l’hôpital au moment de l’échographie de sa femme.
À court d’idée, Antonio est contraint de participer au braquage d’un magasin de motos pour payer son avocat.
Ce n’est pas suffisant. Antonio pourrait vraiment profiter d’un mot de sa mère adoptive en sa faveur, mais il se refuse à le lui demander. Kathy ne comprend pas, jusqu’à ce qu’Antonio lui explique pourquoi.
You don’t want to know that the people who brought me here gave me up after six months, you don’t want to know that I went from foster home to foster home and when I finally ended with some parents that man beat the shit out of me every goddamn day. And she didn’t do shit about it. (…) If she didn’t help me before she ain’t gonna help me now.
Antonio se résout finalement à voir sa mère adoptive, qui n’a pas l’air très emballée à l’idée de témoigner.
I don’t know…
Il perd son job. Quitte la maison.
Lorsque la maladie de Parker empire, il la conduit à l’hôpital en urgence.
Kathy donne naissance à leur fille et le couple se retrouve.
Le jour de l’audience, Ace se rend à l’audience pour soutenir Antonio – dans le but de pouvoir continuer à voir sa fille. Même la mère adoptive est également présente à l’audience. Seul Antonio manque à l’appel. Il a été coincé par Denny et quelques autres qui le passent à tabac.
Cette fois-ci, il n’y a plus d’espoir. Antonio, mal en point, songe à se noyer mais il a une vision de sa mère biologique lui venant en aide. Un agent des services d’immigration lui offre la chance de pouvoir s’échapper.
If you run, I won’t catch you.
Antonio affronte son destin. Il reste pour mieux devoir partir. À l’aéroport, Kathy et Jessie le rejoignent pour l’accompagner.
We’re going with you, we’re family (cf Avatar : la voie de l’eau).
Ace arrive pour dire adieu à Jessie. Devant le spectacle déchirant du père et de sa fille, Antonio se sacrifie. Il part finalement seul.
I have to go by myself. (…) It’s gonna be ok I promise.
L’EXPLICATION
Blue Bayou, ce sont les limites de l’Amour.
La légende veut que l’Amour aurait ses raisons que la raison ignore. Une manière de dire que l’Amour est si puissant qu’on ne peut pas l’expliquer. Au point que l’Amour pourrait faire bouger des montagnes, décrocher la lune ou encore tromper les couloirs du temps (cf Interstellar).
Peu importe que l’on souffre, tant que l’on aime.
Quand on aime, on peut tout faire.
N’importe quoi.
Antonio en est la preuve.
Il est un homme qui aime profondément son pays d’adoption.
I’ve been in this country for thirty years!
Un homme qui aime très fort sa femme et sa belle-fille, au moins autant que son bébé. Il est même contraint de devoir enfreindre la loi pour rester auprès d’elles. Son amour lui permet de s’accrocher dans l’adversité. Il prend des coups mais essaie de rester toujours positif (cf Rocky).
Don’t worry, things will work out.
Encore mieux, Antonio est un homme aimable. Il travaille dur. Le cœur sur la main, il vient en aide à Parker qui se sait condamnée. Il garde le sourire en toute circonstance alors que la vie ne lui a pas fait que des cadeaux, c’est le moins que l’on puisse dire. Toujours un petit mot sympa.
Il bénéficie de l’amour de sa famille qui devrait techniquement le protéger des ennuis comme un gilet par balles.
Malgré tout, cet Amour n’est pas suffisant. La justice se moque des sentiments. Le service d’immigration aussi, malheureusement.
Listen to him, look at him : he’s American!
It doesn’t matter what he look like, it’s immigration policy.
L’Amérique, pourtant terre d’immigration, le recrache (cf Rambo). Sans billet de retour.
L’Amour rend bête car il voudrait nous faire croire aux happy end. On veut ré-écrire l’histoire. Kathie, Jessie et le bébé vont venir rejoindre Antonio à Seoul. Ace leur rendra visite de temps en temps. Dans le meilleur des scénarios, Antonio ouvrira un salon de tatouages et y fera fortune. Les filles deviendront bilingues et se feront des nouveaux amis. Le couple déménagera plus tard à Busan pour acheter quelque chose de plus grand, et parce que les écoles sont bien en province. Profiter de l’air marin et de la plage.
Avec un peu de chance, l’amour permettra à Antonio de retrouver ses ancêtres.
En réalité, l’histoire s’arrête sèchement au terminal d’un aéroport.