RASHŌMON

RASHŌMON

Akira Kurosawa, 1950

LE COMMENTAIRE

La femme regarde l’homme en espérant qu’il puisse la comprendre. Lorsqu’elle se rend compte qu’elle n’a plus rien à attendre de lui, alors elle se détache. La rupture est consommée.

LE PITCH

Quatre versions différentes pour un seul et même crime.

LE RÉSUMÉ

Un prêtre (Minoru Chiaki) et un bûcheron (Takashi Shimura) sont assis au pied de la porte de Rashōmon qui sépare Nara de Kyoto. Les deux hommes sont incrédules.

I really don’t understand.

What don’t you understand?

I have never heard such a strange story…

Un auditeur (Kichijirō Ueda) les rejoint.

Le bûcheron a vu le corps d’un samouraï (Masayuki Mori), avec au sol le chapeau d’une femme (Machiko Kyō) et une corde. De son côté, le prêtre affirme avoir croisé le samouraï et sa femme. Face au tribunal, un bandit (Toshiro Mifune) suspecté d’avoir tué le samouraï affirme être le coupable.

It was Tajōmaru who killed that man!

Sa version des faits n’a cependant rien à voir avec celles qui vont suivre. Tajōmaru aurait détourné l’attention du samouraï pour mieux attaquer la femme, puis la séduire. La femme, honteuse, l’a supplié d’affronter son mari en duel.

Either you die or my husband dies. One of you must die.

Tajōmaru a tué le samouraï au terme d’un âpre duel, pendant que la femme en a profité pour disparaître.

Le prêtre n’en croit rien.

It’s human to lie. Most of the time, we can’t even be honest with ourselves.

La version de la femme est différente. Son samouraï fut attaché par Tajōmaru qui l’agressa avant de quitter les lieux dans la foulée. La femme détacha son mari et l’implora de lui pardonner. Celui-ci la regarda avec mépris. Elle s’évanouit, une dague à la main, et le tua par accident. Après quoi, elle erra dans la forêt avant de tenter de se noyer.

L’auditeur fait remarquer que les femmes savent bien mentir.

Women use their tears to fool everyone, even themselves.

Un medium (Noriko Honma) fait parler les morts et raconte la version du samouraï. A priori, les défunts ne mentent pas.

Dead men don’t lie.

Tajōmaru agressa sa femme puis lui fit une déclaration d’amour. Elle lui demanda alors de tuer son mari. Dégoûté, Tajōmaru libéra le samouraï. La femme s’enfuit. Tajōmaru lui courra après sans pouvoir la rattraper. Alors le samouraï se donna la mort, de honte.

Dans sa version le bûcheron se rappelle qu’après la déclaration du bandit, c’est la femme qui libéra son mari. Le samouraï refusa d’affronter le bandit. La femme les accusa de lâcheté.

Women are weak by nature.

It’s you who are weak.

Ils finirent par se battre timidement et le bandit finit par l’emporter. La femme avait déjà disparu.

Les trois hommes sont interrompus par les pleurs d’un nourrisson abandonné dans un kimono, avec une amulette. L’auditeur et le bûcheron se disputent le kimono et l’amulette, pestant que les hommes sont des égoïstes et des hypocrites.

Le bûcheron tente ensuite de s’emparer du bébé pour l’élever. Ce à quoi s’oppose le prêtre refuse car il a perdu foi en l’humanité.

If men don’t trust each other, this earth might as well be hell. 

Le bûcheron le convainc d’accepter car il a déjà six enfants. Un de plus, un de moins… Il accepte. Le bûcheron s’en va. La pluie cesse et le soleil perce derrière les nuages, ce qui redonne de l’espoir au prêtre (cf Signs).

I believe in men.

L’EXPLICATION

Rashōmon, c’est l’espoir fait vivre.

L’expression faisait fureur dans les cours de récréation de la fin du XXe siècle. Au garçon trop gentil qui lui demandait naïvement si elle voulait sortir avec lui, la fille ne daignait même pas répondre par la négative. Pire. Elle lui assénait que l’espoir faisait vivre (cf Les Beaux Gosses).

Une façon de lui faire comprendre qu’il n’était pas à son niveau. Par extension qu’il n’y arriverait sans doute jamais dans la vie. Et que pour autant, la vie continue pour lui malgré tout. La promesse d’un long chemin de croix… En France, beaucoup d’hommes grandissent ainsi dans la honte et doivent apprendre à dépasser leur frustration.

Parce qu’au Japon, dans une telle situation, on se suicide. Pas possible d’imaginer vivre autrement. Ce qu’aurait apparemment fait le samouraï après que la femme soit agressée et qu’elle ait accepté, ou non, la déclaration du bandit. On n’en sait rien.

Le Japon commence à évoluer vers la tradition française à l’image du prêtre qui finit par croire que le bûcheron va élever le nourrisson. Il faut bien y croire, sinon on peut effectivement fermer la boutique tout de suite et mettre la clé sous la porte.

Car le monde, en l’état, est sacrément pourri. Il déprimerait jusqu’au plus croyant, comme le prêtre.

This time I may finally lose my faith in the human soul.

Tout d’abord, le monde est égoïste. Coluche a bien essayé de dépasser le chacun pour soi, il n’a pas réussi. Il s’est fait renversé par un camion. On maquille la réalité pour faire semblant que ce n’est pas la loi de la jungle. Malgré tout, un couple ne peut pas se promener sans se faire attaquer par un bandit. Une femme reste toujours sous la menace d’une agression. Les samouraïs ne font pas leur boulot.

If you’re not selfish, you cannot survive.

Dans ce monde, personne ne prend ses responsabilités. Tout part en sucette (cf Sans Filtre)…

Facile de penser que tout est foutu puisqu’en dehors de quelques fêtes trop rares, la vie est remplie de nombreux malheurs en tout genre (cf Titanic, San Andreas, Don’t look up, Melancholia, Le Temps du Loup)…

It’s been nothing but disasters.

On essaie de mettre du sens autant que l’on peut, chacun·e à sa manière, mais le fait est que nos vies ne tiennent même pas à grand chose. Alors à quoi bon ?

I’ve seen so many men killed like insects.

La meilleure manière de s’accrocher reste de s’inventer des histoires (cf Memento). On ment comme on respire. À soi-même et aux autres. Chacun·e sa version. On brouille les cartes. Celles et ceux qui veulent croire à une vérité kantienne en souffrent le plus. Les autres s’amusent avec leurs mensonges, et font passer le temps.

I don’t care if it’s a lie, as long as it is entertaining.

En attendant, on n’y comprend rien.

It’s inevitable to be suspicious of others on a day like this. 

La vie continue cependant avec ce nourrisson. C’est le bûcheron qui l’emmène. Le même bûcheron qui a sans doute volé la dague du samouraï et dont on ne sait même pas s’il a bien six enfants (cf La Route). Est-il la bonne personne ? Va-t-il donner le bébé en pâture aux chiens ou l’aider à en faire une meilleure personne ?

Le prêtre a envie de lui donner le bénéfice du doute.

La pluie s’arrête. Le soleil brille.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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