8 MILE

8 MILE

Curtis Hanson, 2002

LE COMMENTAIRE

La vie n’apprend rien à certains. Ce qui est sûr, c’est qu’elle ne nous fait pas que des cadeau (cf Amours chiennes). Alors parfois, quand tout s’accélère, rien ne vaut un bon vieux doigt d’honneur. Comme une façon de dire que demain est un autre jour, sans rien dire finalement. Avec élégance.

LE PITCH

Un jeune rappeur fait ses début sur la scène hip hop de Detroit.

LE RÉSUMÉ

Jimmy Smith Jr. a.k.a. B-Rabbit (Eminem) est issu d’une famille pauvre du Michigan. Il a un job pourri à l’usine et devrait déjà s’estimer heureux d’avoir un travail (cf American Factory). En prime, il vit dans une caravane sur 8 Mile Road avec son alcoolique de mère (Kim Basinger) qui lui conte ses déboires sexuels.

Me and Greg are having problems.

He found out about the eviction?

(…) No, it’s our sex life.

Mom, I don’t wanna hear this shit.

(…) Greg won’t go down on me.

Mom!!

Jimmy ambitionne secrètement de faire carrière dans la musique mais il se fait humilier en perdant ses moyens lors d’une battle au Shelter.

You know everyone’s calling you a loser from the other night?

Ses rêves semblent ranger au placard (cf Hollywoodland). Tout le monde autour de lui sombre. Au plus fort de la tempête, Jimmy fait le dos rond.

I’m sorry Manny, it wasn’t my… It won’t happen again.

Good. Don’t be bringing that shit around here. Now get back to work.

Il bosse dur pour sa soeur Lily (Chloe Greenfield) dont il est responsable. Sans broncher. Ses efforts paient. Car dans cette Amérique méritocratique où le rêve existe encore, même s’il se fait de plus en plus paresseux, on peut arriver tout en haut quand on part de tout en bas. C’est la promesse en tout cas. Ainsi Jimmy tombe amoureux d’Alex (Brittany Murphy). Un début.

Mais le pire n’est jamais loin (cf Trainspotting). Jimmy doit faire attention et éviter les balles. Son ami Future (Mekhi Phifer) lui propose une ultime battle contre les membres du Free World.

Fuck the free world.

Jimmy hésite. Alex part à New York. Plus d’hésitation. Jimmy se fait remplacer au boulot.

Il passe les deux premiers rounds avec panache. Lors de la finale face à Papa Doc (Anthony Mackie), Jimmy déborde son adversaire et remporte la battle.

You look like a pissed off rapper who never made it. Hey, why you fucking with the gay guy, G? When really you’re the one who’s got the HIV. Man, I’m done with this clown. It’s off. Fuck it, I’ll let home girl finish you off.

Future lui propose un job au Shelter. Sympa. Jimmy refuse car il veut davantage. Et il veut y arriver à sa façon. Pour l’instant, il retourne à l’usine car il a du boulot qui l’attend…

I’m gonna turn around with a great smile, and walk my white ass back across 8 Mile.

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L’EXPLICATION

8 Mile, c’est faire fructifier sa haine.

Dans un monde devenu faussement politiquement correct, il est de bon ton de cracher sur ce qu’on appelle les haters. Ces gens dans la haine, jamais contents et qui ne font que critiquer pour un oui ou pour un non. On leur reproche de tourner en rond à ne dégager que des émotions négatives. Et au final, ce sont souvent eux qui finissent par se faire détester, comme un retour de boomerang.

Coupable d’avoir un avis et de ne pas forcément être d’accord avec tout le monde, le hater finit par devoir longer les murs. Isolé.

Le hater a tendance à systématiquement cracher son venin, très souvent par jalousie. Puisque sa vie est bien terne comparée à celle des autres. Il faut comprendre qu’aujourd’hui, pratiquement seuls les maîtres Yogi (cf Bikram) parviennent à ne pas se comparer aux autres.

La plupart d’entre nous n’y arrive pas. Se comparer est pratiquement un besoin vital pour mieux se situer. Benchmarker.

Pour la plupart aujourd’hui, la vie est devenue telle qu’il est facile d’être un hater.

I mean, how are you supposed to take pride in your neighborhood with shit like that next door? 

Jimmy Smith fait partie de ce qui allait devenir la Trump America. Paumé, sans plus de considération que de perspectives. Il s’accroche à ses rêves sans trop y croire. Autour de lui, personne ne l’incite à aller plus haut.

Il devient aigri, rongé par ses peurs. Point mort. C’est de cette manière qu’il plante lamentablement sa première battle. Un trop plein de haine qu’il n’arrive pas à canaliser. Au contraire, sa haine a pris le dessus, l’empêchant de parler derrière le micro (cf Le discours d’un roi).

Que va-t-il se passer? La vie de Jimmy ne s’est pas améliorée du jour au lendemain pour que le phénix puisse renaître de ses cendres. Pire, sa vie devient de plus en plus déprimante. Sa haine est une impasse.

Plutôt que de prendre les choses avec le recul qu’il ne peut pas avoir, ou garder le sourire en toute circonstance (cf Joker), ou encore tout simplement de passer son temps à se plaindre, Jimmy va prendre sa haine et en faire quelque chose d’autre.

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Plutôt que de se plaindre, façon jpp, il assume sa vdm.

C’est toute la différence.

Man, shut the fuck up. All of us never do shit about nothin’ and we’re still broke as fuck and living at home with our moms.

Ses idées noires ne sont pas plus fortes que lui. Elles prennent de la valeur lorsque Jimmy les transforme en rimes. Il atteint soudainement un niveau de lucidité incomparable qui lui permet de prendre possession de sa réalité, plutôt que de s’en détacher.

Papa Doc ne s’attend pas à cela.

La honte de Jimmy n’est plus une faiblesse. Le regard à l’horizon, il peut désormais regarder n’importe qui les yeux dans les yeux. Droit dans ses bottes. Il occupe l’espace sur la scène. Le public est à lui.

Sa haine s’est transformée en moteur surpuissant. On n’est pas à Motor City pour rien.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

3 commentaires

  • La haine est ressentie par Jimmy mais c’est B-Rabbit qui arrive à les exprimer sous formes de rimes et la plupart du temps il a fallu qu’il soit dos au mur.

    En passant…Anthony Mackie se ferait lapider en Haïti rien pour le nom du personnage qu’il incarne (Papa Doc étant le surnom de François Duvalier le dictateur de 1957-1971 ; qui se fera succédé par son fils Jean-Claude aka Baby Doc)

    Bande Originale de ouf… Lose yourself

    • C’est effectivement avec la voix de B-Rabbit que Jimmy transforme l’eau en vin.

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