ENTRE LES MURS

ENTRE LES MURS

Laurent Cantet, 2008

LE COMMENTAIRE

Les Ministres de l’Éducation en France sont souvent des démineurs qui n’ont pas tous le même tact. On se rappelle de l’expression préhistorique de Claude Allègre. L’école de Charlemagne est un héritage explosif. Chaque modification du programme scolaire fait l’effet d’un tsunami. On continue de discuter en hauts lieux de la direction à donner pendant que les élèves et leurs enseignant·es doivent cohabiter toute l’année dans la salle de classe (cf Être et Avoir). Le fameux vivre ensemble (cf La Planète Sauvage).

LE PITCH

Une année dans une classe de collège de ZEP du 19e arrondissement.

LE RÉSUMÉ

François Marin (François Bégaudeau) est prof principal d’une classe de 4e et tente d’intéresser ses élèves à la littérature et à l’imparfait du subjonctif. C’est une mission délicate tant les étudiants partagent une culture et une langue totalement différentes (cf Mauvaises Herbes, The Substitute). Ils ne parviennent pas à être attentifs plus de trois secondes car ils ne voient pas l’intérêt de ce qu’ils pourraient apprendre à l’école.

Néanmoins, Marin veut gagner le respect de sa classe. Chaque jour, le professeur fait preuve de patience et de souplesse pour maintenir un équilibre précaire. Certains de ses collègues n’y parviennent pas, comme ce professeur de technologie qui menace carrément de ne plus faire cours à une classe de 3e.

Qu’ils restent dans leur merde!! Restez dans votre quartier pourri!

François tente de ne laisser personne sur le bas côté de la route. Il ne peut éviter un accrochage avec Souleymane (Franck Keïta) qu’il est contraint d’envoyer dans le bureau du directeur.

Ce n’est malheureusement pas le premier avertissement. Son cas se discute lors du conseil de classe. Les professeur·es ne savent plus quoi faire. François le défend toujours :

Nan mais notre boulot, c’est pas de le laisser tranquille au fond de la classe et qu’il ne fasse pas de vague. Faut aller les chercher ces gamins!

Il a le malheur de concéder que Souleymane a atteint ses limites scolaires. Esmeralda (Esmeralda Ouertani) et Louise (Grinberg), les deux déléguées de classe, s’empressent de répéter ces paroles à l’intéressé. Ce qui a le don d’irriter Marin qui n’a pas apprécié l’attitude désinvolte des deux filles pendant le conseil de classe qu’il qualifiera même d’attitude de pétasses.

Sans le savoir, il met le feu aux poudres.

Souleymane vexé, quitte la classe violemment, blessant au passage Khoumba (Rachel Régulier) au visage. Et Esmeralda reporte à la CPE que son professeur l’a traité de pétasse.

Marin tente de faire une mise au point avec ses élèves mais ne parvient pas à se faire entendre. Il assiste impuissant au Conseil de discipline qui prendra la décision d’exclure définitivement Souleymane de l’établissement, le condamnant peut-être à devoir retourner au Mali.

À la fin de l’année, le professeur demande à ses élèves de faire le point sur ce qu’ils ont appris dans l’année. L’une de ses élèves un peu désabusée vient lui confier à la fin de la classe qu’elle n’a rien appris du tout.

Je comprends pas ce qu’on fait.

Un petit match de foot profs élèves et tout le monde prendra de courtes vacances avant la réunion de pré-rentrée prochaine. Ce sera reparti pour un tour.

L’EXPLICATION

Entre les Murs, c’est l’inexistence du droit à l’erreur.

À l’école, on n’est pas là pour se planter. Il y a des bonnes réponses et des mauvaises réponses. La logique est un peu binaire mais quand on se trompe on a zéro. Mieux vaut ne pas les collectionner sous peine de devoir redoubler, ce qui est synonyme d’une vie interminable.

Il est assez paradoxal que les zones d’éducation prioritaires soient celles où les conditions de bien faire son travail soient inexistantes. Les étudiants s’y sentent délaissés. Leur vie n’a déjà plus d’intérêt pour eux.

Vous n’avez pas l’air convaincus que votre vie est intéressante.

On va en cours, on rentre chez nous, on bouffe, on dort!

Ces enfants sont loin d’être mauvais, surtout pris·es de manière individuelle.

C’est ensemble et dans un contexte d’échec qu’ils ou elles font preuve d’agressivité ou d’irrévérence (cf Les Misérables). On peut les considérer comme des élèves quelconques. Lors du briefing de pré-rentrée, les professeur·es se souhaitent du courage. On les voit prendre leur respiration comme s’ils ou elles s’apprêtaient à plonger en apnée (cf Le Grand Bleu). Cela ressemble presqueà une mission commando (cf Sicario).

François Marin est un bon prof, tout en finesse, qui se soucie de la progression de ses élèves.

Il faut comprendre que personne n’a envie d’être là. Les professeur·es avaient sûrement d’autres ambitions. Ils ou elles se retrouvent à bout de nerfs (cf Polisse), rincé·es par cet environnement auquel on ne peut pas s’adapter. Les professeur·es non plus n’ont pas le droit à l’erreur.

Quant aux élèves, ils ou elles pensent être perdu·es. Que tout cela ne sert à rien. Une opinion souvent partagée par les enseignant·es. Dans ce climat, tout devient blessant. Les agressions sont permanentes. On a envie de démissionner.

Marin a décidé de prendre quelques libertés par rapport aux consignes. Il veut être un roseau dans la tempête plutôt qu’un chêne. Parfois, il a l’impression de boire la tasse mais en tout cas, il ne coule pas. Malgré tout, il n’a pas l’impression de faire du bon boulot.

Surtout lorsqu’il voit Souleymane traduire les paroles de sa mère, implorant la clémence du conseil de discipline. Une scène humiliante. À ce moment, François Marin ressent sûrement un sentiment d’échec (cf Lawrence of Arabia).

Cette histoire d’insulte a affaibli sa position. Il ne peut rien faire face à ces collègues.

C’est pas le collège qui va exclure Souleymane. Ça fait un bon moment qu’il est plus avec nous.

Il est otage et voit la machine se dérégler à cause d’un grain de sable. Tout peut se retourner contre lui à tout moment. Les mots peuvent être sortis de leur contexte, détournés, amplifiés. L’enchaînement est terrible (cf La Haine).

Une chose en a entraîné une autre…

C’est le constat d’échec d’un groupe qui n’arrive pas à travailler ensemble. Esmeralda se croit maline. Elle contribue sans le savoir à créer le déséquilibre et anéantit les efforts de Marin, du haut de ses 14 ans. Le contrôle de la situation échappe totalement au professeur. C’est fini.

Que faire ? Communiquer davantage ? Cela ne suffirait peut-être même pas. La moindre erreur se paie cash. C’est l’exigence du haut niveau, tout en bas, là où la nuance n’est tout simplement pas permise.

Alors tant pis pour Souleymane. Dommage collatéral malheureux.

On n’a pas envie d’entendre cette élève en perdition, même si elle dit vrai. Pas le dernier jour de l’année scolaire.

Plutôt se concentrer sur autre chose.

Comme un match de foot à ne pas perdre.

Partir en vacances. Ne pas penser à revenir.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son AUTEUR.

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