MON DÎNER AVEC ANDRÉ
Louis Malle, 1981
LE COMMENTAIRE
Jadis on allait au restaurant pour passer un bon moment culinaire entre amis (cf Adieu Paris). Puis les dîners sont devenus des excuses pour se moquer d’autrui (cf Le dîner de cons) ou carrément le trucider (cf L’ultime souper). Aujourd’hui, alors que la vie nous passe sous les yeux en avance rapide, le dîner devient une occasion rare de pouvoir reconnecter.
LE PITCH
Une conversation existentielle met un peu de piment lors d’un repas en tête à tête.
LE RÉSUMÉ
Wally (Wallace Shawn) est un scénariste New-Yorkais qui se pose des questions. Un pléonasme.
The life of a playwright is not easy as some people seem to think. You work hard writing plays and nobody puts them on. (…) When I was ten years old, I was rich, I was an aristocrat. Riding around in taxis, surrounded by comfort, and all I thought about was art and music. Now, I’m 36, and all I think about is money.
Il retrouve André (André Gregory) pour aller dîner, sur les conseils de son ami George Grassfield. Cependant cette idée ne l’enthousiasme guère…
I was feeling incredibly nervous, I wasn’t sure I could stick an entire meal with him!
Il faut dire qu’André est un peu perché et qu’il parle beaucoup. Alors plutôt que de se mettre la pression, Wally s’installe dans le fauteuil du spectateur.
I was beginning to realize that the only way to make this evening bearable, would be to ask Andre a few questions. Asking questions always relaxes me.
André se lance dans un long monologue d’une heure, revenant sur ses récentes expériences qui lui ont donné une toute autre perspective sur la vie.
Who am I? Why am I here? Where do I come from and where am I going?
André a ainsi abandonné son rôle de directeur de théâtre pour se mettre en quête de ce fameux frisson sans lequel la vie ne vaut pas d’être vécue (cf Le Cercle des Poètes Disparus).
Remember that moment when Marlon Brando sent the Indian woman to accept the Oscar, and everything went haywire? Things just very rarely go haywire now. If you’re just operating by habit, then you’re not really living.
Wally rentre dans la conversation pour objecter qu’il lui semble irréaliste que chacun puisse se mettre à vivre comme le propose André.
Isn’t it a little upsetting to come up to the conclusion that there’s no way to wake up people anymore except to involve them into some kind of a strange christening somewhere in Poland or some kind of a strange experience on top of Mount Everest?
Wally reconnait le caractère commun de sa propre vie, et l’assume. Il défend sa routine.
I’m just trying to survive, earn a living, pay my rent and my bills. I live my life. And that’s that. (…) Isn’t pleasant to just get up in the morning?
Les deux hommes ne trouvent pas de réponse à leurs questions, mais ils n’ont pas vu le temps passer.
L’EXPLICATION
Mon Dîner avec André, c’est la vertu de la confrontation.
Wally se rend à ce dîner avec André à reculons. Il anticipe une conversation qui risque selon lui de tourner en rond. Persuadé qu’il va perdre son temps. Wally n’a aucune envie de rencontrer André et d’ailleurs, la première heure est à sens unique car il ne pose pas les vraies questions.
En face de lui, André est pourtant chaud comme la braise. Chevalier de la culture underground.
The purpose of this underground is to find out a way to preserve the light, life, the culture. How to keep things living?
Au delà de partager ses anecdotes, André est impatient d’aborder les vrais sujets. Comment conduire sa vie ?
Il reproche notamment aux masses d’être endormie (cf Eyes Wide Shut), de refuser le réel (cf Le Prestige, Memento).
Our minds are just focused on these goals and plans, which in themselves are not reality.
Surtout, il reproche à demi-mots à Wally de se rendre complice du système.
We’re all bored now. But has it ever occurred to you Wally that the process that creates this boredom that we see in the world now may very well be a self-perpetuating, unconscious form of brainwashing, created by a world totalitarian government based on money, and that all of this is much more dangerous than one thinks?
Aux yeux d’André, les New Yorkais sont prisonniers de leur délire et ils ne s’en rendent même pas compte.
They’ve built their own prison. So they exist a state of schizophrenia. They’re both guards and prisoners and as a result they no longer have the capacity to leave the prison they’ve made, or to even see it as a prison.
André provoque volontairement son interlocuteur pour le faire sortir de sa léthargie. Il est vrai que Wally ne l’écoutait qu’à moitié, en train de se dire qu’André fait un sacré burn out (cf Chute Libre). Pas vraiment présent. Alors André le secoue.
Don’t you see that comfort can be dangerous?
La technique fonctionne. Piqué dans son amour propre, Wally se réveille. Il essaie de calmer André en lui expliquant que tout le monde ne peut pas partir au Népal pour se sentir en vie. Tout le monde ne devrait pas avoir à le faire. On peut vivre tranquille, à l’aise avec ses habitudes, et se sentir heureux d’être vivants. Qu’André lui foute un peu la paix…!
Why is it necessary to have more than this?
En quelques sortes, André a réussi son coup. Il vient de prouver son propos à Wally en le sortant de son anesthésie. La preuve a été apporté que d’aller à la rencontre de l’autre n’est pas simple. Que plus on s’en rapproche et plus le mystère s’épaissit. Pour autant le jeu en vaut la chandelle.
Au moins Wally s’est posé quelques questions.
The closer you come to another human being, the more completely mysterious and unreachable that person becomes. I mean you have to reach out, you have to go back and forth with them and you have to relate and yet you relate to a ghost or something.
Revigoré par cette conversation, Wally prend le temps de regarder ces rues de New York qu’il connait pourtant par coeur. Il se sent soudainement mieux. Plus léger dans sa vie grâce à André qui lui a quand même offert le resto au passage…
J’ai commencé à regarder ce film sans rien savoir de lui, juste parce que plusieurs internautes conseillaient de le voir. J’ai vite compris que l’histoire tournerait uniquement autour d’une conversation lors d’un dîner. La discussion des deux hommes m’a paru très ennuyeuse, j’ai arrêté le film à la moitié. Ton résumé me donne envie de lui donner une seconde chance.
Merci Xavier. Ton commentaire peut conduire à une autre interpretation. On pourrait effectivement voir le film de Louis Malle à l’aune de 2023, avec toute la complexité de garder son attention. La difficulté de se passionner pour une conversation. S’accrocher suffisamment longtemps afin de passer le cap de la première demi-heure au delà de laquelle se cache l’intérêt!
Quelle fut l’audience, sinon le succès de ce film ?
Merci
Bonjour Jean-Marie, merci pour votre question.
Si l’on en juge du succès de « Mon dîner avec André » au box office, alors il s’agit plutôt d’une réussite. Pour un budget de $475,000, le film a dégagé $5.25M de recettes.
Rotten tomatoes et Metacritic lui ont accordé de très bonnes évaluations.
Par ailleurs le film inspira la culture populaire américaine à travers de nombreuses références dans les Simpsons, Rick & Morty, Frasier…