LE PÉRIL JEUNE
Cédric Klapisch, 1994
LE COMMENTAIRE
Quand on est jeune, on est con par définition – d’après le théorème de Saez. C’est le moment où on peut se laisser pousser les cheveux, ne pas se soucier de l’ajustement de la cravate, dire des conneries, faire des conneries. Emprunter à MJ sa gestuelle avant même que celui-ci ne l’ait inventée. Être précurseur. profiter de sa jeunesse parce qu’après c’est trop tard. Le temps ne revient pas en arrière (cf Benjamin Button).
LE PITCH
Quatre garçons avec l’avenir derrière eux se retrouvent à la maternité.
LE RÉSUMÉ
1981. Chabert (Vincent Elbaz), Momo (Nicolas Koretzky), Bruno (Julien Lambroschini) et Léon se retrouvent à l’hôpital où Sophie (Élodie Bouchez) doit accoucher. Problème.
Y’a plus de papa!
Le père est mort d’une overdose (cf Trainspotting). C’était Tomasi (Romain Duris). Les quatre amis se rappellent de 1976, quand ils étaient en terminale au lycée Montesquieu…
Le baccalauréat approchait mais les adolescents avaient des choses beaucoup plus importantes à gérer : le flipper, les filles, le sexe et la politique. Tous étaient très engagés.
Qu’est-ce tu veux qu’on fasse ?? Moi j’ai pas envie de fermer ma gueule en tout cas!
Ils ont formé le Groupe Anarchiste contre la Pensée Molle pendant que les filles militaient ensemble pour le droit des femmes. Les garçons se sentaient d’ailleurs exclus de leur combat.
Qu’est-ce que vous pouvez vous dire qu’on peut pas entendre ?
Des trucs de femmes!
Nous on n’est pas responsables de tout ça! (…) Si y’a des problèmes faut qu’on les règle ensemble, sinon vous vous marginalisez. (…) On va fonder le groupe hommes et nous comme on est ouverts d’esprit vous pourrez venir quand vous voulez.
Se battre contre le chômage était une priorité. Les étudiants manifestaient pour exprimer leur mécontentement.
Une manif contre le chômage ? C’est nouveau!
C’est nouveau ouais mais faut faire quelque chose maintenant pour pas que ça dure.
Oh hey, on va pas se battre pour travailler…
Tomasi préférait rester à l’écart, en dehors de la mêlée, quelque part perché. Provoquant le proviseur Moroni (Jacques Marchand) :
Bon allez arrêtez vos singeries Tomasi descendez.
L’homme descend du singe. Tomasi est un homme, Tomasi ne descend pas du panneau de basket…
Et puis Bruno a eu une histoire avec Barbara (Lisa Faulkner), l’assistante d’anglais. Elle vivait dans un squat. Certains se mettaient à leurs révisions pendant que les autres s’essayaient aux drogues. Tomasi a fini par coucher à son tour avec Barbara, se brouillant temporairement avec Bruno.
Pendant le bac blanc, Tomasi a définitivement pris la tangente. Il est venu chercher ses amis qui l’ont éconduit.
Ah ça vous dérange maintenant la musique ?!
Sur un coup de colère, il a tout saccagé dans le lycée et s’est fait mettre à la porte. C’est peut-être à ce moment précis que ses amis l’ont véritablement laissé tomber.
À présent, ils ont des remords. Après la naissance du bébé, ils s’apprêtent tous à ses séparer devant l’hôpital puis partent prendre un café ensemble, comme au bon vieux temps.
L’EXPLICATION
Le péril jeune, c’est mort de l’esprit de révolte.
Les jeunes sont pleins de contradictions.
Il me parle de principes c’est le premier à fermer sa gueule, faux cul!
Ils font les malins en répétant ce qu’ils entendent alors qu’ils feraient mieux de réfléchir par eux-mêmes – ce qu’ils ne savent pas encore faire.
Moi j’ai entendu à la radio que dans deux ans le chômage c’est fini.
La jeune génération inquiète toujours la précédente. Cela ne date pas d’hier. Déjà à l’époque, Socrate pestait : Notre jeunesse est mal élevée. Elle se moque de l’autorité et n’a aucune espèce de respect pour les anciens. Nos enfants d’aujourd’hui ne se lèvent pas quand un vieillard entre dans une pièce. Ils répondent à leurs parents et bavardent au lieu de travailler. Ils sont tout simplement mauvais. Nos jeunes aiment le luxe, ont de mauvaises manières, se moquent de l’autorité et n’ont aucun respect pour l’âge.
Impolie, impertinente, impatiente. La jeune génération a l’ambition légitime de prendre la place et pour cela elle doit bousculer les conventions, appelle à un nécessaire renouvellement, poignarde dans le dos si besoin (cf Macron à l’Élysée). Voilà ce qui conduit la jeunesse à se poser presque naturellement contre le système établi. Même si cela a ne fait pas de sens et qu’ils ne comprennent pas bien pourquoi ils le font, les jeunes descendent dans la rue quand ils en ont l’occasion.
Les bergers de l’éducation nationale ont pour objectif de faire rentrer ce troupeau indiscipliné dans le rang soit par la force, à l’image de Moroni, soit avec plus de psychologie.
Moi aussi je voulais pas passer le bac. Maintenant je sais que si je l’avais pas eu je me ferais entuber par le système. Étudier c’est une chance.
Cela rentre par une oreille et cela sort par une autre!
Le péril jeune, c’est qu’à force de provoquer, on peut se retrouver coincé dans sa posture – à l’image de Tomasi qui tombe dans le piège de la drogue et n’en reviendra pas. On se donne un genre et on ne peut plus revenir en arrière, se mettant soi-même hors jeu. C’est dommage.
Les autres membres du G.A.G. ont grandi. Ils sont devenus des adultes responsables en devenir. À peine rentrés sur le marché du travail, ils ressemblent déjà à leurs parents. Avec le recul, ils repensent à leurs années lycée avec tendresse et indulgence (cf Les Sous-Doués).
J’ai été con…
Puis ils font le constat amer que la vie et ses conventions idiotes les ont rattrapés. Ils n’ont pas encore la trentaine et se sont laissés manger par le système avec toute une série de fausses excuses pour ne pas sortir de la routine.
Je vais rentrer. Y’a Brigitte qui m’attend.
Le péril jeune, c’est peut-être plutôt de sortir de sa jeunesse et de perdre l’esprit de Tomasi.
Y’a pas que le bac dans la vie!
Ces Parisiens ont fièrement marché sur les traces de leurs ancêtres soixante-huitards, puis se sont bien vite intégrés. Ils ont mûri. Heureusement. Mais ils sont devenus de jeunes vieux cons (cf Quatre garçons plein d’avenir).
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