I’M STILL HERE
Casey Affleck, 2010
LE COMMENTAIRE
Pas toujours facile de faire la différence entre une star du show-business et une star de la rue. Tout se joue à de petits détails subtiles. La barbe a l’air complètement à l’abandon mais quelques petits coups de ciseaux lui permettent de ne pas avoir l’air totalement négligée. Une peau impeccable. Des cheveux qui ne sont pas coiffés mais propres. Les dents sont blanches. L’attitude est maîtrisée. Les gestes sont contrôlés. Le style SDF passe totalement inaperçu.
LE PITCH
Joaquin Phoenix fait un burn-out (cf Chute Libre).
LE RÉSUMÉ
Après son succès dans Walk the Line, Joaquin Phoenix a envie de raccrocher.
I’m just fucking like stuck in this ridiculous like self inclused fucking prison of characterization you know.
Il est d’accord pour faire un documentaire avec son beau-frère et ami Casey Affleck parce qu’il en a marre des étiquettes. Envie d’autre chose. Besoin d’air. Il participe à une pièce de théâtre pour une oeuvre de charité avec d’autres stars d’Hollywood. Puis il annonce à la presse qu’il veut arrêter sa carrière d’acteur.
Encore quelques interviews pour Two Lovers et c’est fini. Son agent l’appelle en panique car le médias s’emballent.
Il répète ses chansons et se met en recherche d’un producteur. Peut-être Dre ? Ce sera P. Diddy. Les rendez-vous sont décalés, puis décalés. Phoenix commence pourtant à douter.
Is it the wrong journey?
Il tise, tape dans la C, enchaine les escorts (cf The Girlfriend experience) et finit par rencontrer P. Diddy qui s’agace de l’amateurisme de Phoenix.
Do you have money to do this??
Il envoie bouler Ben Stiller qui vient lui parler d’un script. Son entourage s’inquiète.
Edward James Olmos lui rend visite.
That’s you, drops of water and you’re on top of the mountain of success. But one day you start sliding down the mountain and you think wait a minute; I’m a mountain top water drop, I don’t belong in this valley, this river, this low dark ocean with all these drops of water. Then one day it gets hot and you slowly evaporate into air, way up, higher than any mountain top, all the way to the heavens. Then you understand that it was at your lowest that you were closest to God.
Phoenix continue de prendre du poids. Ses enregistrements sont mauvais. P. Diddy ne peut pas faire miracles. La presse soupçonne toujours une supercherie alors Phoenix passe chez Letterman dans une interview embarrassante où il répète qu’il ne tournera plus.
Le public se marre pendant que Phoenix est prostré sur sa chaise.
Il s’effondre dans sa loge. Définitivement grillé. Il regarde Ben Stiller se moquer de lui aux Oscars. Tout le monde se moque de lui. Sa musique est nulle part. Au moment de se lancer, les critiques l’attendent au tournant pour l’achever (cf Birdman).
Le lendemain, il prend un avion pour retrouver son père à Porto Rico où il espère peut-être renaître.
L’EXPLICATION
I’m Still Here, c’est un retour aux sources.
L’ascension irresistible de Joaquin Phoenix prend des allures de descente aux enfers (cf Tár). Il enchaîne les grosses productions : Gladiator, The Yards, The Village. Les récompenses pleuvent. Épuisé par trop de promo. À bout de souffle. Son métier ressemble parfois un véritable calvaire dont on n’a pas le droit de se plaindre.
I loved the moment between action and cut but everything else was misery to me.
Difficile pour un magasinier ou une employée de la RATP d’imaginer que la vie de Phoenix soit pénible : les palaces, les restaurants, les tapis rouges…
Pourtant un mauvais réglage et le moteur s’enraie. Ces professionnels se sont construits sur leur sensibilité en marchant comme des équilibristes sur le fil de la réalité (cf The Walk). Phoenix se sent soudainement pris au piège. Esclave du réalisateur ou du public. Créatif qui n’a jamais l’occasion de donner la pleine mesure de son talent.
You’re just a fucking puppet!
Il a besoin de se retrouver (cf Jerry Maguire). Persuadé qu’il peut y parvenir à travers la chanson. C’est quelque chose qui lui permettra, selon lui, de s’exprimer véritablement.
For the first time i’m doing something whether you like it or not that really represents me.
En fait, il cherche au mauvais endroit. Phoenix cherche une respiration dans la musique alors qu’il continue de s’étouffer. Pourquoi la chanson ? Sa tête tourne encore à cause du succès donc il pense qu’il peut tout faire. Il veut suivre ses envies.
Si le cinéma est une prison et qu’il est capable de s’en libérer, alors tout est possible. Pourquoi pas la chanson ? Peu importe qu’il ait du talent ou pas. P. Diddy se charge de le ramener sur terre en lui rappelant qu’il s’agit d’un boulot comme un autre et qu’il est méprisant pour la profession de croire qu’on peut y arriver simplement en claquant des doigts.
Il faut investir et s’investir. Phoenix n’a plus envie de travailler.
Trop en colère et probablement mal conseillé par trop de gens dans son entourage qui n’ose pas le contredire. Pas facile d’être aussi honnête que Morpheus (cf The Matrix). Phoenix est brossé dans le sens du poil.
Quand le monde ne semble pas prendre conscience de son mal-être, il réagit brutalement en coupe les ponts violemment, quitte à se saborder. Comme si cela pouvait lui permettre de renaitre de ses cendres. Facile quand on s’appelle comme lui!
Ce qu’il aurait du faire, c’est ralentir. Maintenant qu’il s’est pris le mur, il doit faire un reset. Partir loin de tout. Retourner là où tout a commencé. Il se réfugie chez son père, dans un petit village où il va être a l’abri de l’exposition médiatique. À Porto Rico on peut jouer au foot et rater son match sans recevoir des menaces de mort. On peut se balader torse nu avec son gros bidon sans qu’on vous montre du doigt.
Tout y est plus simple. Les vidéos YouTube et les moqueries ne l’ont pas détruit. L’orage finit par passer. On oublie. Effrayant et libérateur à la fois. Phoenix est toujours là, plus que jamais depuis qu’il a tourné dans the Master et Her.
Comme Key confessait à Michael (cf Le Parrain 3) : Notre histoire n’est pas édifiante. Je suis toujours là.
C’est une question d’ego. Il s’agit d’accepter que nous ne sommes pas aussi importants que nous le croyons (cf Hollywoodland) – ou que le monde veut nous faire croire.
Rester en contact avec le réel reste la meilleure manière de ne pas s’évaporer complètement.
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