ENCORE HEUREUX

ENCORE HEUREUX

Benoît Graffin, 2016

LE COMMENTAIRE

Biberonnés au progressisme, nous ne savons plus nous satisfaire de ce que l’on a. Parce que ce n’est tout simplement jamais assez, et qu’il faut toujours plus. Ou parce qu’on peut avoir mieux. En tout cas, on mériterait mieux. Ce qui nous conduit à vivre dans une frustration de chaque instant (cf Happiness). Nous empêchant de profiter des petits bonheurs simples du quotidien qui ne sont pas si nombreux.

LE PITCH

Une famille bourgeoise se retrouve dans la dèche.

LE RÉSUMÉ

Sam (Edouard Baer) perd son travail. Deux ans plus tard, il vit désormais sous une tente dans son salon. Sa famille est sous la menace d’une expulsion imminente. Il fait les poubelles et gagne un peu d’argent en revendant quelques bricoles sur internet.

Leur vice, j’en fais de l’argent. 

Pendant ce temps, Marie (Sandrine Kiberlain) vole à l’étalage avec ses enfants.

Alexia (Carla Besnaïnou) continue malgré tout de prendre des cours de piano chez sa voisine du dessous, Madeleine Sinati (Anna Gaylor). Elle a un concours à préparer.

Madeleine meurt d’une crise cardiaque. Dans le doute, Alexia préfère ne prévenir personne. Voyant ses parents se déchirer, elle va aider son père à vendre une lampe de Galé pour près de €12.000.

Malgré tout, Sam n’est pas dupe. Il sait que Marie veut partir avec Antoine (Benjamin Biolay).

Tu me plais parce que t’as de l’argent.

Néanmoins, le patriarche a envie de s’offrir une dernière soirée heureuse en famille. La tournée des grands ducs! Grand restaurant et cadeaux à la pelle pour tout le monde!

J’veux qu’on se mette une dernière claque.

Mme Martin la concierge (Guilaine Londez) s’est bien rendue compte de l’arnaque. Elle dénonce le couple à la police. La fête est finie.

Grâce à l’aide de la mère de Louise (Bulle Ogier) qui se fait passer pour Madeleine, et la complicité de Mme Martin trop contente de profiter d’une partie de la fortune de la défunte pour aller voir son fils à New York, Sam et Marie s’en sortent miraculeusement. Ils emménagent même dans la maison de campagne de la vieille et commencent à revendre ses objets de valeur.

Alexia a réussi son concours et écrit des cartes postales à ses parents depuis Bordeaux où elle suit son cursus piano-études. Tout est bien qui finit bien!

Faites un bisou à Madame Sinati, si vous voyez ce que je veux dire.

L’EXPLICATION

Encore heureux, c’est la vie sans scrupule.

Sam et Marie ont grandi en suivant la voie royale. Probablement habitués aux grandes écoles (cf Grave) et aux métiers qui vont avec, ils se sont mariés à l’église, ont eu des enfants et vivent dans les beaux quartiers de Paris. Dans cette vie où tout est réglé comme du papier à musique, on ne tombe normalement pas de cheval.

C’est pourtant ce qui va arriver à Sam qui sort littéralement du cadre, sans parvenir à se réinsérer dans la matrice. Soudainement, la vie bascule. Les voilà désormais en marge du système. Pas encore tout à fait à la rue. Plutôt encore tout près du Parc Monceau. Néanmoins, aucune classe prépa ne leur avait permis d’anticiper les factures impayées, les huissiers ou le regard des autres…

On est la risée du quartier. Même Hollande on le regarde avec plus de respect.

C’est facile pour les pauvres qui n’ont connu que la galère (cf La vie est un long fleuve tranquille). Sam et Marie réagissent à leur nouvelle situation avec virulence.

Blacklisté partout où il postule, Sam tient soudainement un discours de chômeur victime.

C’est de ma faute si je me suis fait niquer par la vie ?

Quant à Marie, elle menace de partir.

Tu vois pas que j’en ai marre de cette vie de merde ? (…) Je vais me barrer avec un riche, un Sarkozyste.

Clairement, Sam et Marie ne sont pas prêts à revisiter leur train de vie. Dès que Sam gagne un peu d’argent, il en profite pour s’offrir un grand cru, acheter un bracelet à sa femme et une console de jeu à son fils. Il n’est pas prévu au programme que cette famille parte vivre modestement en Province.

La petite jouait du piano ? Elle jouera du piano (cf Sparring)! Sam ne fera pas vigile dans un supermarché (cf La loi du marché). Pas moyen! Refus catégorique de vivre au sous-sol (cf Parasite).

Alors ils n’ont pas d’autre solution que de devoir s’adapter. Cela impose de mettre leurs beaux principes de côté.

À partir de ce moment, tout devient permis. Marie commence par faire taire ses enfants.

Maman tu crois en Dieu, même quand on vole des trucs…?

On vole pas, on se démerde! (cf La vie est un long fleuve tranquille)

Sam comprend qu’il peut gratter la fortune des autres et fait preuve de créativité en surfant sur la vague du seconde main.

Je les nique avec deux doigts, sans bouger de la maison.

Marie couche avec Antoine pour éventuellement profiter de sa générosité – si besoin.

En parallèle, tous les deux maintiennent le discours auquel ils ont été habitués toute leur vie afin de faire la paix avec leur conscience. Finalement, ils ne font que ce qu’ils ont toujours fait.

Si on veut quelque chose, on bosse!

Ils se bercent de l’illusion de croire qu’ils restent en accord avec l’éducation qu’ils ont reçu. On oublie les beaux principes, mais pas les grands discours.

Quand on a des gosses on fait pas n’importe quoi, même pour du fric. Y’a une morale!

Ainsi, ils peuvent profiter de la mort de Mme Sinati. Elle vivait avec son chien de toute façon. À qui va-t-elle manquer ? Personne.

En l’occurrence, Sam n’a aucun problème moral avec le fait de prendre l’héritage. Il se donne même de bonnes raisons.

C’est l’argent d’une vieille salope. Elle était raciste, antisémite, misogyne, homophobe.

Ils volent, mentent et soudoient la concierge pour parvenir à leur fin. Le manque d’argent les a transformés en carnassiers. Ces deux bourgeois encore propres sur eux restent profondément dangereux car s’ils font mine d’être solidaires (cf Minari), ces deux égoïstes n’hésiteraient sûrement pas à se trahir pour sauver leur propre peau. La preuve, Sam n’hésite pas à donner des scrupules à sa fille.

C’est un petit peu à cause de toi qu’on en est là…

Ce nouveau mode de fonctionnement leur convient plutôt bien. À la fin de l’histoire, ils partent s’installer en Province – le temps de tout revendre. La petite a réussi son concours. Personne ne s’est fait arrêter par la police. Encore heureux!

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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