VINCENT, FRANÇOIS, PAUL ET LES AUTRES

VINCENT, FRANÇOIS, PAUL ET LES AUTRES

Claude Sautet, 1974

LE COMMENTAIRE

Les vrais amis se comprennent sans avoir besoin de se parler. Ce qu’on peut attendre d’un ami, c’est qu’en un seul regard, il puisse vous faire comprendre que non seulement vous picolez comme un Polonais, mais qu’en plus vous fumez comme un pompier. Parfois, ce n’est pas suffisant. Les vrais amis sont ceux qui doivent hausser le ton.

LE PITCH

Un groupe d’amis ne peut empêcher l’un d’entre eux de sombrer.

LE RÉSUMÉ

Vincent (Yves Montand), François (Michel Piccoli), Paul (Serge Reggiani) se retrouvent lors de week-ends à la campagne, avec leurs femmes et quelques autres amis dont Jean (Gérard Depardieu). On mange bien, on joue au foot et on éteint les feux de cabanes déclenchés accidentellement par les enfants. À la fin de l’histoire, tout le monde rentre à Paris et reprend le cours de sa vie.

Paul est un écrivain qui a de plus en plus de mal à trouver l’inspiration.

J’y arrive plus!

François est médecin. Il se dispute régulièrement avec sa femme Lucie (Marie Dubois) qui le trompe dans tous les sens.

Pourquoi tu restes avec moi?

Jean est un boxeur qui ne combat pas.

À chacun sa galère (cf Une histoire simple).

Vincent semble souffrir un peu plus que les autres et il a de plus en plus de mal à le cacher. Son divorce avec Catherine (Stéphane Audran) l’affecte beaucoup. Sa nouvelle petite amie Marie (Ludmila Mikaël) le quitte. Et son entreprise est au bord de la faillite. Il doit trouver 9 millions sinon il devra mettre la clé sous la porte. Alors il demande de l’aide à ses amis, qui font les sourds, à l’image de François.

Il a essayé de me taper!

De beaucoup ?

J’ai pas demandé…

Il faut dire que François doit lui-aussi régler ses affaires. Une fois à la maison, il confronte sa femme à propos de ses aventures. Puis il la frappe et la viole. Une belle démonstration de force toute masculine. Autres temps, autres moeurs…

Sans issue, Vincent se tourne vers Catherine.

Je trouve plus personne nulle part. Ça m’était jamais arrivé. Et quand ça arrive, c’est le désert…

Le lendemain, son père lui signe un chèque pour retarder l’échéance.

Les amis se retrouvent régulièrement mais les tensions sont palpables (cf Nous finirons ensemble). Le moindre sujet devient prétexte à dispute.

Faut savoir s’adapter!

T’es marrant, faut avoir les moyens de s’adapter!

François explose et quitte la table brusquement.

Je vous emmerde tous avec vos dimanches et vos gigots à la con!!

L’entreprise de Vincent ne s’en sort pas. Il vend à Farina (Pierre Maguelon) contre 13 millions. De quoi rembourser le père de Catherine et régler ses faux-frais. Vincent continue néanmoins de frimer auprès de Catherine.

Enfin j’ai vendu, bien vendu. Je suis très content.

Elle lui annonce son intention de quitter la France. Alors il lui demande de revenir avec lui. Catherine refuse. Vincent se perd dans la nostalgie.

Quand je t’ai revue l’autre jour je me suis dit : qu’est-ce qui a bien pu nous arriver ?

Seul au milieu de ses amis, Vincent fait une crise cardiaque. Il s’en sort miraculeusement et se refait une santé à l’hôpital.

Il aimait tout, même ce qui n’était pas bon.

Sur pied à temps pour voir Jean triompher de Jo Catano (Mohamed Galoul) qui était censé lui mettre la misère. Malgré cette belle victoire, Jean raccroche les gants. Lucie quitte François. Paul écrit des livres sur commande. Et Vincent continue de se bercer d’illusions.

Tu te rends compte, si Catherine revenait. Remarque, je dis ça, un jour on l’autre on sait pas. Tu sais pas avec la vie. 

L’EXPLICATION

Vincent, François, Paul et les autres, c’est mes amis, mes amours, mes emmerdes.

Nous nous croyons tous uniques, acteurs et actrices principales de notre modeste vie. Les séries TV tels que Friends ont renforcé cette impression que nous avons tous un rôle à jouer dans le groupe (cf Les Petits Mouchoirs).

Comme si les six protagonistes représentaient six archétypes. Combien d’entre nous se sont reconnus dans Chandler ou dans Monica ? Nous jouons toutes et tous des rôles. À Paris, les garçons de café de Sartre sont légions. Chacun marche dans la rue comme s’il s’agissait d’un défilé de mode.

Alors qu’en réalité nous n’avons absolument rien de singulier, ce qui est particulièrement difficile à entendre pour Vincent, l’égoïste qui a réussi.

Tout ce qui n’est pas toi tu t’en fous. Tu crois qu’ils t’aiment les autres? Non!

Écoute Marie, j’ai des emmerdements…

Mais moi aussi!!

Nos vies se ressemblent toutes, que l’on soit patron d’entreprise, écrivain ou médecin. Nous allons tous mal.

Qu’est-ce qu’il y a ?

Je vais pas bien.

Nous partageons des frustrations que nous cherchons à enterrer pendant le week-end, si possible en province. Les moments passés ensemble nous donnent une illusion de bonheur partagé (cf Le Jeu). Quelques vagues souvenirs d’un match de foot improvisé pendant lequel Paul se sera fait une entorse à la cheville. Car on n’est plus tout jeune (cf Le Coeur des Hommes).

Tout le monde a ses petites angoisses conjugales.

Tu sais, une femme… quand c’est plus ta femme…

Nous souffrons tous d’un sentiment d’impuissance.

Il l’avait dit… et puis il a changé d’avis. Je n’y peux rien. Et vous non plus.

Chacun est à bout de souffle, comme Lucie et François.

Tu n’as plus de sang, tu n’as plus d’air.

Ces trois amis partagent le sentiment de Vincent.

C’est l’impasse pour moi.

Les amis regardent la déchéance de Vincent en étant secrètement soulagé. Tant qu’il s’agit d’un autre, il ne s’agit pas d’eux. En vérité, ils craignent tous de tomber de cheval et de devoir faire semblant que tout va bien (cf Il était une fois en Amérique).

Je vais souffler un peu, je vais repartir… à zéro.

Il y a suffisamment à faire avec nos névroses respectives pour avoir le loisir de s’occuper de celles des autres, qui sont objectivement moins passionnantes que les nôtres.

Qu’est-ce que tu veux que je fasse d’eux, qu’est-ce que tu veux qu’ils fassent de moi ?

Ces hommes sont les arbres qui cachent la forêt. Ils n’ont, en fait, rien d’exceptionnel. Vincent, François, Paul, les autres anonymes et cinq cent millions de Chinois qui sont devenus plus d’un milliard depuis la chanson de Dutronc : Et moi et moi et moi ?

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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