PLANÉTARIUM
Rebecca Zlotowski, 2016
LE COMMENTAIRE
On devrait se tenir les coudes même quand le vent ne souffle pas. En particulier quand le vent ne souffle pas. Par souci d’anticipation. Quand la tempête gronde, il est souvent déjà trop tard.
LE PITCH
Sur les plateaux de cinéma, on préfère ignorer la guerre qui se prépare en coulisses…
LE RÉSUMÉ
En pleine deuxième guerre mondiale, Laura Barlow (Natalie Portman) croise Eva Saïd (Amira Casar). Toutes les deux se rappellent de leur première rencontre dans l’entourage du producteur André Korben (Emmanuel Salinger) dont plus personne n’a désormais de nouvelle.
Laura avait tapé dans l’oeil de Korben quelques années plus tôt, alors qu’elle réalisait une performance mediumnique en compagnie de sa soeur Kate (Lily-Rose Depp).
André Korben avait insisté pour faire une séance en leur compagnie, lors de laquelle il avait senti la présence de son défunt frère. Après quoi, Laura et Kate avait été invitées chez le producteur pour de nouvelles séances.
Let’s enjoy it while it lasts. We need this. He’s an opportunity. I don’t shit money. We could save and maybe we could go back home.
Korben s’était mis en tête de faire un film pour capturer l’incroyable.
Des images non truquées d’événements paranormaux, personne n’a encore jamais vu ça!
Laura fit la rencontre de Fernand Prouvé (Louis Garrel). Des rumeurs avaient enflé concernant une hypothétique liaison avec Korben.
Après de nombreuses expérimentations, le résultat finit par décevoir.
Je vois pas ce qu’on va pouvoir faire de ces images…
Même André Servier (Pierre Salvadori) du dire la vérité à son ami.
Y’a rien sur ces images André! Rien. Tu dérailles complètement. Et le pire c’est que tu t’en rends même pas compte. Réveille toi. Allez…
Korben ensuite fut lâché par ses actionnaires qui obtinrent sa déchéance de nationalité. Arrêté puis déporté (cf Monsieur Klein) sans autre forme de procès.
Je ne suis pas en train de jouer là! Ce n’est pas de la comédie, c’est de la tragédie! Alors vous ne filmez pas!
Comme la majorité, Eva et Laura tentent de traverser la guerre comme elles le peuvent (cf Le Pianiste). La première propose à la seconde de la recommander auprès de Servier qui s’apprête à tourner son prochain film. La jeune femme accepte, ce qui lui permet de continuer à tourner.
Demain va être une journée magnifique…
L’EXPLICATION
Planétarium, c’est l’espoir qu’on trouve dans les salles obscures.
On observe qu’en juillet / août, la fréquentation des cinémas a tendance à chuter dramatiquement. Ce qui semblerait indiquer que les cinéphiles préfèrent déserter les salles obscures quand ils peuvent profiter de la plage (cf Camping). Une décision qui se respecte.
En poussant la réflexion un peu plus loin, on pourrait conclure que tout un chacun peut mieux se confronter à la réalité quand il fait beau, que de se réfugier devant une fiction à grand spectacle (cf La Soupe aux Choux) ou une bonne comédie (cf Les Visiteurs).
Quand tout va bien dans le monde, hors pandémie, pourquoi diable passer deux heures devant un grand écran pour une autre raison que de profiter de la climatisation ? Le soir du 14 juillet, les rues sont remplies pour faire la fête. À la Libération, les Français·es étaient plus occupé·es à reproduire l’espèce.
En vérité, on fait plus que de se réfugier dans un cinéma. On y va presque comme on va dans un lieu sacré, pour prier.
Je crois qu’il vaut mieux croire en rien. N’attendez rien, espérez tout.
Servier explique très bien la fonction du septième art à Laura quand celle-ci se retrouve face caméra pour la première fois.
On a tous honte. C’est d’abandon dont vous avez besoin, de renoncement.
Renoncer à quoi ?
À comprendre, à penser qu’il faut connaître les émotions pour les jouer. Mais on n’a pas besoin de les avoir vécues. C’est pour ça qu’on joue. Parce qu’on aurait aimé vivre certaines choses plus intensément et qu’on l’a pas fait. Alors on s’en veut… et on fait des films.
On fait du cinéma pour vivre la vie que l’on n’a pas. Ce qui peut d’ailleurs paraître surprenant, comme le reconnait volontiers Fernand Prouvé.
On fait un drôle de métier!
Les professionnel·les du cinéma permettent ainsi aux cinéphiles de mieux encaisser le réel en ajoutant la touche de drame qui lui manque (cf Les choses de la vie) ou au contraire en lui donnant un peu de légèreté (cf Bienvenue chez les Ch’tis). Grâce au cinéma, on peut espérer vivre la vie que l’on souhaite. Par exemple espérer sortir de sa condition (cf Les Tuche), se remettre à écrire (cf Harry un ami qui vous veut du bien), trouver sa place dans l’entreprise (cf Le Placard)…
Des professionnel·les du cinéma en devenir comme Laura et sa soeur, spécialistes dans le racontage d’histoire. Troubadours ne sachant pas réfléchir en termes de plan de carrière.
J’aurais bien aimé cacher une stratégie, avoir un plan dans la vie.
Des professionnel·les du cinéma comme Korben qui s’émerveillent de certaines choses et veulent les partager avec le grand public (cf Cinema Paradiso). Plutôt que d’essayer de filmer le réel, Korben veut s’en détacher pour faire rêver avec du jamais vu.
Il faut expérimenter, beaucoup.
Des professionnel·les du cinéma envers lesquel·les on est trop critique. Les cinéphiles se comportent parfois comme de vulgaires clients rois. C’est un luxe car quand on sort de cet environnement, on est bien vite rattrapé par une réalité plus violente. Les actionnaires profitent du fait que le film de Korben soit raté pour le destituer.
J’ai l’honneur de penser que je suis Français au même titre que vous.
Korben essaie de se protéger mais en dehors du cinéma, il est exposé. Lynché.
Sois tranquille, c’est un malentendu.
Tu lis un peu les journaux ?
Si tu savais ce que je me fous de ce que pense les gens, leurs petites médisances.
Comment tu peux être aussi aveugle ?
Des professionnel·les du cinéma envers lesquel·les on devrait être plus reconnaissant pour tous les efforts qu’ils ou elles déploient, plus ou moins réussis, afin de nous aider à faire passer la pilule rouge d’un quotidien redoutable (cf Babylon).
On sait jamais quand on est avant guerre.