I FEEL GOOD

I FEEL GOOD

Gustave Kervern, Benoît Delépine, 2018

LE COMMENTAIRE

Pas simple d’être présent. Encore moins évident de se sentir bien, dans l’instant. Trop facilement coincé quelque part entre la frustration du passé et l’angoisse du lendemain. Tyrannisé par les professeurs de yoga. Insatisfait de son bronzage ou de sa masse graisseuse. Sans se rendre compte de sa chance.

LE PITCH

Un homme squatte chez sa soeur pour se retaper la cerise.

LE RÉSUMÉ

Jacques Pora (Jean Dujardin) débarque dans la communauté Emmaüs dirigée par Monique Pora (Yolande Moreau), en peignoir et en mules. Il réclame l’asile. Elle accepte, sous condition.

C’est juste pour être un peu au calme. Voir venir et travailler un peu mon idée pour devenir riche. Très riche. Enfin, immensément riche!

Commence par débarrasser ton assiette.

Mis à la porte par ses parents (cf Tanguy), Jacques n’avait pas parlé à sa soeur depuis des années. Il est en situation d’échec. Son désir de réussir reste cependant intact.

J’ai hâte de commencer cette journée!

Lorsqu’il fait la manche dans le RER, il a même l’air d’avoir parfaitement confiance en ses aptitudes à s’en sortir.

N’ayez pas peur, je suis de votre bord. J’ai fait une école de commerce. Mais je n’ai pas trouvé d’emploi. J’ai foi en notre système libéral et je sais que mon jour viendra.

C’est Poutrain (Xavier Mathieu) qui va lui donner une idée : la chirurgie super low cost en Bulgarie.

Les gens savent pas mais pour peanut tu peux changer ta vie. Ceux qui sont largués ou ont perdu les pédales devraient faire ça. On en connait tous des paumés.

Jacques commence à chasser du client au sein de la communauté. Son discours commercial est imparable.

Quand t’es beau tu te sens apaisé. Quand t’es tranquille tu te sens intelligent. (…) Maintenant l’apparence a plus d’importance que la performance.

Il convainc sa soeur et quelques compagnons de faire le pari de la beauté. Direction la Bulgarie. Une fois sur place, les clients changent d’avis avant de passer sur le billard.

Jacques on voulait te dire un truc : on n’a jamais vraiment eu envie d’être le roi des animaux. Je m’en fous d’avoir une Tesla ou un riad à Marrakech. J’adore mon chien, j’aime ma mobylette et j’aime même ma sale gueule de con.

C’est la banqueroute pour Jacques qui prend la fuite à bord d’une limousine de fortune. Sur la route, il percute une voiture de plein fouet. Les membres de la communauté se cotisent pour lui offrir une opération de chirurgie plastique. Jacques revient en France avec de faux airs de l’Abbé Pierre, au sein d’une communauté désormais prospère.

Je me rêvais en Bill Gates milliardaire, je me retrouve en Abbé Pierre comptable.  Résultat : c’est tout bénéf.

L’EXPLICATION

I Feel Good, c’est la possibilité d’un autre monde.

La rencontre entre le frère et la soeur est un choc frontal entre deux visions du monde antinomiques. Jacques passe pour un soldat du système, tombé du train en marche. Il passe son temps à recracher les lieux communs qu’on lit dans la presse libérale.

Ce qui compte maintenant, c’est l’individu. Faut qu’il se prenne en main.

Tandis que Monique incarne l’anti-système, faite de décroissance et d’économie circulaire. Son discours parait un peu naïf parce qu’en marge.

Toi, papa et maman, vous avez jamais cru au capitalisme. Mais c’est pas Karl Marx qui va t’aider à avoir un jacuzzi!

J’y ai cru à une société meilleure basée sur le partage…

En vérité, si Monique a traversé une profonde dépression, elle est aujourd’hui bien plus déterminée que son frère. Elle a l’humilité de reconnaître qu’elle fait avec les moyens du bord.

Je sais pas ce que je fais, je sais pas où je vais, mais je sais que j’ai une mission.

Jacques refuse totalement d’admettre qu’il est en déroute (cf Attrape moi si tu peux), avec son peignoir et ses mules. Bien qu’il n’ait rien à se mettre sous la dent, il continue de voir la vie comme un gigantesque banquet (cf Next Floor) où le premier arrivé est le premier servi. On ne partage pas.

C’est bien ça le problème, c’est pour ça que nous, les winners, on se garde le gâteau. Parce que les losers s’offriraient les miettes et à la fin y’aurait plus de gâteau. Comme vous êtes sept milliards. 

Si le système l’a laissé sur le carreau, il reste néanmoins confiant dans le fait que ce même système ne l’abandonnera pas.

Le système nous récompense toujours, pourvu qu’on soit patients, ambitieux et travailleurs.

Jacques fait partie de ces cohortes qui veulent réussir – sans se faire mal. Gagner le plus possible en en faisant le moins possible. La logique se tient.

Je veux un truc simple qui me rendra riche comme la roulette à découper la pizza.

Malheureusement, Jacques ne reste qu’un prétendu entrepreneur qui se sauve face à la difficulté (cf Courage Fuyons), disparaissant avant de connaître l’échec (cf Soul Kitchen). Plaignant ceux qui n’ont pas réussi alors qu’ils avaient mis toutes les chances de leur côté pour se planter. Blâmant les charges sociales.

J’étais patron de bar. Trop de charges. En cuisine, t’as beau payer des Sri-Lankais au black, t’as beau faire des plats surgelés que tu réchauffes, t’as beau avoir une double comptabilité, t’as beau plus prendre la carte bleue, couper l’alcool avec de l’eau… Faire des tartares avec ce qui reste dans les assiettes… Tu t’en sors pas.

On n’est pas aidés en France, on n’aime pas les gens qui réussissent!

Jacques est incroyablement agaçant de bêtise. Pourtant Monique garde son calme, par amour. Plutôt que de faire la leçon à son frère, elle lui apporte son soutient indéfectible. Dépassant leurs différences pour recentrer le débat sur l’essentiel. Ils ne se parlaient plus, ils se sont retrouvés. N’est-ce pas là le plus important?

Jusque là on a réussi à vivre ensemble sans que l’argent nous pourrisse. C’est beau. Alors gâche pas tout.

Cette fois, Jacques va devoir aller au bout de sa démarche et se faire véritablement mal. S’il s’inscrivait dans la tradition grecque du kalos kagathos, cela tiendrait debout. Le beau et le bon. Mais Jacques manque cruellement de culture. Il voulait simplement croire en l’illusion d’un monde retouché par la chirurgie esthétique. Maintenant, il doit apprendre à apprécier le réel pour ce qu’il est. Se prendre le mur en pleine figure.

Grâce à Monique, Jacques ressort de cette expérience comme un homme nouveau.

Ça c’est le nouveau monde : On récupère l’ancien, on le retape, on le transfigure. Finalement t’as réussi mais pas comme prévu.

Transformé physiquement et surtout moralement. Converti. Il a trouvé sa place au sein de la communauté. L’exemple qu’une société différente est réalisable.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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