GLORY
Edward Zwick, 1989
LE COMMENTAIRE
Quand un homme fait le fanfaron, il ne faut pas hésiter à le remettre à sa place. Sinon, il prend de mauvaises habitudes et peut vite devenir insupportable. Quand un homme remet un autre à sa place, il ne faut pas hésiter non plus à le regarder droit dans les yeux. Sinon, il pourrait s’habituer à distribuer des claques. Il faut oeuvrer à la préservation de l’équilibre des forces.
LE PITCH
Un régiment mène sa bataille dans la bataille.
LE RÉSUMÉ
La guerre de sécession fait rage. Robert Gould Shaw (Matthew Broderick) est un jeune capitaine un peu tendre.
Before this war began, many of my regiment had never seen a Negro. Now the roads are choked with the dispossessed. We fight for men and women whose poetry is not yet written but which will presently be as enviable and as renowned as any.
À Antietam, il mène une charge timide faisant de nombreux blessés.
De retour à Boston, son père obtient sa promotion au grade de Colonel en charge du 54e régiment d’infanterie du Massachusetts, composé exclusivement d’Afro-Américains (cf Tirailleurs). Décision de Lincoln.
Shaw embarque avec lui son ami Cabot Forbes (Cary Elwes) comme second. Thomas Searles (Andre Braugher), un esclave affranchi travaillant comme secrétaire pour la famille Shaw s’engage.
Les débuts du 54e régiment sont hésitants. Shaw a du mal à se positionner pour gagner le respect de ses troupes. Il fait fouetter Trip (Denzel Washington) pour le punir d’être une forte tête.
Les soldats sont moqués par les autres. Ils ne bénéficient pas du même équipement, ni de la même solde. En réponse à ces injustices, Shaw doit hausser le ton afin d’obtenir des chaussures et des chaussettes. Si ses hommes refusent de toucher $30 de moins, alors il refuse d’être payé lui aussi.
If you men will take no pay, then none of us will.
Shaw pousse pour que John Rawlins (Morgan Freeman) est nommé sergent major bien qu’aucun Afro-Américain n’est censé être gradé.
Ces décisions soudent le groupe, ainsi qu’un discours émouvant de Trip avant de partir au feu.
I ain’t never had any family. (…) Y’all’s the onliest family I got…
En Caroline du Sud, le 54e régiment est confronté aux horreurs de la guerre, ainsi qu’aux bassesses de l’armée de l’Union dont certains membres manquent de discipline ou d’éthique. Shaw et Forbes font tout ce qu’ils peuvent pour préserver le moral de leurs hommes, qui affrontent les soldats confédérés avec courage.
I have no fear.
Lorsque le Général Strong (Jay O. Sanders) veut lancer l’assaut contre Fort Wagner, Shaw se porte volontaire pour ouvrir le bal avec son régiment. Il s’agit d’une mission kamikaze.
If I should fall, remember what you see here.
Les canons adverses éteignent l’attaque yankee.
The fort was never taken.
Néanmoins la bravoure du 54e régiment permettra d’engager 180.000 Afro-Américains, pesant lourd dans la victoire de l’Union – et sera salué par Lincoln comme l’un des tournants de la guerre.
La mort de Shaw et de Trip n’aura donc pas été vaine.
L’EXPLICATION
Glory, c’est la cause pour laquelle on se bat.
La guerre nous rappelle une chose que nous essayons de nier : nous sommes des êtres vers la mort, selon le concept de Heidegger. Sans garantie de monde d’après (cf L’expérience interdite). Aucune réponse. Impossible d’échapper à cette réalité. Quoi que nous fassions, l’histoire s’arrête fatalement un jour ou l’autre. Alors quel sens donner à notre existence ?
À quoi sert de mourir sur une plage si le Fort Wagner ne peut être pris ? Pour quoi obéir aux ordres et jouer au bon soldat (cf Jarhead) ? Rester droit dans ses bottes quand on peut piller ou violer impunément ? Décider de s’engager dans un conflit au péril de sa vie ?
I mean what’s the point? Ain’t nobody gonna win. It’s gonna go on and on.
(…) Somebody is gonna win.
Who? I mean you get to go back to Boston, big house and all that. What about us?
On peut décider de choisir la voie nihiliste et tout envoyer balader. Penser à soi. Vivre en retrait, dans la peur ou la colère. Ou l’on peut décider de ne pas se cacher comme John Rawlins invite à le faire. Se battre.
Nigger, you ain’t nothin’ but the white man’s dog!
And what are you? So full of hate you want to go out and fight everybody! (…) You watch who you call a nigger! If there’s any niggers around here, it’s YOU. Just a smart-mouthed, stupid-ass, swamp-runnin’ nigger! And if you not careful, that’s all you ever gonna be!
Ne pas traverser sa propre existence comme une ombre. Se servir du combat pour donner du sens à la vie, qu’on le perde ou qu’on le gagne. Les hommes du 54e régiment ne se sont pas portés volontaires pour faire du travail manuel, mais pour aller au front.
It’s not true, is it? I mean about not being allowed to fight. The men are living for that day. I know I am.
Sans parler de postérité (cf At eternity’s gate), de gloire, ni de s’inscrire dans une Histoire qui nous dépasse, le combat permet à chacun de se définir au présent. Vivre en accord avec certaines valeurs comme l’explique Shaw au général Strong, tout surpris d’entendre que des hommes n’ayant pas dormi depuis deux jours lèvent la main pour aller au casse-pipe.
There’s more to fighting than rest, sir, there’s character, there’s strength of heart.
Il appartient à chacun de choisir son combat. Donner du sens à sa vie. Celui de Shaw est de se battre au nom d’une cause qui lui semble juste : unir un pays où la liberté règne.
This time we must make it a whole country for all who live here, so that all can speak.
Shaw hérite d’un régiment particulier, dans lequel les hommes se battent avec lui mais pour leur identité propre. C’est la cause de Trip, et celle qui tient à coeur tous ces soldats Afro-Américains qui livrent leur bataille contre l’esclavage (cf Twelve years a slave).
I ain’t fighting this was for you sir.
Trip mène une guerre schizophrène contre l’homme blanc, au côté de l’homme blanc. Fouetté des deux côtés.
Trip n’est pas un héros. Sa vie n’a pas suffit à prendre Fort Wagner, ni à gagner la guerre. La victoire de l’union fut un progrès relatif pour la communauté Afro-Américaine qui subit encore le racisme par la suite (cf Mississippi Burning, Detroit, Blackkklansman) et encore aujourd’hui malheureusement (cf LA 92, Le 13e).
Cependant, il ne s’est pas battu pour rien. Il faut toujours espérer que le combat ne soit pas vain.