LA MORT DANS LA PEAU
Paul Greengrass, 2004
LE COMMENTAIRE
Le pouvoir d’attraction de Thanatos est fort (cf Braindead). À quelle occasion précise sommes nous tentés de basculer du côté obscur ? Quels moments, quels lieux, quelles voix nous invitent à céder à la facilité ? Comment résister ? Pourquoi résister (cf Born to be Blue) ?
LE PITCH
Un ancien agent de la CIA n’en a pas encore fini avec son ancienne organisation.
LE RÉSUMÉ
Après quelques péripéties (cf La mémoire dans la peau), Jason Bourne (Matt Damon) a déménagé en Inde avec sa compagne Marie (Franka Potente) où ils essaient de mener une vie discrète et sans histoire.
Côté CIA, Pamela Landy (Joan Allen) enquête sur une affaire de détournement impliquant un oligarque Yuri Gretkov (Karel Roden). Son homme de main, Kirill (Karl Urban), sabote l’enquête et laisse des traces compromettantes pour Jason Bourne. Ne reste plus à Kirill qu’à se rendre à Goa et abattre Bourne pour refermer ce dossier foireux. Plus facile à dire qu’à faire.
Kirill tue Marie par erreur et quitte l’Inde en pensant Bourne mort. Quand Jason se remet de ses blessures, il est convaincu que la CIA en a toujours après lui. Il a bien l’intention de se venger.
De son côté, Pamela continue son enquête qui lui permet de remonter jusqu’à Treadstone. Elle découvre que le père du programme n’est autre que Ward Abbott (Brian Cox) lui-même.
Bourne retrouve Abbott lui fait avouer, en prenant soin d’enregistrer leur conversation. Avant de partir, il lui laisse une arme pour que son ancien patron puisse se suicider, avec une dignité quasi japonaise.
I don’t suppose it would do me much good to cry for help, huh?
Not much.
Direction Moscou où Bourne retrouve Kirill pour l’abattre. Il contacte la famille de Victor Neski (Jevgenij Sitochin), un politicien russe assassiné il y a des années. Bourne confesse à Irena (Oksana Akinchina) que son père ne s’est pas suicidé. C’est bien lui qui l’a tué. Il tenait à lui dire dans les yeux.
Direction New York. Pamela Landy révèle par téléphone à Bourne que son véritable nom est David Webb.
It’s all tied off, it’s all over. I guess I owe you an apology.
Jason/David la remercie puis lui fait comprendre qu’il l’observe depuis un autre building. Il quitte les lieux et se fond dans la foule (cf Le Silence des Agneaux).
L’EXPLICATION
La Mort dans la Peau, c’est se souvenir pour ne pas retomber dans ses travers.
Dans le pire des cas, un burn out qui finit mal (cf Chute Libre) se termine par un suicide. L’entreprise, son organisation tentaculaire, ses conditions de travail ont littéralement cramé, ou broyé, certain·es de ses employé·es (cf Adieu les cons).
Le burn out peut cependant être salutaire si la victime en profite pour remettre du sens dans sa vie : qu’on reprenne le même travail dans de nouvelles conditions plus acceptables ou que l’on change de vie pour devenir fleuriste.
Mais même lorsqu’on change de vie, on ne peut occulter les années précédentes. Les casseroles font encore du bruit. Comme le disait Valmont à Madame de Tourvelle, on ne peut pas complètement effacer des années d’une vie dissolue (cf Les Liaisons Dangereuses). Il reste toujours des traces du passé, comme lorsqu’on brûle des toasts (cf Shining).
Bien qu’il soit à l’écart, en Inde, Bourne n’est pas tout à fait à l’abri. Son passé le retrouve et continue de le faire souffrir (cf Sexy Beast). Marie est la victime collatérale de sa vie d’avant, comme le lui fait remarquer Abbott.
You killed Marie.
You killed Marie. The moment you got into her car, the moment you entered her life, she was dead.
Pour comprendre Abbott, il faut considérer cet homme comme un serviteur du système, corps et âme, un peu à la manière de Dark Vador (cf Star Wars). Il ne fait que son travail. Lui aussi a souffert à cause de ce système, mais il s’est résigné. Esclave du système.
I’ve given 30 years and 2 marriages to this agency, I’ve shoveled shit on 4 continents, I’m due to retire next year. But if you think I’m going to sit here and let you dangle me with this, you can go to hell. And Marshall too. It had to be done.
Abbott et la CIA représentent un système censé maintenir l’ordre (cf Raison d’État) mais qui s’est enivré de son propre pouvoir en étouffant les sujets qu’il s’était promis de protéger. Le système est aujourd’hui totalement corrompu.
Abbott a lâché l’affaire. Matt Graver également (cf Sicario). Pour ces hommes, ce système n’est peut-être pas le meilleur, mais il est le moins pire.
Nothing in those files makes their sacrifice worthwile. You have to let go. We’re professionals, when an operation goes bad, we tie it off.
Cette corruption rampante finit par retrouver Bourne jusqu’en Inde. Elle ne lui laisse aucun répit. Il sera une cible pour toujours.
There’s always an objective. Always a target.
Ce qui met Bourne très en colère car il souhaite autre chose pour lui. Un peu de calme et tranquillité. Malheureusement, il commence à se dire que c’est impossible. Comme Michael Corleone aux portes d’une retraite bien méritée, il a l’impression qu’on le ramène en arrière (cf Le Parrain 3).
Sa réaction est épidermique : il veut retrouver tout le monde et faire le grand ménage.
C’est la formation qu’il a reçue. Heureusement, il se rappelle de Marie. Sa boussole. Même si elle a disparu, ses mots résonnent. Ses principes lui survivent.
We don’t have a choice.
Yes, you do.
Bourne voulait retrouver sa liberté, qui passe par avoir le choix. Il a toujours le choix et peut se le prouver, en évitant de tuer Abbott. Il préfère plutôt lui laisser la possibilité de se suicider. Bourne doit respecter le choix. Il doit aussi accepter les règles du jeu :
Is that official?
No, off the record. You know how it is.
La vie, c’est comme ça, on n’a pas tout c’qu’on veut mon gars.
Désormais, Jason Bourne est à la recherche d’une réconciliation.
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