MIDNIGHT SPECIAL
Jeff Nichols, 2016
LE COMMENTAIRE
L’enfant qui lit à l’arrière de la voiture nous rappelle à quel point on peut parfois nager en eaux profondes. Son goût pour la culture nous renvoie à notre propre ignorance. À nous de lui faire honneur, afin qu’il ne se perde pas en route.
LE PITCH
Un père ne laisse pas traîner son fils.
LE RÉSUMÉ
Roy (Michael Shannon) et son copain Lucas (Joel Edgerton) escortent le petit Alton (Jaeden Liebereher). Les avis de recherche se multiplient à la TV. Tout le monde est à ses trousses. À commencer par le guru Calvin Meyer (Sam Shephard) de la secte du Third Heaven Ranch qui croit sérieusement qu’Alton est son messie.
If Alton is with us, we will be saved.
Le FBI lui court après également, persuadé que le petit est une forme d’arme absolue. Ce gosse est un véritable mystère.
You don’t know what you’re dealing with.
Roy et Lucas s’arrêtent en route chez un ancien membre de la secte. Celui-ci essaie d’abuser des pouvoirs d’Alton avant que son père n’intervienne en catastrophe. Le gamin a effectivement de drôles de talents. Il intercepte des signaux radio en Espagnol. Ses yeux passent en plein phares dès qu’il enlève ses lunettes. Un peu plus tard, sur une station d’autoroute, il échappe à l’attention de son père et fait s’écraser un satellite.
La joyeuse bande finit chez la mère d’Alton (Kirsten Dunst) qui se trouve être la femme de Roy. Ce qui fait techniquement de Roy le père biologique. Le lendemain matin, fils convainc son papa de le laisser voir la lumière du jour. Il a une révélation: il appartient à un monde parallèle.
I think I know what I am now.
Le petit se fait soudain kidnapper par les membres de la secte, avant d’être arrêté par le FBI. Alton demande à parler à Paul Sevier (Adam Driver), un agent de la NSA qui rend aussitôt le fils à ses parents.
Dans une course poursuite effrénée, Roy et Lucas font diversion pour qu’Alton et sa mère puissent s’échapper. Le monde parallèle apparaît de nouveau et emporte Alton avec lui.
Personne n’a rien compris. Alton est parti pour de bon.
La mère se coupe puis se teint les cheveux. Le père finit en prison, d’où il peut quand même voir le soleil se lever. Une étincelle continue de briller dans ses yeux à jamais.
L’EXPLICATION
Midnight Special, c’est un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.
Alton est sage comme une image. Mieux, il s’excuse quand il fait une bêtise!
I’m sorry…
Contrairement aux autres enfants de son âge, Alton sait ce qu’il veut. Cela n’arrive plus jamais aujourd’hui qu’un étudiant découvre un jour qu’il est fait pour une formation BTS mécanique (cf Drive). Alton est à l’image de Jeanlin (cf Germinal) qui ne rechigne pas à la tâche en descendant à la mine pour mieux permettre à ses parents de faire la fête le week-end. Et tant pis s’il se casse une jambe ou qu’il se ramasse un cancer des poumons.
Alton est l’enfant rêvé. L’anti-Tanguy. Il dédouane même ses parents de leurs responsabilités.
You don’t have to worry about me.
Que demander de plus ?
Il se trouve que les parents d’Alton sont aussi de la vieille école. Ce qui veut dire qu’ils s’inquiètent – quoi qu’il arrive. Ce sont des parents à l’ancienne qui vivent pour se faire du souci pour leurs enfants.
I like to worry about you.
You don’t have to anymore.
I’ll always worry about you Alton. That’s the deal.
C’est le contrat de confiance. Roy a besoin qu’on le laisse se faire du souci pour son fils. Le papa qui regarde les lignes téléphoniques chanté avec nostalgie par Michel Jonazs. Il fait partie d’une génération de parents qui n’existent plus.
Ces parents mettaient leur vie entre parenthèses pour leurs enfants. Ils étaient prêts à tout pour les protéger quitte à outrepasser les règles et tirer sur un représentant de l’ordre. Quand ils se prenaient des balles, ils continuaient leur route comme si de rien n’était. Déterminés pour leur progéniture.
Ces parents savent à quel point le monde extérieur peut représenter une agression pour les enfants. Ils les protègent, quitte à les cacher sous un drap. Ils veulent les aider à naviguer dans un monde où on ne sait pas qui du FBI ou de la secte sont les gentils et les méchants (cf Les Infiltrés).
Ce concept archaïque a volé en éclat. Roy s’en veut d’avoir passé une bande dessinée à son fils car ce qui compte plus pour lui est qu’Alton ne vive pas dans une fiction.
He needs to know what’s real.
Il prend les choses au sérieux. Et face aux influences néfastes qui essaient de s’emparer de l’enfant ou de réduire ses ambitions, Roy fait de la résistance. Il voit plus grand pour son fils.
He was meant for something else!
Malgré cet amour débordant, ces parents parfaits savent aussi accepter que les enfants doivent partir un jour. Parce que c’est la vie et que c’est ainsi. Un beau jour, Alton va faire ses valises et s’éloigner à jamais dans le futur (cf Tomorrowland), qu’on lui souhaite meilleur.
Les parents quant à eux restent plantés là, les deux pieds dans leur monde. Une fois parti, la mère orpheline se prend immédiatement un coup de vieux. Le père orphelin a l’impression de vivre derrière des barreaux.
Même dans l’absence, leur enfant leur donne toujours une raison d’exister. Une belle leçon d’altruisme.
Pas comme ces parents nouvelle génération qui ne pensent qu’à eux. Qui refilent les gamins aux grands-parents dès qu’ils peuvent pour passer le week-end en thalasso ou au voisin pédophile (cf Les chatouilles).
Plutôt que de protéger les enfants, ils font tout l’inverse en les exposant à la moindre occasion sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui les parents apprennent à leurs enfants à manger au McDo (cf Super Size Me) ou à faire des UV chez Point Soleil. Quand ils ne démissionnent pas totalement (cf Gazon Maudit).
On parle désormais d’un conflit de générations dans lequel les plus jeunes maudiraient leurs aînés, coupables de ne plus rien comprendre à la modernité (cf No country for old men) et surtout de coûter beaucoup trop cher.
Ah qu’il est beau le futur.
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