LES PETITS MOUCHOIRS
Guillaume Canet, 2010
LE COMMENTAIRE
Vivre à fond. Tout le temps. Chaque instant. Profiter avec ses potes, dans le téléphone. Foncer en se marrant. Ne pas s’oublier parce qu’on ne peut pas faire le bonheur d’autrui si on n’est pas heureux soi-même. Penser à soi, excluant la possibilité d’un accident. La mort, c’est pour un autre jour. Pour les autres.
LE PITCH
Des amis se retrouvent en vacances au Cap Ferret, comme à l’habitude, sans leur meilleur pote.
LE RÉSUMÉ
Le beau Ludo (Jean Dujardin) se fait tamponner méchamment par un (putain de) camion en sortant de boîte. Sur son lit d’hôpital, il blague. Il est pourtant dans un sale état.
Tout le monde est sur le point de partir en vacances. Compte tenu des circonstances, Marie (Marion Cotillard) pense à rester. Max (François Cluzet) n’est pas de cet avis.
De toute façon qu’est-ce qu’on peut faire? Il est en soins intensifs… on va même pas le voir!
La bande s’accorde pour ne partir que deux semaines. Quand ils rentreront, Ludo ira mieux. Et tout ira bien.
Avant de partir, Vincent (Benoît Magimel) fait son coming out (cf Douleur et Gloire) en déclarant sa flamme à Max qui ne réagit pas comme Vincent l’espérait.
M’enfin t’es complètement con ou quoi?! J’suis l’parrain d’ton fils!!
Eric (Gilles Lellouche) enchaîne les plans foireux. Antoine (Laurent Lafitte) ennuie tout le monde en analysant les SMS de Juliette (Anne Marivin). Marie a l’impression d’avoir laissé une partie d’elle-même en Amazonie. À leur arrivée à la villa, Max s’énerve à cause d’un tuyau d’arrosage. Véronique (Valérie Bonneton) vanne Antoine pour son avarice. Jean-Louis (Joël Dupuch) joue un peu de guitare. On sourit. Puis on se tend. Vincent reproche à Eric d’encourager Ludo à prendre de la drogue. Véronique remarque que Vincent et Max ne se parlent pas. Eric se sépare officiellement de Léa (Louise Monot). Un peu de ski nautique. Pas mal de rosé. Quelques bonnes rigolades. Max, fou de rage contre Vincent, lui reproche de lui avoir mis un doigt pour lui remettre son coccyx il y a deux ans.
J’suis sûr qu’il y avait d’autres moyens!!
Eric drague Marie avant que Franck (Maxim Nucci), son amant, ne débarque en pleine crise de nerfs de Max. Juliette annonce à Antoine qu’elle va se marier. Il lui pose un ultimatum. Elle change d’avis. On picole en matant des vidéos d’Eric gerbant sur le bateau. Et puis Max traite Vincent de pédé devant tout le monde. Vincent lui colle alors une droite, puis rentre à Paris. Gênance. Dans le tumulte, Eric se rapproche enfin de Marie.
Il s’en passe des choses en deux semaines!
Tellement de choses qu’un beau matin, Jean-Louis les remet tous en place. Max, Eric, Antoine en prennent pour leur grade. Jean-Louis, d’ordinaire si discret, en a gros sur la patate. Ludo est mort dans l’indifférence générale.
Toi tu nous as fait chier pendant deux semaines avec ton portable de merde et textos à la con. Est-ce que t’as appelé l’hôpital une fois pour savoir comment il allait?…….. Il est mort. Vous entendez? Il est mort ce matin tout seul à l’hosto!
Tout le monde est effondré. Lors de la cérémonie, les hommages émouvants s’enchaînent. Au premier rang, la bande est en larmes. Jean-Louis vient même déposer solennellement un peu de sable sur le cercueil – comme si l’assistance ne pleurait pas assez. L’enterrement se conclut par une belle accolade. Ludo vit désormais pour toujours.
L’EXPLICATION
Les Petits Mouchoirs, c’est l’instinct grégaire.
Cette joyeuse bande de potes aime se retrouver chaque année pour passer les vacances ensemble, mais pas au Camping comme des beaufs. Rien à voir. Néanmoins, comme les personnages des Bronzés ou de la série Friends, ils ont également besoin du collectif pour s’épanouir car isolés, ils ne seraient plus grand chose. Antoine a besoin du groupe pour pouvoir se plaindre. Sans personne, Max ne pourrait pas impressionner la galerie. Véronique a besoin des autres pour pouvoir s’improviser la monitrice de colo. La chorale permet à chacun de jouer sa partition (cf Le Goût des Autres).
Être ensemble génère forcément des tensions. Le groupe permet le drame sans lequel les membres ne pourraient pas être heureux. Max par exemple invite tout le monde pour mieux passer son temps à râler ou même défoncer une porte à coups de hache (cf Shining), ce qui lui attire au passage les foudres de ses amis et de sa femme.
T’es vraiment en train de passer pour un gros con!
On rigole, on s’engueule, on se réconcilie, on vit comme une famille où chacun des membres feraient tous semblant. D’ailleurs Jean-Louis est dégoûté par cette mascarade grotesque.
C’est quoi être amis? C’est laisser votre pote tout seul deux semaines à l’hosto parce que votre petit confort est plus important?
Être ensemble apporte effectivement un certain confort. Le groupe donne l’autorisation de ne plus réfléchir. Il suffit de regarder les fans de foot se presser aux abords du stade – ou les fans de musique classique se presser aux abords de la salle de concert. Comme si être ensemble donnait la permission d’être bête. Les blagues potaches qu’on aime sortir entre copains ne sont-elles pas les plus mauvaises? Être ensemble permet paradoxalement de libérer les égoïsmes, sans culpabilité. Ainsi Marie n’a-t-elle pas le culot de prononcer ces mots sur le cercueil de ‘son’ Ludo :
Depuis qu’on se connaît, mais surtout ces dernières années, il n’a cessé de me dire qu’il fallait vivre.
Comme une manière de se disculper de ne pas s’être soucié de lui pendant deux semaines. Une façon d’imaginer que Ludo aurait préféré que ses copains continuent de faire la fête plutôt que de le veiller à l’hôpital. Pratique. Marie fait parler les morts pour leur faire dire que la vie continue (cf Cloverfield). Elle n’a pas tort. Il n’empêche que ces ‘amis’ ont quand même bien abandonné l’un des leurs, avant même son accident.
Ce groupe de potes permet à tout le monde de faire une mise au point sur leur petit nombril. Ils sont tellement plein d’eux mêmes qu’ils poussent le vice à passer leurs vacances à regarder leurs films de vacances précédentes! Ils en oublient les choses importantes, comme par exemple d’être présent pour un ami dans la difficulté. Même si cela ne change rien.
Ce qui compte véritablement devient flou et disparait dans les petites histoires du quotidien : parce qu’Antoine est pénible avec son portable ou qu’il n’a pas payé les courses, parce que Max est mesquin avec ses petites remarques… Être ensemble. Occuper le temps. Faire l’autruche. Le serpent finit par se mordre la queue. Comme une formation politique persuadée d’être dans le vrai, les membres du groupes sont solidaires. Se prenant dans les bras les uns les autres pendant l’enterrement.
Ils sont forts ensemble mais n’ont strictement rien compris (cf Nous finirons ensemble).
Merci pour l’analyse, intéressante. Je n’ai pas fini ce film pour ma part : j’ai trouvé les personnages bien trop antipathiques pour faire un bon « film de potes ». Décevant, puisque j’avais décidé de le regarder après justement avoir trouvé Canet agréable et engageant en interview! Oh well, bon cast, mais Next.
Merci pour ce commentaire Louis. Je vous invite à consulter quelques interviews de Guillaume Canet à propos de la part autobiographique des Petits Mouchoirs. Vous serez peut-être surpris, ou plutôt conforté dans votre impression.
Euh y’a une erreur au début du résumé sur mes prénoms, c’est Max qui s’énerve contre son tuyau d’arrosage (vu que c’est chez lui) ou alors j’ai rien suivi (ce qui est possible)
C’est exact! Merci Ion de l’avoir remarqué.