MAL DE PIERRES

MAL DE PIERRES

Nicole Garcia, 2016

LE COMMENTAIRE

L’espèce humaine nait puis meurt. Entre temps, elle se marie (cf Quatre mariages et un enterrement). De plus en plus, elle divorce (cf Marriage Story), car le mariage n’a rien d’une partie de plaisir (cf Les Noces Rebelles). Si les invités se marrent (cf Le Sens de la Fête), les principaux concernés déchantent rapidement : le meilleur est de l’histoire ancienne, le pire déjà est en vue. Le mari enchaîne les clopes tandis que la mariée fait la tête.

LE PITCH

Une femme se marie à contre-coeur.

LE RÉSUMÉ

Dans la Provence d’après-guerre, la jeune Gabrielle (Marion Cotillard) s’entiche de son professeur de Français à qui elle écrit des lettres endiablées.

Vous connaîtrez avec moi la chose principale. 

Lors d’une fête de village, son professeur ne répond pas à ses avances. Elle fait alors une scène retentissante puis s’enfuit. Assez de spectacle pour que sa mère (Brigitte Roüan) l’envoie consulter un psychiatre et lui mette un maçon Espagnol dans les pattes.

Elle est dans ses nuages, elle n’est pas folle, elle a besoin d’un homme dans sa vie. Il faut qu’elle se marie. À un moment donné, il faut bien fonder un foyer.

Le discret José Rabascal (Àlex Brendemühl) semble partant pour l’aventure, même si Gabrielle lui annonce la couleur.

Vous serez malheureux. Je vous aime pas, je vous aimerai jamais.

Cela promet…

Gabrielle souffre de la maladie de la pierre. Les médecins lui recommandent une cure dans les Alpes. Pendant ce temps, Rabascal entreprend la construction d’une villa à La Ciotat.

Il t’a fait une belle maison José…

En Savoie, Gabrielle fait la rencontre d’André Sauvage (Louis Garrel), un Lieutenant grièvement blessé à la guerre – en phase terminale. Tous les deux se rapprochent au point d’avoir une aventure d’un soir (cf Last Night). Le jeune homme opéré à Lyon semble revigoré. Il rend visite à Gabrielle avant de partir, en lui promettant de la revoir.

Je te dirai où on se retrouvera, je le sais pas pour le moment mais je te le dirai.

Gabrielle est guérie. Elle écrit chaque jour à son amant, l’informant qu’elle est enceinte de lui. Malheureusement, ses lettres restent sans réponse.

J’ai perdu les mots.

Pendant ce temps, José vit un enfer.

Un beau jour, toutes les lettres de Gabrielle lui sont remises. Elles n’ont jamais été ouvertes. En réalité, André est mort à la fin de sa cure. Leur idylle a été purement et simplement imaginée par Gabrielle. Cette nuit d’amour, elle l’a passée avec son mari venu la retrouver dans l’obscurité. Gabrielle ne comprend pas.

Pourquoi tu m’as rien dit ?

Je voulais que tu vives.

Soudain, elle comprend que cet homme de l’ombre est là pour elle. Pour la première fois, elle le considère.

L’EXPLICATION

Mal de Pierres, c’est apprendre à aimer l’autre.

Six ans de guerre mondiale, vingt ans à peine après quatre ans d’une autre guerre mondiale : c’est long. Beaucoup de drames au quotidien (cf La liste de Schindler), d’efforts (cf L’Armée des Ombres) et de sacrifices (cf La Vie est Belle). On peut comprendre que la génération qui va devoir reconstruire ait envie d’un peu de légèreté. Un peu de rêve!

C’est le cas de Gabrielle qui veut une histoire d’amour à l’eau de rose. Comme une adolescente, elle déverse son trop plein d’hormones sur un prof de Français qui n’a absolument rien du poetic lover qu’elle s’imagine. Elle passe ses nuits à lui écrire des lettres qui trempent d’émotion la chaise sur laquelle elle est assise. Gabrielle souffre de ne pas trouver d’echo et de passer pour une folle aux yeux de sa mère issue de la génération d’avant – plus pragmatique.

On sait jamais si c’est vrai ou faux.

Gabrielle a envie de s’enfuir et qu’un beau prince charmant vienne la secourir torse nu. Un homme qui l’aurait choisie.

En guise de prince charmant, on lui donne un ouvrier en bâtiment espagnol. La réaction de la jeune femme est allergique. Déprimée.

Je veux pas rentrer chez moi.

Contrainte par la société à devoir se marier, Gabrielle n’a pas abandonné ses rêves de romance. Si son prince charmant ne l’a pas secourue, alors c’est elle qui viendra à son secours. Mieux, elle s’inventera un prince charmant en la personne d’André Sauvage. Un soldat raffiné, shooté à l’opium, qui se rapproche un peu plus de l’idée que Gabrielle se fait du légionnaire de Serge Gainsbourg.

André donne une bonne raison à Gabrielle de continuer à vivre dans son monde. Elle se fait des films. S’écrit des histoires à nouveau. Gabrielle repart dans sa tête, ce qui est bien plus commode que de devoir s’attacher au rythme du quotidien fait de biberons et de couches. Comme si le réel n’avait pas existé.

On peut le comprendre. Elle n’a pas envie d’entendre parler de crédit sur vingt ans ou de travaux de rénovation du salon. Gabrielle veut un amour impossible et du sexe torride à 2h du matin. Un peu de passion!

Toutes les bonnes choses ont une fin. On ne peut se mentir qu’un temps (cf Memento). André était mourant. Il ne bandait pas. Le courrier finit par revenir et avec lui, le chateau de cartes s’effondre. Blaise enfonce le clou avec ses mauvaises nouvelles.

Il est mort à Lyon, à l’hôpital.

Mais non, il est revenu… Après, il est revenu.

Non Madame. Il n’est pas revenu.

Si.

Non.

Pas la peine d’insister.

Après la guerre, quand elle s’éveille enfin à la réalité, Gabrielle n’est pas seule. Elle peut compter sur José, un bâtisseur fiable. Quelqu’un qui n’a pas fait la guerre, mais qui l’a vue. Un homme qui l’a sauvée de la noyade. Patient. Compréhensif. Aimant. La tête sur les épaules. Ce qu’on peut appeler : un bon parti.

Les fondations sont solides. Avec José, Gabrielle a eu un fils qui a gagné le second prix de piano au conservatoire de Lyon. Grâce à lui, elle possède une villa splendide à La Ciotat, sans risque d’inondation dans la salle de bains. Et puis José c’est quand même l’assurance de vacances d’été en Espagne.

Certes, il ne fait pas rêver sur le papier. Il n’est ni Grey (cf 50 nuances), ni Rochester (cf Jane Eyre), ni Darcy (cf Orgueil et Préjugés). José n’est pas l’homme qu’on voit dans GQ. Il est le mari par défaut. Florent Pagny plutôt que Patrick Bruel.

Mais en vérité, il n’est pas si mal du tout.

Alors Gabrielle peut arrêter sa comédie. L’herbe n’est pas plus verte ailleurs. Le temps est venu de rentrer dans le rang et apprécier sa chance.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

5 commentaires

  • Merci pour cette belle explication pleine de finesse. Je partage votre point de vue sur le film c’est la démonstration que l’amour se construit, comme on batit une maison on a du mal à apprécier son propre chantier on rêve d’une villa avec vue sur mer, en omettant qu’une villa c’est un sac d’emmerdes.. aussi! Ce film est également une belle demonstration du couple ataraxique cher à Lucrèce, un couple qui fuit la passion ses souffrances et qui recherche l’harmonie et la paix. On devrait visionner ce film en terminale! Ce serait une bonne maniere de montrer que la philosophie c’est du concret.

    • Merci Delphine, on pourrait ajouter que l’ataraxie réclame pas mal de patience, beaucoup d’amour et surtout très peu d’ego.

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