LA VIE RÊVÉE DE WALTER MITTY
Ben Stiller, 2013
LE COMMENTAIRE
Parce qu’il est trop encombré de colosses bodybuildés (cf San Andreas), de bellâtres gominés (cf Autant en emporte le vent), ou encore de jeunes loups au charme arrogant (cf Le loup de Wall Street), le cinéma ne laisse que trop peu de place aux petits rabougris. Dommage quand on sait que les petits mecs insignifiants en apparence cachent en général bien des surprises.
LE PITCH
Un employé de magazine part à la recherche d’un précieux négatif.
LE RÉSUMÉ
Walter Mitty (Ben Stiller) est un anonyme qui fait un travail de l’ombre. Son imagination débordante ne l’empêche pas d’être parfaitement transparent. Sa collègue Cheryl Melhoff (Kristen Wiig) ne calcule aucunement les sentiments qu’il pourrait avoir à son égard. Peut-être préfère-t-elle ne pas calculer ?
Le passage au tout numérique pousse de nombreux collaborateurs et collaboratrices sur la touche. Life doit procéder à un sérieux lifting et virer bon nombre d’employé·es afin de s’adapter aux exigences de demain.
I just wanted to inform you all reluctantly that this month’s issue will be our last. It’s sad news, I’m sure. Now you’re all valued employees but as we go under this transition of Life online, I want to be candid with you that some of you will be determined non-vital employees to the new partnership and we’ll be deciding which of those positions will be remaining with us over the course of the next week.
Dur de perdre sa vitalité, en tant qu’employé. Avant que ne débute la galère de la recherche d’emploi (cf La loi du marché), Walter doit encore accomplir une mission: tirer le tout dernier négatif de la toute dernière couverture.
Le problème est que le négatif en question n’est pas dans la pellicule que lui a fourni Sean O’Connell (Sean Penn). Le reporter star lui a envoyé un petit portefeuille en cadeau mais pas le fameux négatif!
N’ayant plus rien à perdre, Walter décide de partir à l’aventure dans le but de retrouver Sean et son fameux négatif. En tant qu’employé de Life magazine, il ne applique la culture d’entreprise.
Life is about courage and going into the unknown.
Son périple le conduit du Groenland à l’Islande pour finalement l’emmener en haut des sommets de l’Himalaya (cf Everest) où Sean lui révèle que le négatif en question se trouve tout simplement dans le portefeuille qu’il lui a offert. Un portefeuille que Walter n’avait tout simplement pas pris la peine d’ouvrir avant de le jeter à la poubelle (cf About Schmidt). Bravo.
Heureusement que sa mère (Shirley MacLaine) ne jette rien.
Found it in the trash. I always save your knick knacks.
Walter a de quoi se sentir fier et bête à la fois.
Son petit tour du monde lui aura permis de muscler son CV par quelques belles expériences de vie, gagner la confiance nécessaire pour charmer Cheryl et être capable de tenir un discours de vérité aux cadres en charge de la transition digitale (cf In the air).
There’s your quintessence. (…) This thing that you do where you come into a place and push people out. You should know that those people worked really hard to build this magazine. They believed in the motto. And I get it you have to do what you have to do… but you don’t have to be such a dick.
Walter se procure le dernier numéro papier du magazine en kiosk, curieux de découvrir ce que contenait ce mystérieux négatif. Il est touché de se voir en couverture, devant le building de Life en train d’examiner une épreuve.
Un hommage de Sean à celui sans qui ce magazine ne pourrait pas exister.
L’EXPLICATION
La vie rêvée de Walter Mitty, c’est s’explorer soi-même.
Walter Mitty est un talent qui s’ignore tellement lui-même que personne ne le remarque. Lorsque la question se pose de savoir quels sont les collaborateurs de Life qui feront partie de l’aventure d’après, Walter se retrouve du mauvais côté. Il va partir avec l’eau du bain. Ce qui n’est pas très grave compte tenu du fait que personne ne le regrettera.
Son ultime mission va lui donner la chance de se découvrir. Il part à l’aventure. On dit que les voyages forment la jeunesse (cf Kong : Skull Island). Qui sait si Walter a seulement profité de la sienne ? En tout cas, ces voyages vont lui permettre de vivre un peu. N’est-ce pas la devise de son magazine ?
To see the world, (…) to see behind walls, draw closer, to find each other and to feel. That is the purpose of life.
Toutes ces histoires vont le conduire à retrouver Sean O’Connell au bout de sa quête : le symbole du voyageur. Celui qui fait rêver. La performance de Walter est saluée par ses collègues, comme Todd (Patton Oswalt). Celui qu’on croyait être aussi gris que ses épreuves photographiques se révèle être un vrai baroudeur.
I pictured you as this little gray piece of paper, but now I see you and it’s like Indiana Jones decided to become the lead singer of the Strokes or something.
En vérité, le maître globe-trotteur lui permet de faire une découverte beaucoup plus importante encore. Grâce à Sean O’Connell, Walter se rend compte qu’il est une personne fondamentale pour l’entreprise. Lui, l’homme de l’ombre. L’intermittent du spectacle (cf Hidden Figure). Il compte.
Beautiful things don’t ask for attention.
L’ironie veut qu’il ait du faire le tour du monde pour obtenir sa réponse. Réaliser qu’il n’aurait pas eu besoin de le faire s’il s’était exploré lui-même, comme le prônait Thoreau.
Walter a fait toutes les destinations pour s’apercevoir qu’il avait la réponse sous son nez (cf Her), dans un portefeuille auquel il n’avait même pas prêté attention. Plutôt que de chercher la vérité de soi-même partout dans le monde comme le recommandait Pascal, adepte du divertissement, Walter aurait pu tout simplement ouvrir les yeux sur qui il est.
Hier, la pandémie nous a contraint de rester à la maison. Aujourd’hui, les restrictions budgétaires liées à la hausse du prix du carburant nous dissuadent de prendre l’avion. Demain, la situation environnementale ne nous permettra peut-être plus de sauter d’un continent à un autre. Tant mieux! Voyager est le paradis des sots, comme le disait Emerson.
On ne fait pas l’économie de soi-même.
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