GAZON MAUDIT
Josiane Balasko, 1995
LE COMMENTAIRE
Dans la lutte de pouvoir qui oppose la femme à l’homme, il y a d’abord eu Eve (cf Ex Machina) dont la faiblesse pour les pommes l’a conduite droit en enfer. Ensuite il y a eu Betty Draper, la femme au foyer soumise. Simone Veil a lancé les grands travaux avec le droit à l’avortement. Isabelle Alonso a aboyé son féminisme sur les plateaux TV. Puis Sharon Stone a tué l’homme à coups de pic à glace (cf Basic Instinct). Jusqu’à ce que Josiane Balasko lui porte le coup de grâce en dérobant sa femme!
LE PITCH
Une femme gare sa camionnette dans la vie d’un couple ‘exemplaire’.
LE RÉSUMÉ
Laurent (Alain Chabat) et Loli (Victoria Abril) sont heureux dans le sud de la France. Le soleil brille, les cigales chantent et Laurent couche à droite à gauche dans le dos de Loli. Tout va ‘bien’ a priori, jusqu’au jour où Marie-Jo (Josiane Balasko) tombe en panne avec son camping car.
Marie-Jo va flasher sur Loli. Et Loli, un peu délaissée, va finir par répondre à ses avances. Laurent, champion de Provence du machisme, ne porte pas Marie-Jo dans son cœur. Il accepte malgré tout d’aller dîner avec elle, sa femme et son pote Antoine (Ticky Holgado) pour se sentir épaulé. Les deux amoureuses flirtent effrontément et vont même finir par se faire prendre la main dans la culotte, sous la table.
D’abord dégoûté puis blessé dans son amour propre, Laurent va tout tenter pour récupérer Loli. Il essaie d’abord de chasser Marie-Jo, sans succès. Prise au piège de cette relation tri-partie infernale, Loli impose un ménage à trois lui permettant de disposer de Laurent et de Marie-Jo à sa guise. Cette situation ne satisfait vraiment qu’elle.
Contre toute attente, Laurent, qu’on soupçonne homophobe, va craquer de nouveau pour le charme hispano en tombant amoureux de Diego (Miguel Bosé), l’un de ses clients.
L’EXPLICATION
Gazon Maudit, c’est un grand bazar à ciel ouvert.
Il y a 20 ans on pouvait déjà relever les prémices de l’anarchie relationnelle dans laquelle nous nous débattons aujourd’hui. Il y a d’abord le Sud, théâtre de toutes les insouciances (cf L’inconnu du lac), qui vit au rythme des bpm (cf Mektoub), où l’on sèche le travail pour aller profiter du soleil en terrasse à boire du Pastis.
Ce Sud si léger, chauffé par les rayons du soleil et bercé par le chant des cigales. Ce Sud où les gens se baladent sur la corniche avec des survêtements de l’Olympique de Marseille, méprisant les codes vestimentaires élémentaires pour lesquels le microcosme Parisien de la mode se bat pourtant chaque saison.
Le Sud et son omerta : les Méridionaux n’en est pas moins hypocrites et considèrent les dérives du couple avec un certain cynisme. Beaucoup de cynisme même puisque si les tromperies de monsieur étaient bien connues et tolérées dans le secret, les batifolages de madame – qui plus est avec une autre – posent un vrai problème éthique, touchant l’homme au plus profond de sa masculinité.
Le mec marié, heureux, couple exemplaire. Et ben sa femme le trompait avec une autre gonzesse, tu l’crois ça ? Tu l’crois ?? Sous son toit quasiment. J’te jure!
Tant qu’à parler d’hypocrisie, rappelons au passage que pour qu’un mec trompe sa femme, il faut aussi une maîtresse dans l’histoire. L’adultère n’est rien d’autre qu’une balle que la femme se tire dans son propre pied. Si chacun y mettait un peu du sien on pourrait venir à bout de l’adultère dans le monde. Et Gleeden pourrait mettre la clé sous la porte.
Dans ce Sud, les femmes se rebellent. Il y a d’abord Loli qui est passée pour une imbécile pendant des années et qui ouvre enfin les yeux sur la comédie de son mari volage. Et il y a Marie-Jo qui méprise Laurent, symbole de ces hommes machistes qui refusent de prêter aux femmes le volant de leur camion.
Toutes les deux, plus ou moins consciemment, vont infliger à l’homme la punition suprême. Laurent a eu la faiblesse de sauter les sœurs Crumble avec son ami Antoine, il va payer. Œil pour œil, dent pour dent.
Les femmes en profitent pour faire la leçon à l’homme en lui apprenant la romance et même l’amour profond, le vrai, celui qui n’a pas de frontière ou de jugement. C’est la prostituée qui prend Laurent sous son aile en lui parlant de l’amour qu’il ne faut pas rater, celui qui nous fait tordre notre ego (cf Welcome).
Ce que fera d’ailleurs Laurent, après avoir noyé sa déception dans le pastis. Un peu tard. Car l’amour a une date de péremption aussi. On nous a fait croire que l’amour c’était pour toujours, ce n’est pas vrai.
L’amour est un TGV qui s’arrête quelques minutes en gare, pas plus. Sans nous attendre (cf Darjeeling Limited).
Il est temps de regarder les choses qui ne font pas plaisir en face.
Qu’est-ce qui se passe ? On a peur d’la bête ?
Loli doit admettre que son mari la trompe. Laurent devra regarder sous la table pour affronter la pénible vérité: celle de sa femme qui le trompe en retour, se faisant tripoter la cuisse par une autre. Marie-Jo sera bien forcée de reconnaître que malgré ses désirs de stabilité, elle est prisonnière à vie de sa camionnette.
Même Antoine avec son air couillon se sentira assez pitoyable lorsqu’il découvrira qu’il fait du charme à une adolescente qui se trouvera être sa propre fille (cf Old Boy).
Ce qui montre bien qu’il y a un laisser aller terrible dans le sud de la France qui paralyse tout un pays. C’est pas parce qu’il fait plus beau et plus chaud sur la côte d’Azur qu’il faut se permettre de vivre dans une telle approximation, la ceinture desserrée. Antoine, Loli et Marie-Jo pensent à leurs petits intérêts en négligeant le monde dans lequel ils essaient de s’inscrire.
Ils oublient la Provence de Pagnol (cf La gloire de mon père). Et ils oublient tout autour d’eux. Les adultes font absolument n’importe quoi, suivant une logique de camping méridional douteuse.
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