THE GRAY MAN
Anthony et Joe Russo, 2022
LE COMMENTAIRE
Quand on prend un gadin, l’important est de garder une certaine allure. Se faire mal au bon endroit. Saigner juste ce qu’il faut. Se blesser à l’arcade sourcilière, sans ressembler à Rocky au dernier round. Surtout ne pas être décoiffé, sous aucun prétexte. Et regarder à l’horizon avec un air mystérieusement en colère, un tantinet revanchard.
LE PITCH
Un mercenaire doit nettoyer les bêtises de ses supérieur·es.
LE RÉSUMÉ
Donald Fitzroy (Billy Bob Thornton) est responsable du programme Sierra au sein de la CIA. Il débauche des repris de justice pour les transformer en tueurs pour des black ops.
Dix huit ans après avoir été recruté, Sierra Six (Ryan Gosling) part à Bangkok pour assassiner une cible soupçonnée de vendre des informations secret défense. La cible en question est Sierra Four (Callan Mulvey), un autre membre du programme.
Tiens donc.
Avant de mourir, Sierra Four donne à Six une clé cryptée remplie de secrets compromettants. Denny Carmichael (Regé-Jean Page), à la CIA, est impliqué dans de sombres affaires. C’est précisément lui qui veut que tous ces secrets disparaissent. Il fait appel à Lloyd Hansen (Chris Evans), un autre criminel sociopathe à qui la CIA a recours occasionnellement pour faire le sale boulot.
Make him gone.
Lloyd Hansen s’offre les services d’une armée de mercenaires. Il ne cherche pas à faire dans le détail.
You wanna make an omelet, you gotta kill some people…
Son plan est de kidnapper Claire (Julia Butters), la nièce de Fitzroy que Six est chargé de protéger (cf A beautiful day).
Hansen capture la jeune fille. Les deux hommes sème le chaos en Europe dans une course poursuite haletante les emmenant de Croatie jusqu’en Autriche, en passant par la République Tchèque. Pas le temps de faire du tourisme. L’agent Dani Miranda (Ana de Armas) vient en aide à Six, mis en difficulté par Hansen.
Miranda et Six se rendent à Vienne chez Margaret Cahill (Alfre Woodard), seule capable de décrypter la fameuse clé.
En France, le redoutable mercenaire Avik San (Dhanush) s’empare de la clé puis la rend à Dani Miranda lorsqu’il se rend compte que Carmichael et Hansen n’ont strictement aucun scrupule.
These are not honorable people.
Six et Hansen s’affrontent. Suzanne Brewer (Jessica Henwick) tue et Hansen. Elle informe Six de son intention d’utiliser Hansen pour protéger Carmichael. Par ailleurs, elle obtient que Six soit mis sous surveillance, à disposition de la CIA, en échange de quoi elle garantit la sécurité de Claire.
Aucune sanction n’est prise contre Carmichael, mais le grand patron ne veut plus le voir.
I don’t want to see you in here for quite some time.
Six trompe la surveillance de ses gardes puis libère Claire pour prendre la poudre d’escampette.
L’EXPLICATION
The Gray Man, c’est prouver qu’on peut valoir plus que moins que rien.
Sierra Six n’est tellement personne qu’il en a perdu son identité. Parce qu’il s’est rendu coupable d’un parricide, la société le punit à des années de galère. Alors que tout ce qu’il voulait faire était protéger son frère de la violence de son paternel. Un bon geste.
Il ne fait pas bon tuer son père. Direction la taule!
Fitzroy propose encore pire : la prison à vie, à l’air libre (cf Nikita).
Sierra Six vaut vraiment moins que rien car il est utilisé par la CIA pour nettoyer les toilettes. Faire un job que personne ne veut faire, et risquer sa vie en l’échange de rien. S’il disparait, il n’aura même pas droit à une stèle. Au cas où il l’oublierait, on se charge bien de le lui rappeler.
You’re just an asset.
Un monde qui fait l’apologie du conformisme. Pas de risque qu’on invite qui que ce soit à se poser des questions. Non. Il faut de bons soldats.
It is very dangerous for you to start thinking for yourself.
Tant mieux, sinon on s’apercevrait que le monde est régit par des personnes qui ne pensent qu’à leur propre intérêt financier. Sans aucun sens éthique. On demande à Sierra Six d’éliminer Sierra Four, c’est à dire quelqu’un comme lui.
That’s the beauty about the private sector : I don’t care about his reasons.
Sierra Six est constamment maintenu la tête sous l’eau, dans un monde de mâles alpha. Il est trimballé d’une ville à une autre, dans une mission sans fin. La seule manière d’avoir l’impression de valoir quelque chose est de se mesurer aux autres dans une gigantesque concours de qui a la plus longue.
I think I’m better than you.
Sierra Six va trouver sa porte de sortie tout seul comme un grand, vu qu’il ne peut pas compter sur les autres.
At least tell me guys you have some kind of an exit strategy.
Il voit dans cette mission kamikaze l’occasion d’en sortir grandi (cf Un prophète), grâce à Claire. Car celui qui ne valait rien se voit confier un autre type de responsabilité : protéger une enfant. Une opportunité unique. Cela change de devoir rattraper les ratures des dirigeant·es. Se battre au nom de l’innocence, plutôt que de couvrir les fesses de gros dégueulasses.
Tout d’abord Sierra Six fait honneur à la promesse qu’il a faite à Fitzroy de toujours s’occuper de Claire (cf Léon). Alors que rien ne l’y oblige en vérité, surtout après la mort de Fitzroy. Il aurait pu partir en vacances dans les cyclades, comme tout le monde. Au mépris de l’empreinte carbone.
En plus il est free lance pour la CIA. Alors peu importe ce qu’il fait, on lui donnera toujours du travail.
Au lieu de lâcher égoïstement l’affaire, il s’attache à Claire au point de risquer sa vie pour sauver la sienne. Toujours dans le style détaché caractéristique du mec qui sauve des vies tous les jours comme d’autres vendent des baguettes tradition. La routine.
This is just another Thursday.
Le mec fait son boulot d’une manière très professionnelle, sans se plaindre. Claire le voit revenir de l’enfer. Elle le regarde comme s’il était le père Noël. C’est peut-être la plus belle récompense que Sierra Six pouvait obtenir – sans la chercher.
C’est simple en fait.