LA SECRÉTAIRE

LA SECRÉTAIRE

Steven Shainberg, 2003

LE COMMENTAIRE

Il y a tellement d’artistes sous-estimé·s et dont on ne découvre véritablement le talent que trop tard (Sixto Rodriguez, Jeff Buckley, Grégory Lemarchal, Philippe Nikolic). Dans quelques années, on aura sûrement l’occasion de se pencher de plus près sur l’oeuvre musicale d’Ophélie Winter. Que cherchait-elle à nous dire quand elle affirmait tout le monde le fait ? Faisait-elle allusion au fait que tout le monde dit I love you ? Ou faisait-elle allusion au fait que tout le monde pète, y compris les princesses qui ne vont soit disant pas aux toilettes ? Peut-être voulait-elle simplement parler de nos déviances sexuelles plus ou moins prononcées ?

LE PITCH

Une jeune femme tente de trouver ses marques à sa sortie de l’hôpital.

LE RÉSUMÉ

Lorsque Lee Holloway (Maggie Gyllenhaal) quitte l’institution psychiatrique pour assister au mariage de sa soeur (Amy Locane), elle n’a pas vraiment le coeur à faire la fête. Son père Burt (Stephen McHattie) s’est remis à boire. Quand il se dispute violemment avec sa femme Joan (Lesley Ann Warren), Lee fonce aussitôt dans sa chambre pour s’ébouillanter l’entre-jambes. Elle flotte dans sa piscine, elle préférerait certainement se noyer pour qu’on n’en parle plus.

Malgré tout, elle tente de se réinsérer en prenant des cours de dactylographie. Ce qui lui permet de décrocher un job de secrétaire chez un étrange avocat, E. Edward Grey (James Spader).

Celui-ci commence très vite à fantasmer sur sa nouvelle employée et remarque ses cicatrices. Il lui défend de s’en faire de nouvelles.

You will never, ever cut yourself again. Do you understand? Have I made that perfectly clear. You’re over that now. It’s in the past.

C’est lui qui va se charger de lui faire des bleus dorénavant, sur les fesses notamment. À cause de ses fautes de frappe, de son accoutrement ou du fait qu’elle renifle. Pas de plainte ni de #balancetonporc. Le contrat sadomasochiste est signé. Lee tombe carrément amoureuse de Grey, parce qu’elle est soumise et qu’il est dominant.

Um, I don’t understand.

There’s nothing to understand. Put your elbows on the desk. Bend over, get your face close to the letter, and read it aloud.

Leur relation a du mal à décoller cependant car Grey n’assume pas tout à fait ses pulsions. Il relègue Lee au rang de simple secrétaire. Alors elle le provoque jusqu’à ce qu’il ne puisse plus l’ignorer. Il n’arrive pas à gérer cette attirance, lui faisant repasser un entretien d’embauche pour mieux la virer.

I cannot do this anymore.

Elle fait semblant de continuer à aller au boulot ou de vouloir se marier avec Peter (Jeremy Davies). En fait, elle craque et part déclarer sa flamme à Grey, de manière officielle. Il la met à l’épreuve en lui demandant de garder ses mains sur le bureau. Elle observe la position. Pisse sur sa chaise. Se retrouve victime d’hallucinations. Les médias croient à une grève de la faim. Elle tient bon dans la tempête.

Grey vient la chercher pour lui faire couler un bon bain chaud. Cadeau. Il s’assume enfin, et elle aussi.

Each cut, each scar, each burn, a different mood or time. I told him what the first one was, I told him where the second one came from, I remembered them all. And for the first time in my life, I felt beautiful. Finally part of the earth. I touched the soil, and he loved me back.

Tous les deux se trouvent. Lee n’a pas l’air spécialement heureuse. Au moins, elle n’a plus peur de souffrir.

In one way or another, I’ve always suffered. I didn’t know why, exactly. But I do know that I’m not so scared of suffering now. I feel more than I’ve ever felt. And I’ve found someone to feel with, to play with, to love, in a way that feels right for me. I hope he knows that I can see that he suffers, too. And that I want to love him.

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L’EXPLICATION

Secretary, c’est qui ne se ressemble pas s’assemble.

La publicité nous a invité à arrêter de nous cacher (cf Ray-Ban). Elle nous a encouragé à être stupide (cf Diesel) ou à refuser la norme (cf Mini). Parce que les conventions, c’est chiant. Personne n’a envie d’être conventionnel. C’est la honte. Bien biberonné·es à ces messages tous plus inspirants les uns que les autres, on a fini par croire en notre propre unicité.

Tant et si bien qu’on s’est tous transformé peu à peu en Byron et Kamila, en couple depuis 7 mois. C’était à l’époque. Cela fait longtemps qu’ils ne sont plus tous les deux. Elle l’a plaqué quand il est parti pour la marque de la boutique d’en fesses.

Quelle erreur!

Bref, à tellement vouloir sortir du cadre, on a fini par se retrouver dans le petit confort du néo-conformisme.

Parce qu’être anti-conformiste, c’est dur à assumer – en vrai. C’est bien plus facile de se retrouver à la machine à café ou de ventiler sa vie de merde sur son blog. Celles et ceux qui souffrent en silence en se coupant sous la table sont considéré·s en marge. On les regarde de travers. C’est le cas de Lee qui se sent bien seule face au monde. Quand Peter lui demande si elle est contente d’être rentrée, elle n’arrive même pas à mentir.

Are you happy to be home? I mean, are you ‘happy’ to be home?

I don’t know.

Évidemment que non elle n’est pas contente de rentrer! Elle est hyper-sensible. Et malheureusement sa seule manière d’extérioriser son malaise n’est pas dans la norme : elle ne boit pas comme son père, elle ne se drogue pas, elle ne fume pas. Elle se coupe. Voilà quelque chose de non-conventionnel (cf Swallow). Et cela passe mal.

Tout change lorsqu’elle rencontre Grey, qui est lui aussi plutôt spécial dans son genre. Quand on est Lee, on a appris à ne pas juger les autres. Elle ne juge donc pas Grey. Au contraire, elle apprend à l’apprécier pour qui il est. Il se trouve qu’il est le seul qui la comprenne.

Why do you cut yourself, Lee? (…) Is it that sometimes the pain inside has to come to the surface and when you see evidence of the pain inside, you finally know you’re really here? Then, when you watch the wound heal, it’s comforting. Isn’t it?

Il la libère d’un poids énorme.

Now, you know what I want you to do? I want you to leave work early. You’re a big girl, a grown woman. Your mother doesn’t need to pick you up everyday. I want you to take a nice, walk, home in the fresh air. Because you require relief. Because you won’t be doing that anymore. Will you?

Avec lui, elle peut se passer de ses instruments de torture. Et pour cause, il se trouve qu’il est un peu déviant lui aussi, toujours BDSM – dans l’autre sens. Après tout…

Who’s to say that love needs to be soft and gentle?

Il est vraiment sévère, pas comme un autre Grey (cf 50 Shades), mais juste. Il lui fait mal mais elle aime bien. Tous les deux se complètent à la perfection. Puisque de son côté, Lee va apprendre à Grey à être bien dans ses pompes. Son inquiétude vient de ne pas être capable de tenir ce train de vie en permanence.

We can’t do this 24 hours a day, seven days a week.

Il a peur de la routine (cf Cinquante nuances plus sombres). Peur qu’elle se lasse de lui. Cela ne pose pas de problème puisqu’elle a précisément envie de s’ennuyer, du moment que c’est avec lui.

You scored higher than anyone I ever interviewed. You’re really over-qualified for the job. You’d be bored to death.

I want to be bored.

Ce couple là est loin d’être parfait, tout comme Reynolds et Alma (cf Phantom Thread) ou comme Elisa et son humanoïde (cf The Shape of Water). En même temps, on a vu ce qui s’est passé pour Nick et Amy (cf Gone Girl) et on sait ce qui guette Amélie et Nino (cf Le Fabuleux Destin). Alors laissons ces deux là se flageller s’ils ont envie de le faire tant qu’ils ne font de mal à personne d’autres qu’à eux mêmes.

Laissons à Lee le droit d’être une secrétaire plutôt qu’une assistante, si cela lui chante. Il faut de tout pour faire un monde, comme disait la chanson.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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