BLADE RUNNER 2049
Denis Villeneuve, 2017
LE COMMENTAIRE
À la fin du siècle dernier, un chansonnier Français du nom de Jean-Jacques Goldman connut un petit succès grâce à un titre dans lequel il expliquait marcher seul (cf Gerry). Dans la ville, sans but et sans mobile. Anonyme. Dans ce monde individualiste, qui se virtualise chaque jour davantage (cf Ready Player One), nous avons effectivement l’impression d’être isolés sur notre chemin de croix. Pourtant, et malgré la croyance, nous sommes loin d’être uniques en notre genre.
LE PITCH
Un humanoïde s’interroge sur sa condition.
LE RÉSUMÉ
Dans un futur proche, les réplicants sont des esclaves issus du génie biologique qui contribuent à lutter activement contre l’extinction de l’humanité. Certains d’entre eux se rebelles. Les nouveaux modèles, plus perfectionnés, sont beaucoup plus obéissants. Parmi eux, les Blade Runner forment une sorte de milice qui traque les récalcitrants comme Sapper Morton (Dave Bautista), un fermier énigmatique.
You’ve never seen a miracle!
K (Ryan Gosling), le Blade Runner en charge de son arrestation, remarque par ailleurs une petite boite avec les restes d’une réplicant tombée enceinte – ce qui relève effectivement du miracle. La lieutenante Joshi (Robin Wright) ordonne aussitôt à K de tout oublier, sinon cela pourrait générer une catastrophe.
The World is built in a wall that separates kind. Tell either side there’s no wall, you’ve bought a war. Or a slaughter.
Cette information arrive aux oreilles de Niander Wallace (Jared Leto) qui produit les réplicants actuels et qui voit là une occasion unique d’augmenter ses profits déjà colossaux. Luv (Sylvia Hoeks) a pour mission de retrouver l’enfant et percer le secret de ces réplicants qui se reproduisent entre eux.
K est différent. Il est romantique comme le prouve sa relation avec Joi (Ana de Armas), son hologramme (cf Her). Hanté par des souvenirs d’enfance, il a comme un doute… Et s’il n’était autre que ce fameux enfant réplicant que tout le monde cherche ?
Ses souvenirs de réplicant ont peut-être été implantés par le Dr Ana Stelline (Carla Juri) comme le veut la norme. Mais peut-être pas (cf Total Recall) ? En l’occurrence, l’analyse ADN montre que la séquence de l’enfant est partagée par un garçon et une fille, déclarée morte. K est donc convaincu qu’il est le bon. Joshi l’encourage en ce sens. Plus qu’un matricule, il devient une personne : Joe.
Pour en avoir le coeur net, Joe remonte jusqu’à celui qu’il croit être son père : un ancien Blade Runner dissident, Rick Deckard (Harrison Ford). Luv les a suivis. Elle kidnappe Deckard pour en savoir plus, mais celui-ci n’avoue rien.
Joe est sauvé par des réplicants résistants (cf l’Armée des ombres) qui l’informent qu’il n’est pas l’élu (cf Matrix). Dommage! K est tombé dans le panneau, comme la plupart de ses collègues.
We all wish it was us.
Il a néanmoins un rôle : se sacrifier pour protéger l’élue, qui s’avère être… le Dr Ana Stelline.
Our lives mean nothing next to a storm that’s coming. Dying for the right cause. It’s the most human thing we can do.
Joe délivre Deckard, tue Luv et peut mourir tranquillement en regardant la neige tomber, comme le romantique qu’il a toujours été. Sa mission est accomplie : il a conduit Deckard à sa fille.
L’EXPLICATION
Blade Runner 2049, c’est faites des gosses.
Le système nous emmène vers un futur sombre. Personne n’ose plus questionner cette hypothèse. Dans ce nouveau monde, le climat est définitivement déréglé (cf Le jour d’après). Des murs ont dû être érigés pour protéger les mégalopoles d’une montée des eaux. San Diego est devenue la poubelle de Los Angeles (cf Wall-E). Un régime autoritaire a fini par s’imposer grâce à une corporation toute puissante qui a asservi les masses.
Every leap of civilization was built off the back of a disposable work force. We lost our stomach for slaves, unless engineered. But I can only make so many.
Transformés en robots par Wallace, nous avons tout oublié de la philosophie des Lumières. Mangeant notre bouillie sans poser de question. Le travail sans la distraction. Vivant d’amours virtuels (cf Newness), sans émotion, sans personnalité, sans aspérité… sans âme (cf 21 grammes). Tout ce qui compte est de faire fonctionner le système, rien d’autre.
There is an order to things. That’s what we do here. We keep order.
Dans ce monde sinistre, à court de ressources, on pourrait éventuellement considérer une alternative reposant sur une politique malthusienne : Maîtriser l’épuisement des ressources à travers un contrôle accru de la natalité. Surveiller la démographie pour juguler le problème de surpopulation mondiale qui pose de sérieux soucis de consommation d’énergie et de retraitement des déchets (cf Into Eternity).
Penser un système différent, qui ne reposerait pas sur la sur-consommation ni la sur-production. Une économie anticapitaliste à la croissance maîtrisée. Cela impliquerait évidemment un certain sens du collectif qui nécessiterait rigueur, modération, tolérance et discipline (cf Equilibrium).
Autant de mots qui ne donnent pas envie!
Alors balayons cette solution pour continuer de croire qu’un monde de plaisirs et de rigolade puisse être possible. Continuer de consommer et faire la fête. La vie ne doit pas être un purgatoire, mais plutôt un joyeux désordre comme le dit Ana Stelline – dont le nom n’est pourtant pas sans rappeler celui d’un certain dictateur soviétique…
Anything real should be a mess.
Notre salut viendra donc de nos enfants. La fameuse génération d’après. Le symbole de liberté (cf Spartacus). Grâce à eux tout redevient possible.
That baby meant we are more than just slaves. If a baby can come from one of us, we are our own masters.
Des êtres qui sont voulus, plutôt qu’ils ne sont produits. Parmi eux se trouvera l’élu, ou l’élue, qui détient la solution à tous nos problèmes. Ainsi nous pourrons tous nous bercer de l’illusion que nous sommes uniques et éternels (cf Tree of Life).
Faites des gosses pour entretenir le système, en l’améliorant. Qu’ils continuent de consommer tout en inventant une manière de le faire qui soit respectueuse de l’environnement (cf Ponyo). Des petites mains qui pourront assembler nos téléphones portables, tout en assurant le tri des déchets toxiques de nos produits électroniques.
Laissons les enfants inventer le monde de demain et réparer nos bêtises. Faire la révolution. Merci Greta Thunberg.
Faites des gosses pour conserver nos éclats de rire, nos larmes, notre Franck Sinatra et notre Elvis Presley. Ne plus errer comme une âme en peine.
Et puis peu importe si on les abandonne dans un orphelinat pour mieux les protéger.
Sometimes to love someone, you gotta be a stranger.
Toutes les excuses sont bonnes. On pourra de toute façon se retrouver plus tard, sans rancune. Lorsque Deckard retrouve sa fille, c’est le bonheur.
Le père est soulagé de savoir que quelqu’un va payer pour sa retraite.
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