SECOND TOUR
Albert Dupontel, 2023
LE COMMENTAIRE
Les élections sont une forme de broyeuse. Tout le monde n’y est pas forcément préparé. Les sourires sont figés, les formules bien ciselées. La poignée de main doit rester ferme. Tout parait sous contrôle. Alors qu’il s’agit surtout d’un exercice d’équilibre : Prendre la vague en essayant de ne pas tomber de sa planche.
LE PITCH
Le candidat favori aux élections présidentielles cache un secret.
LE RÉSUMÉ
Plus que quelques jours séparent Pierre-Henry Mercier (Albert Dupontel) de l’Elysée.
Il est porteur de cet idéal, il n’est pas porteur de nos idées : il est l’idée! Celui que le pays attend!
En effet, les élections se terminent sur un quasi sans-faute pour celui qui fait figure d’homme providentiel. Pourtant le candidat est la cible d’attentats et continue de recevoir des menaces.
Attention à vous.
Par manque d’effectif, la journaliste Nathalie Pove (Cécile de France) et son caméraman Gustave Clément (Nicolas Marié) passent du service des sports au service politique pour couvrir les derniers jours de la campagne sur ordre de M. Robard (Philippe Uchan).
Nathalie Pove n’aime pas répéter les questions que sa hiérarchie lui donne. Quelque chose chez Mercier lui parait étrange. Elle commence son enquête.
Qu’est ce qui le motive ce connard ?
Parmi les soutiens de Mercier, elle remarque entre autre la présence étonnante du juge Renaud (Renaud Van Ruymbeke), d’une scientifique la Pr Jacob (Christiane Millet), et du militant écologiste le Pr Curiepe (Jackie Berroyer). Des personnalités aux opinions alternatives. Autre détail, Mercier et son garde du corps (Uri Gavriel) parlent Roumain…
Nathalie Pove découvre la vérité.
Ils veulent le tuer!
Qui ?
Les fils de pute. Ceux qui veulent le mettre au pouvoir.
Mais pourquoi ??
Parce qu’il trahit…
Mercier est né en Roumanie et il a un frère jumeaux du nom de Santu (Albert Dupontel). Tous les deux ont été séparés à la naissance. Le premier a été adopté par l’héritière de l’empire Mercier (Catherine Schaub-Abkarian), tandis que le second est parti dans un orphelinat de Bucarest. Pierre-Henry a suivi la voie royale. Santu est revenu en France pour s’installer comme apiculteur dans les collines. Bien qu’il ne fasse pas partie du sérail, la popularité de Pierre-Henry a fait de lui le candidat naturel.
Il était normal que la classe politique se tourne vers lui.
Mais Mercier aurait d’autres intentions que de servir les patrons du CAC. Avec ses soutiens, il envisage effectivement de profiter du pouvoir pour développer une politique plus égalitaire et écologique. C’est pourquoi les personnes ayant financé sa campagne veulent désormais sa mort.
Lors d’un ultime meeting, Mercier est d’ailleurs grièvement blessé.
Son frère lui sauve la vie en lui donnant son sang.
Plus en état d’aller au bout de la campagne, Pierre-Henry Mercier songe à tout arrêter.
J’ai honte. (…) Je porte en moi le cynisme et l’hypocrisie des gens de ma caste. (…) Je passe mon second tour, les sponsors vont être soulagés.
Nathalie Pove lui interdit d’abandonner.
Tout ça pour rien!? Vous pouvez pas laisser tomber! C’est non assistance à l’humanité en danger.
Santu prend sa place lors du grand débat face à son opposant (Scali Delpeyrat). Le jumeau s’en sort brillamment, avec l’aide de son frère dans l’oreillette. L’émission a même connu un pic d’audience, présageant d’une forte participation dans les urnes.
Après le débat, Pierre-Henry Mercier trouve la force de remplacer son frère pour aller saluer la foule. Il sait ce qu’il risque et prend une balle comme JFK.
Ses ennemis ignorent qu’il est increvable. Santu prend définitivement la place sans que personne ne s’en rende compte. Il débarque au Palais où il a fait installer un ruche dans les jardins, à côté de la stèle en hommage à son frère.
C’est ici que les fleurs sont les plus belles et que les abeilles travaillent le mieux.
L’ampleur de la tâche lui donne le vertige. Mais Nathalie Pove est avec lui. Elle ne le laissera pas tomber.
Tout ce qu’on fait là, ça me fait un peu peur…
Vous inquiétez pas. On va y arriver! Vous êtes à votre place.
L’EXPLICATION
Second Tour, c’est une proposition pour changer les choses.
Dès lors que l’on parle de politique, une forme de résignation s’impose. C’est le règne du tous pourris. Difficile de ne pas perdre la foi en cette fonction pourtant noble de se mettre au service de la nation (cf Quai d’Orsay). L’environnement est devenu tellement apathique. L’abstention progresse. Les débats prennent la forme de polémiques stériles. Il faut que les candidats se donnent en spectacle sur les réseaux sociaux. Sur les plateaux TV, les journalistes récitent leur texte sans prêter attention à ce qui est dit.
Ils écoutent pas, tu peux dire n’importe quoi.
Au cours des années, des candidat·es de bord différent se succèdent les un·es après les autres pour mener la même politique. Les changements se font à la marge. Ce qui accrédite la thèse selon laquelle les représentant·es de droite, de gauche ou de l’hyper-centre ne seraient que des marionnettes interchangeables dont les ficelles sont tirées par des forces obscures (cf Macron à l’Elysée).
En cela, Pierre-Henry Mercier est parfait. Un brillant professeur qui donne suffisamment d’espoir aux masses pour administrer le même traitement. Changer, sans rien changer. Tant qu’il répond aux questions comme prévu, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.
La bourse est stable. Notre démocratie se porte bien.
Le problème de ce système est qu’il s’occupe davantage de servir les intérêts d’une minorité en place plutôt que de se soucier du développement du peuple. Des mois de répression contre les gilets jaunes en sont un exemple flagrant (cf Un pays qui se tient sage). Quand on passe des réformes dans la douleur, c’est souvent à l’encontre des plus faibles sous prétexte de maintenir la compétitivité du pays sans laquelle les plus faibles disparaitraient sûrement, c’est certain.
Par ailleurs, la multiplication de catastrophes naturelles de grande ampleur liées à l’activité humaine questionne quand même la direction prise par ce système, ainsi que ses limites.
Alors comment dompter la bête sauvage (cf Nixon) ? Comment faire pour changer ce système sachant qu’en France, la Révolution a remplacé la Monarchie par la Bourgeoisie. Et qu’on a coupé la tête d’un Roi pour voir un dictateur prendre sa place quelques années plus tard.
Peut-être se référer à la pensée d’un anonyme éclairé :
La seul façon de renverser le système, c’est de faire partie du système.
Opter pour des changements en profondeur plutôt qu’une rupture inefficace. Pour cela, il faudrait pouvoir reprogrammer la matrice de l’intérieur…
Ce qu’essaie de faire Pierre-Henry Mercier qui avance masqué. Il donne l’impression d’être exactement celui qu’on attend qu’il soit. Un rat des villes calculateur, comme les autres, sachant faire de belles promesses avant d’appliquer scrupuleusement les directives (cf Les marches du pouvoir, L’Exercice de l’État).
En vérité, il a deux visages. Dans le fond, Pierre-Henry est Santu : un rat des champs. Poète amoureux de la nature. Généreux, il est prêt à donner sa vie pour sauver son frère sans rien demander en retour.
Pour que les choses changent, la personne en charge de décider doit réunir ces deux facettes.
Je me regarde et c’est toi que je vois.
Les deux ne doivent faire qu’un pour se relever en cas de coup dur.
Après, il faudra procéder à des changements progressifs en mettant des personnes aux idées fraiches à des postes clés pour petit à petit changer de régime. Et ne surtout pas baisser les bras lorsque les choses se compliqueront. C’est à ce moment qu’il faudra pouvoir espérer compter sur le peuple.
Si les gens sont vraiment avec moi, alors je vais pouvoir faire tout ce que j’ai prévu.
En 1983, François Mitterrand avait vite rangé sa politique de gauche dans les tiroirs pour rentrer dans le rang en instaurant la rigueur… Ce qui lui a permis de rester quatorze ans au pouvoir.