JUSQU’AU DÉCLIN
Patrice Laliberté, 2020
LE COMMENTAIRE
Ah ce qu’on est bien, à se prendre des apéros ou faire des barbecues, tous ensemble au coin du feu en mangeant des marshmallows. On se parle de nos vies passionnantes, on rigole. Et si un jour nous n’avions plus l’occasion de le faire (cf Le temps du loup)? Les règles de distanciation sociale sont ce qu’elles sont. Et si un jour, nous n’étions tout simplement plus copains?
LE PITCH
Une groupe de Québecois se prépare pour la fin du monde.
LE RÉSUMÉ
Antoine (Guillaume Laurin) croit ferme en la fin du monde. En tout cas, suffisamment pour réveiller sa femme et sa fille au milieu de la nuit pour un exercice d’évacuation. Il regarde avec assiduité les vidéos d’Alain (Réal Bossé), apôtre local du survivalisme.
Préserver la nourriture, ça va être important à un moment donné. Parce que le calme qu’on vit là ne tient pas à grand chose. Si le gouvernement s’effondre ou un H1N1 vraiment intense ou une catastrophe naturelle… Pour vivre, faut survivre!
Antoine s’inscrit à l’une de ses formations et débarque au milieu de nulle part. Il y fait la connaissance d’autres adeptes : Rachel (Marie-Évelyne Lessard), François (Marc-André Grondin), Anna (Marilyn Castonguay), David (Marc Beaupré) et Sébastien (Guillaume Cyr). Conditions d’apocalypse.
La discipline d’Alain est militaire. Car il ne s’agit pas que de survie mais aussi de protection contre les milliers de migrants qui pourraient potentiellement chercher à venir s’installer si leurs conditions venaient à se dégrader. Les médias n’arrête pas d’en parler.
Si tu allumes la télé, tu sais que ça va exploser.
Le jour, on s’entraine dur. Le soir, on partage ses points de vue entre théories de l’effondrement et complot (cf Everything is a rich man’s trick).
Le gouvernement s’arrange pour nous affaiblir, pour mieux nous contrôler.
Globalement le groupe vit bien. Jusqu’à l’incident. François transporte une caisse de bombes artisanales qui lui explosent à la figure. Il meurt sur le champ. Choqués, Rachel et Antoine ont assisté à la scène. Ils songent à prévenir les secours – avec toutes les conséquences que cela suppose.
Si on appelle quelqu’un de l’extérieur, c’est fini.
Hors de question pour David ni Alain qui propose de décider collectivement le lendemain matin. Avant de brûler le corps pendant la nuit. De toute façon, les autres voulaient le dénoncer malgré tout. Le groupe éclate. Les sécessionnistes quittent le camp. Alain tire sur Anna. Sébastien meurt dans l’un des nombreux pièges du domaine. Rachel passe à travers la glace mais Antoine lui sauve la vie. Il aurait pu ne pas le faire. Sur le parking où sont garées leurs voitures, David les attend. Il tue Antoine puis se fait tuer par Rachel qui revient au camp pour confronter le maître des lieux.
Anna est morte de sa blessure. Au terme d’un corps à corps intense, Rachel finit par prendre le dessus. Elle neutralise le formateur puis part en moto neige en sa compagnie afin qu’il règle ses comptes avec la civilisation.
L’EXPLICATION
Jusqu’au déclin, c’est vivre plutôt que survivre.
En général, toutes les fourmis qui font des réserves ou construisent des bunkers (cf Take Shelter) afin de se préparer à la fin monde sont moquées par les cigales que nous sommes. Chômage, criminalité, dérèglement climatique… Le monde va mal mais ne vas pas si mal.
Les récentes mesures de confinement un peu partout dans le monde ont cependant ramené certains à la réalité. Un scénario apocalyptique devient plus concret : crise économique mondiale, pénuries, explosions des nationalismes, émeutes, cannibalisme (cf La Route)…
On sait pas comment on va réagir.
Il faut bien avouer que ce scénario n’est tellement pas plaisant que personne ne veut véritablement l’envisager. Après tout, on ne se décide pas à acheter un produit sur la base des garanties car on ne veut pas imaginer qu’il puisse tomber en panne.
On a rapidement pensé au plan d’évacuation au cas où la station brûle (cf Deepwater horizon) sans souhaiter que cela se produise. Aussi parce que c’est dur de prévoir l’imprévisible (cf Jurassic Park), ou d’accepter de croire en la loi de Murphy (cf Interstellar). Il en va de même avec la société. Appuyons nous bien fort sur la croyance que tout ira bien et tout finira par aller bien. Soyons positifs.
Ce n’est pas le cas des adeptes du survivalisme qui ne se considèrent pas comme des catastrophistes, plutôt comme des réalistes. Plus lucides que les autres. Ils n’attendent pas après le gouvernement pour trouver un plan B. Peut-on seulement faire confiance au gouvernement ?
C’est une question de temps avant que ça dégénère. Quand ça va arriver, je veux pas que mon monde change. Je veux pouvoir manger à ma faim. Protéger les miens.
Or, l’accident va précipiter les choses. Les participants voulaient de l’aventure, ils vont être servis. L’accident qui se produit leur propose un test grandeur nature.
Si ça explose, ça sera une crise sociale.
La mort d’Antoine met clairement en évidence le fait que le déclin n’est pas qu’une simple question de survie. Alain n’a pas écrit de code de conduite, en dehors de son couvre feu. Dans son monde, il n’y a pas de constitution. Quid du collectif ?
Un idéal, pour que ça devienne vrai, il faut vraiment travailler fort. Tous ensemble.
Alain a tellement pensé à sa survie et à la protection des siens qu’il n’en a pas pensé à un projet de société. Il dit pourtant quelque chose très juste :
C’est important de s’entourer des bonnes personnes.
Quel genre de personne est-il ? Il aime bien jouer du piano mais sa vision du monde est très rigide, comme Howard (cf 10 Cloverfield Lane). Avec lui, c’est marche ou crève.
C’est pour ça qu’on se prépare. Là il y a une crise et il faut la gérer. Pour la gérer il faut avoir la tête froide mais vous partez dans tous les sens! (…) Vous pensez juste avec vos émotions. Il est où votre bon sens?
Si l’on pousse sa logique jusqu’à l’extrême, tout le monde doit obéir à ses règles. Autrui est avant tout une menace (cf It comes at night). On vient en aide à quelqu’un pris au piège que dans la mesure où ce quelqu’un peut nous aider. Les participants ne sont que des invités. S’ils deviennent un danger, alors ils doivent disparaitre. Il ne peut en rester qu’un (cf Circle). Et ce sera Alain.
Le projet de ceux qui préparent le déclin échoue lamentablement. Tant mieux. Bonne leçon. Maintenant, il faudrait quand même s’organiser, sans trop attendre. Si on ne veut pas finir sous le joug des redoutables vainqueurs de Koh Lanta.
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