BLANCHE NEIGE ET LES SEPT NAINS
David Hand, 1937
LE COMMENTAIRE
La tendance metrosexuelle a bouleversé pas mal de certitudes chez les hommes, notamment au niveau de leur identité. George Clooney (cf Intolérable Cruauté) puis Bradley Cooper (cf Very Bad Trip) ont remplacé Clark Gable (cf Autant en emporte le vent) ou Jean Gabin (cf La Traversée de Paris) comme icônes de la masculinité. Une chose reste certaine, le mâle d’aujourd’hui est toujours plus préoccupé par sa virilité que par sa beauté. La question de la beauté reste tabou au sein de la gent féminine. En dépit des discours décomplexants de marques qui dictaient jadis ce qu’était la féminité, encore trop de femmes se posent la question de savoir si elles valent assez pour s’offrir L’Oréal.
LE PITCH
Une reine mène la vie dure à une princesse déclassée au rang de femme de ménage.
LE RÉSUMÉ
La reine a pour habitude de demander à son esclave dans le miroir qui est la plus belle pour aller danser. Ce jour là, la reine n’était apparemment pas dans un bon jour. En tout cas, elle n’était clairement pas numéro 1 au hit parade…
Slave in the magic mirror, come from the farthest space, through wind and darkness I summon thee. Speak! Let me see thy face.
What wouldst thou know, my Queen?
Magic mirror on the wall, who is the fairest one of all?
Famed is thy beauty, Majesty. But hold, a lovely maid I see. Rags cannot hide her gentle grace. Alas, she is more fair than thee.
Alas for her! Reveal her name.
Lips red as the rose. Hair black as ebony. Skin white as snow.
Snow White!
Le prince confirme le diagnostic du miroir. Blanche-Neige lui a tapé dans l’oeil. Furieuse, la reine exige qu’on exécute sa rivale. Le nettoyeur ne peut se résoudre à la tuer. Il fait croire à la reine que sa mission est accomplie. C’est presque vrai : Blanche Neige est quand même livrée à elle-même dans la forêt.
Elle trouve refuge auprès de sept nains : Prof, Grincheux, Simplet, Atchoum, Timide, Dormeur, et Joyeux qui s’en vont travailler à la mine tous les jours.
La reine apprend que Blanche Neige est toujours en vie. Elle se transforme en grand-mère pour se rapprocher incognito de la jeune fille, et lui offrir une pomme empoisonnée dont seul un baiser du prince pourra briser le sortilège.
Blanche Neige croque la pomme, sans se méfier, comme une idiote qu’elle est.
And because you’ve been so good to poor old Granny, I’ll share a secret with you. This is no ordinary apple, it’s a magic wishing apple.
A wishing apple?
Yes! One bite, and all your dreams will come true.
Really?
Yes, girlie. Now, make a wish, and take a bite.
Elle tombe dans le panneau, et dans le coma.
La reine est poursuivie par les animaux de la forêt. Elle se tue en tombant dans un ravin.
Les nains ne peuvent se résoudre à enterrer Blanche Neige. Au lieu de cela, ils la laissent pourrir dans la forêt.
Le prince retrouve son amoureuse et lui donne un baiser d’adieu.
Blanche Neige se réveille, comme Juliette (cf Roméo + Juliette). À la différence que son Roméo n’est pas mort. Au contraire, le prince l’emmène sur son cheval – blanc de préférence.
Les nains et les animaux dansent pour célébrer l’événement. C’est la fête au village.
Le couple vécut heureux, pour l’éternité (cf Dracula).
Ce qui veut dire concrètement qu’ils vivent encore quelque part aujourd’hui, dans un lieu tenu secret.
L’EXPLICATION
Blanche Neige, c’est se tromper d’ennemi.
La reine est jalouse de la beauté de Blanche Neige. Donc elle la tyrannise. Sa logique se tient. Plutôt que d’accepter son âge et faire un peu de place aux autres, la reine préfère se débarrasser de celles qui pourraient lui faire de l’ombre. C’est un combat à la vie à la mort. Il ne peut en rester qu’une.
Quelle est l’origine profonde de cette guéguerre ? Qu’est-ce qui justifie l’inimitié entre ces deux femmes alors qu’elles font pourtant de la même famille ? Qui tire les ficelles ?
L’homme.
Encore et toujours.
Le patriarche.
La reine veut être la plus belle, pas pour son plaisir personnel mais bien pour plaire à l’homme. Elle ne peut supporter que le prince puisse faire les yeux doux à une autre. Un peu comme si la femme ne pouvait exister qu’à travers l’attention que lui portait l’homme (cf Les liaisons dangereuses).
La reine est aussi vaniteuse car elle a été ensorcelée par les marques cosmétiques – créées par l’homme – lui disant que ce qui compte le plus pour une femme c’est d’être belle, et de se taire. L’héritage de Gainsbourg. La vie toute entière prend alors des allures de concours Miss France sans pitié.
Blanche Neige l’ingénue, n’est pourtant pas très menaçante.
I’m awfully sorry. I didn’t mean to frighten you. But you don’t know what I’ve been through. And all because I was afraid. I’m so ashamed of the fuss I made.
Malgré tout, la reine se sent en danger. C’est ainsi que les femmes finissent par se torpiller entre elles – comme Katherine harcèle Tess (cf Working Girl). Elles s’entre-tuent dans l’arène plutôt que de se venir en aide, sous les yeux des hommes qui se régalent.
Car les hommes ont une bien piètre opinion des femmes. Parmi les sept nains, certains sont aussi misogynes que l’Ecclésiaste (cf Le Nom de la Rose). Ce vieux cochon de Grincheux serait bien du genre à condamner les sorcières pour prendre plaisir à les voir brûler (cf The Witch).
She’s beautiful. Just like an angel!
Angel, ah! She’s a female! And all females is poison! They’re full of wicked wiles!
N’oublions pas que les sept nains offrent le gite et le couvert à leur invitée, dans un trou perdu, et en échange de faire la boniche.
If you let me stay, I’ll keep house for you. I’ll wash and sew and sweep and cook.
Sympa.
À la fin de l’histoire, les femmes perdent. C’est la réalité (cf La fameuse invasion de la Sicile par les ours).
La reine s’est transformée en une vieille femme aigrie, en montrant son vrai visage de Tatie Danielle. Elle meurt dans un précipice, victime de sa haine.
De son côté, Blanche Neige qui pouvait profiter du repos éternel s’en voit tirée de force par un prince qui l’a embrassée – sans lui demander. Il l’emporte de force sur son cheval, comme si c’était normal.
Vers où ? Rien n’est moins sûr.
Pour quelle vie ? On ne sait pas.
Et puis d’abord, qu’est-ce que cela voulait dire vivre heureux à l’époque ? Se marier et avoir beaucoup d’enfants ? L’homme finance le foyer tandis que la femme s’occupe de la maison.
Vivre heureuse était-ce seulement envisageable ?
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