SPLIT

SPLIT

Night Shyamalan, 2017

LE COMMENTAIRE

Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux. Peut-être. Regardez-les s’envoler, c’est beau. Sans doute. Mais a-t-on vraiment envie d’ouvrir la cage aux monstres ? Ne risque-t-on pas de libérer une autre forme de violence à laquelle nous ne sommes pas prêt·es ? Ne devrions-nous pas passer un peu plus de temps à comprendre les fauves plutôt que de les laisser moisir dans leur cellule, avant de les autoriser éventuellement à retourner vers la civilisation (cf Jurassic World)?

LE PITCH

Les trois petits cochons se font kidnapper par le grand méchant loup.

LE RÉSUMÉ

Claire (Haley Lu Richardson), Marcia (Jessica Sula) et Casey (Anya Taylor-Joy) se font ramener par le père de Claire. C’est en fait Kevin Wendell Crumb (James McAvoy) qui monte au volant, un jeune souffrant de troubles dissociatifs de la personnalité à la suite d’abus subis dans sa jeunesse (cf 1 sur 5).

Les trois filles sont sous le choc d’avoir été kidnappées puis enfermées dans un sous-sol (cf 10 Cloverfield Lane). Totalement déstabilisées par la folie de Kevin. Elles tentent de s’enfuir et se retrouvent séparées. Évidemment terrorisées, malgré l’attitude bienveillante de Patricia.

Don’t worry, he’s not allowed to touch you. He knows what you’re here for, he listens to me.

Car Kevin a 23 personnalités. Il devient tour à tour Patricia, puis Dennis, puis Hedwig… et évoque même une mystérieuse 24e personnalité: la « bête », en laquelle le docteur Fletcher (Betty Buckley) ne croit cependant pas.

I’ve never seen a case like this before. Twenty three identities live in Kevin’s body.

La psychiatre reçoit pourtant des appels à l’aide de Kevin, qui se font de plus en plus pressants. Elle commence à le soupçonner de quelque chose. À raison: elle découvre avec horreur que son patient est le responsable de l’enlèvement des trois jeunes filles.

Kevin qui s’est transformé en sa fameuse 24e identité, surpuissante, étouffe Fletcher puis déchiquette Marcia et Claire avant de traquer Casey. C’est à ce moment qu’il découvre les cicatrices sur le corps de la jeune fille.

You are different from the rest. Your heart is pure! Rejoice!

Il l’épargne puis s’enfuit. Casey est secourue par la police qui lui propose de la ramener chez son oncle (cf Les Chatouilles).

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L’EXPLICATION

Split, c’est être dans une impasse.

Abandonné par son père, Kevin a été maltraité par sa mère. À la suite de quoi, il a développé plusieurs personnalités comme un mécanisme de protection ou comme la conséquence d’un dérèglement. De fait, il devient un sujet d’étude passionnant pour le docteur Fletcher qui est persuadée que le conditionnement mental peut conduire à la transformation physique de l’homme.

An individual with multiple personalities can change their body chemistry with their thoughts.

Fletcher est psychiatre. Elle croit au concept de résilience cher à Boris Cyrulnik, convaincue que l’homme peut guérir de ses blessures. Ce n’est pas parce que quelqu’un a été une victime par le passé que cette condition est irrémédiable (cf Jessie). Si l’on se complait dans sa victimisation, on ne risque pas de s’en sortir. Inversement, si l’on pense qu’on vaut mieux que ce qui nous est arrivé alors on peut s’en sortir.

La vie serait comme un jeu de rôles dans lequel on pourrait décider d’être celui qu’on veut. Plus qu’une question de volonté, il s’agit d’une question de croyance.

We are what we believe we are.

Le Dr Fletcher est une utopiste puisqu’elle est une profonde admiratrice de Superman. Les super-pouvoirs la font saliver, dans une certaine mesure.

There must be limits to what a human being can become.

Elle veut croire que l’homme peut toujours s’améliorer. Ce en quoi elle n’a pas tout à fait tort. Elle oublie cependant que si l’homme peut changer en mieux, il peut aussi changer en pire.

Kevin travaille sur lui-même mais il marche constamment sur un fil. Et il va tomber du mauvais côté : le côté monstrueux. Il ne sort pas de sa condition.

Qui est donc ce monstre et qu’est-ce qui l’anime ? Il kidnappe pour reprendre quelque chose qu’on lui a volé. En l’occurrence, il séquestre des adolescentes de bonne famille, bien propres sur elles, dans l’intention de leur faire subir la violence dont il a été victime lui-même. Il veut les salir pour les ramener à son niveau et ainsi prendre sa revanche sur ce qui s’est passé dans sa propre vie.

Those who have not been torn have no value in themselves and no place in this world!

Le monstre est par définition inhumain. Il est un peu à l’image de l’apôtre Paul qui croyait en la pureté de l’âme… prisonnière de la chair – détestable – et qui croyait dur comme fer aux châtiments corporels pour purifier l’esprit. C’est par sa faute si tant de gens se sont faits fouetter sans raison. Tout comme Paul, Kevin est persuadé qu’on ne peut atteindre la grandeur qu’à travers la souffrance. No pain, no gain.

Only through pain can you achieve your greatness!

Ce surhomme qu’il est devenu a pourtant tourné au vinaigre, à la manière d’un épisode de Black Mirror. Kevin est un Dolcinien (cf Le Nom de la Rose). Pour lui, prendre aux riches pour rendre aux pauvres ne suffit pas, il faut aussi brûler les riches au passage. Le laissé pour compte qui prend le pouvoir par la force.

The broken are the more evolved. Rejoice.

Casey et Kevin partagent quelque chose en commun: ils ont tous les deux été victimes de violences. Tout comme Kevin, Casey n’est pas à sa place dans ce monde. Elle est méprisée par Claire et Marcia qui ne veulent ni la ramener chez elle, ni s’asseoir à ses côtés sur le lit de camp.

S’il y a une victime dans l’histoire c’est Casey. Qu’il s’agisse de Kevin ou de son oncle, elle est pourchassée par la bête ou le pédophile. Pire, elle est libérée par un monstre pour être rendue aux griffes d’un autre. Prisonnière d’un cercle vicieux, elle n’est pas encore sortie de sa cellule.

Si quelqu’un a besoin d’aide, c’est bien elle. Elle représente la défaillance des parents, l’échec des thérapeutes et plus globalement le désintérêt du monde pour ceux qui souffrent dans leur coin.

On s’intéresse volontiers à ceux qui sortent de l’ordinaire comme Kevin. Par contre, on préfère ignorer celles et ceux qui souffrent en silence.

Et la vie continue…

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

10 commentaires

  • Bonsoir je voudrais savoir , lors de la scène montrant le décès du père , l’oncle de Casey lui informe que c’est habituelle dans leur famille et que son père est mort de la même manière. Peut-on croire que lui aussi était victime de viol par son oncle à lui qui aurait tuer son père ce qu’il aurait reproduit sur Casey ?
    ( A ce qui parait j’aurais un esprit tordu .. de croire une tel version possible )

    • Bonjour Dimitri et merci pour votre commentaire. D’abord, commençons par nous méfier des « à ce qui paraît ». Votre intuition n’est pas complètement tordue dans la mesure où Split, qui peut aussi vouloir dire « brisé », traite des conséquences d’abus. Comme si l’humain était fondamentalement bon, avant d’être corrompu par un événement. Comme si l’on pouvait toujours trouver une origine aux monstres. Il faudrait alors pouvoir retrouver celui qu’on appelle « le patient zéro », à l’origine du mal. L’oncle de Casey tout comme Dennis ne seraient finalement que les disciples de cette « bête ». Il faut espérer que Casey ne devienne pas une disciple à son tour.

  • Je suis désolé d’avoir mis 2 étoiles mais Kevin n’ai pas schizophrène. il est atteint d’un trouble dissociatif de la personnalité, en gros personnalité multiple. La schizophrénie n’a rien à voir avec se qu’il a. La schizophrénie est une hallucination visuelle et/ou auditive de la personne. Donc sa n’a rien a voir.
    Je vous prie donc de changer cette erreur, car c’est à cause de vous que beaucoup de personne se trompe sur se que c’est la schizophrénie.
    merci beaucoup et bonne journée

  • Kevin est bien une victime puisqu’enfant il a subi des violences insoutenables, au même titre que Casey. Je ne pense pas que la référence au rouge-brun JLM soit totalement pertinente, même si elle n’est pas infondée de la manière dont vous présentez les choses : ce qui pour moi ressort de ce chef-d’oeuvre (car c’en est un, et absolu), c’est une immense et sincère empathie envers les êtres anormaux, déviants, neuro-atypiques . C’était déjà le cas dans « Sixième Sens », également sublime. Etant moi-même autiste et borderline (et ayant subi des maltraitances psychologiques et physiques durant mon adolescence et plus tard), je ressens chez Shyamalan une authentique compréhension et un profond respect envers les personnes que la société juge indésirables.

    • Merci pour ce commentaire. Effectivement, il y a beaucoup de pudeur dans Split à travers la rencontre entre ces deux personnes blessées. Casey comprend Kevin peut-être même mieux encore que la psychiatre car elle le regarde avec un oeil différent.

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