FREE GUY
Shawn Levy, 2021
LE COMMENTAIRE
Demain est censé être un autre jour. En réalité, il est souvent le même que le précédent (cf Un jour sans fin, Palm Springs). C’est ainsi que le quotidien nous anesthésie lentement. On se lève et on ne se bouscule plus, comme d’habitude. La monde explose derrière nous sans que cela ne nous fasse ni chaud ni froid. On prend des claques dans le nez à répétition, tout en faisant semblant de ne rien avoir senti.
LE PITCH
Un personnage de jeux vidéos prend mystérieusement vie.
LE RÉSUMÉ
Guy (Ryan Reynolds) est un personnage non-joueur (NPC) de Free City, un jeu en ligne massivement multi-joueur (MMOG) permettant à ses utilisateurs de laisser libre court à leur violence dans une ville fictive (cf Mondwest).
Guy n’a pas conscience de vivre dans un jeu vidéo (cf Truman Show). Sa vie est codée donc il ne s’émeut pas des braquages de banque ou autres disputes en pleine rue.
I love my life.
Pour lui, tout est de l’ordre de l’ordinaire.
Nobody try to be a hero! This will all be over soon!
Millie (Jodie Comer), plus connue sous l’avatar de MolotovGirl, passe du temps dans Free City pour prouver que les studios Soonami lui ont volé son concept dotant certains NPC d’intelligence artificielle (cf A.I.).
Guy remarque MolotovGirl car elle chante sa chanson préférée. Après cette rencontre, Guy commence à entrevoir la vie différemment. Il dévie lentement de son script pour devenir Blue Shirt Guy, protégeant les NPC des joueurs et créant la sensation sur les réseaux sociaux. À tel point que les webmasters soupçonnent un hacker d’être derrière son personnage.
Sentant que Free City commence à lui échapper, Antwan Hovachelik (Taika Waititi) accélère le lancement de Free City 2. Dans cette nouvelle itération, plus de Blue Shirt Guy.
Guy et son ami Buddy (Lil Rel Howery) apportent la preuve que Millie recherche : les NPC sont effectivement dotés d’une intelligence artificielle et peuvent évoluer, comme elle l’avait imaginé. D’ailleurs ils évoluent! Guy a lancé la révolte (cf Spartacus).
It’s like NPC went on strike, it’s a digital walkout.
Sentant le danger, Antwan cherche tous les moyens pour faire disparaître Guy, jusqu’à donner des coups de hache dans les serveurs.
That shit ends today!
Millie négocie avec Antwan pour qu’il préserve le dernier serveur, en échange de quoi elle renonce à ses revendications.
Free City 2 est un échec monumental.
De son côté, Millie a pu lancer Free Life en indépendant. Guy lui révèle qu’il a été codé pour tomber amoureux d’elle, par Keys (Joe Keery) l’ex-copain de Millie.
I’m just a love letter to you. Somewhere out there is the author.
Profondément touchée par la démarche, Millie se remet en couple avec Keys.
Dans Free Life, la vie continue.
L’EXPLICATION
Free Guy, cela se joue maintenant et en dehors du metaverse.
Le metaverse est le nouveau eldorado du moment (cf Ready Player One). Il est certes plus excitant de s’intéresser aux possibilités qu’offre le monde virtuel de demain, plutôt que de trouver des solutions aux dysfonctionnements du monde réel d’aujourd’hui (cf Interstellar).
Cet objet de fantasme ne date pourtant pas d’hier. La religion s’est notamment construite sur la promesse d’arrière-mondes. La différence entre le Paradis, ou le Valhalla, ou peu importe comme on l’appelle, et Free City est que nous avons des preuves de l’existence du second – puisqu’il est possible d’y évoluer sous un avatar.
Pendant longtemps, les arrière-mondes issus du religieux nous ont contraint à vivre d’une certaine manière afin de valider un ticket pour le fameux grand voyage d’après. Suivre scrupuleusement les règles pour être éligible au Paradis quand le moment du grand jugement sera venu. Parfois devoir mourir de son vivant, dans l’espoir d’un mieux hypothétique.
Ces dernières années, cette promesse a été quelque peu revisitée. Un nouveau courant de pensée a suggéré qu’il était peut-être dommage de réduire la vie en absence de garantie. « Un bon tiens vaut mieux que deux tu l’auras ». Au diable demain! Vive le moment présent et surtout ce que l’on décide d’en faire! Carpe Diem (cf Le cercle des poètes disparus).
Even if I’m not real, this moment is real.
Ce que Free City illustre est sensiblement identique.
So the entire world is a game?
Ce metaverse, mis en reflet de notre propre existence, nous rappelle à quel point nous nous laissons volontairement enfermer par des règles qui s’imposent à nous. Guy mène une vie heureuse en apparence mais qui est extrêmement routinière. Il prend le même café tous les matins, au même endroit, en utilisant les mêmes expressions (cf The Truman Show). De ce point de vue, nous sommes toutes et tous à image, comme robotisé·es. Transparent·es.
I’m just an idiot who’s in the background.
Certain·es le réalisent, souvent au crépuscule de leur vie (cf Monsieur Schmidt), avant de sombrer dans une profonde dépression.
None of this matters. We don’t matter.
Guy a la chance de comprendre cette tragédie à temps, grâce à la rencontre de MolotovGirl. Un catalyseur pour profiter de la vie, pour peu qu’il décide d’en faire quelque chose (cf Matrix).
My whole life I felt like there had to be something more. Then I saw you. And I knew I was right. For a second I felt amazing.
L’amour lui ouvre les portes de l’existentialisme, et lui donne accessoirement des ailes. Guy devient Blue Shirt Guy, acteur de sa propre vie. Il ré-écrit son rôle, brisant le cycle du quotidien.
I’m not stuck in a loop anymore.
Ce moment de lucidité lui fait enchainer les punchlines.
Today is going to be different. (…) Maybe people can be whatever they want. (…) Life doesn’t have to be something that just happens to us. (…) We don’t have to be spectators of our own lives. (…) I want to make a godamn difference in the world.
Guy trouve le courage de faire ce que personne n’ose faire, car il ne craint plus les conséquences.
Giving this whole world a finger.
Une énergie sans filet contagieuse qui inspire Buddy.
I’ve been scared my own damn life, I’m not scared anymore.
Cette métamorphose interpelle également Millie, qui se surprend à tomber amoureuse d’un NPC par l’intermédiaire de son avatar. Ce qui lui donne la force de se battre contre la vision du monde d’Antwan. Que risque-t-on finalement à prendre tous les risques ?
Let’s not have a good day, let’s have a great day.
Millie, aveuglée par son écran, ouvre les yeux. Elle reconsidère Keys qui s’est transcendé pour mieux la récupérer. Ce qui compte, c’est ce qui se passe dans le monde sensible (cf L’histoire sans fin).