IL BOEMO
Petr Václav, 2023
LE COMMENTAIRE
On pense des bohèmes qu’ils sont des cigales sans foi ni loi. Se la coulant douce avec leur tempérament d’artiste, n’obéissant à aucune règle. C’est oublier que les bohèmes sont aussi des ressortissants d’une région d’Europe centrale qui fut jadis un Royaume. Des gens dans le questionnement et qui s’en remettaient à une plus haute autorité dans le but de trouver des réponses.
LE PITCH
Un compositeur tchèque tente de percer en Italie.
LE RÉSUMÉ
Josef Mysliveček (Vojtěch Dyk) essaie de trouver sa voie dans la Venise de la fin du XVIIIe siècle. Il peine à payer son loyer malgré les cours qu’il donne à des filles de bonne famille qu’il séduit – déjà.
Ne me quittez pas. Aimez moi.
Confondu avec un autre lors d’une soirée masquée, Mysliveček est invité à rencontrer une Marquise (Elena Radonicich). Réjouie de cette plaisante surprise, la Marquise lui renvoie l’ascenseur en le présentant au Conte Finocchietti (Alberto Cracco).
Il a beaucoup de talent, malheureusement personne ne le sait!
Le Conte l’introduit à son tour aux Napolitains.
Je reconnais de loin un grand compositeur…
Mysliveček se voit proposer d’écrire un opéra en l’honneur du Roi.
Caterina Gabrielli (Barbara Ronchi) met du temps avant de se faire convaincre. Lors du grand soir, la cantatrice fait une dépression nerveuse et menace de ne pas monter sur scène (cf Amy). Ce serait la fin de la jeune carrière du compositeur. Mysliveček gifle Gabrielli, puis retourne la voir en coulisses. Ses mots sont magiques puisque l’artiste se produit finalement, sous un tonnerre d’applaudissements. Le Roi en redemande. Les Napolitains sont bluffés.
Tu comprends ce mystère qu’on appelle ‘la femme’!
À Bologne, on le réclame également. Mysliveček a notamment tapé dans l’oeil d’Anna Fracassati (Lana Vlady) dont le mari jaloux représente une menace à prendre très au sérieux. Josef et Anna s’écrivent de nombreuses lettres.
Correspondre avec un homme comme vous redonnerait du sens à ma vie. (…) La curiosité intellectuelle qui nous unit peut survivre des siècles.
Violée par son mari et interdite des concerts de Josef, Anna met fin à ses jours après avoir écrit une dernière lettre à son amant platonique.
Votre musique pourrait être plus sincère encore. (…) Ne succombez pas à la tristesse…
Une prière que Josef va avoir du mal à honorer puisqu’il dilapide son argent au jeu et contracte la syphilis. L’auteur termine sa vie péniblement, mais avec dignité malgré un masque qui cache ses stigmates.
Son travail inspira Mozart (cf Amadeus).
L’EXPLICATION
Il Boemo, c’est le style d’origine.
À l’origine, le bohème est Josef Mysliveček : un artiste contraint de quitter son pays pour aller chercher la reconnaissance ailleurs où l’on écorche son nom. Quelqu’un qui n’a rien d’un gitan mais qui a dû apprendre à voyager léger. On le juge pour cela. Son entourage lui intime de changer de mode de vie.
Vous ne pouvez pas vivre comme ça.
Comme s’il en avait le loisir… Les chanteurs gagnent des fortunes. Josef Mysliveček ne prend que 10% de la somme qu’ils empochent. Il est dans l’ombre. Personne ne lui fait de cadeau.
Il tente de graviter au sein de la haute société pour la divertir (cf Parasite). On le lui reproche, mais comment pourrait-il payer ses dettes autrement ? Il se débrouille comme il peut. Sans d’autre choix que de faire au jour le jour.
Chaque jour qui passe vous apprendra à vivre…
Comme le dit Mozart : composer le soir sans terminer, de façon à ce que Dieu lui permette de se réveiller le lendemain pour voir la fin de l’oeuvre.
Cette philosophie a quelque chose de libérateur car il n’a évidemment pas de plan de carrière. Si seulement les bourgeois pouvaient vivre comme lui, ils seraient tellement plus heureux. Ils en rêvent secrètement. C’est pourquoi ils boivent ses paroles comme du petit lait.
Parfois il est préférable de commettre quelques erreurs et de laisser parler ses sentiments.
Pendant que les maris cocus le jalousent, les femmes le désirent forcément. On ne peut pas se passer de son charme redoutable (cf Le Parfum).
Revenez me voir bientôt.
Son entourage bourgeois considère son style de vie comme insouciant, ce qui entrainait souvent des confusions.
C’est facile pour vous.
Pourtant la vie de Josef Mysliveček n’avait rien de facile. Devoir composer avec des artistes écorché·es pour parvenir à monter des opéras gagnant les faveurs de Rois choisis par le hasard. Il ne bénéficie d’aucun piston, juste de mises en relation. Vivre aux crochets fragiles de personnes n’ayant rien à faire de rien. Aucun de ses amis n’étaient vraiment fiables.
J’espère que tes amis ne t’égareront pas.
Sa sensibilité n’est pas épargnée non plus. On ne lui donne le droit que d’avoir des aventures, jamais de pouvoir se marier avec celle qu’il aime. Il finit par craquer en jouant aux jeux d’argent, ou coucher dans les mauvais lits.
Ce n’est pas une vie pour vous.
Malgré tout, il veut voir le verre à moitié plein bien que la syphilis lui ravage le corps. Ce qui est tout à son honneur.
La musique devient plus simple, nous allons vers des temps meilleurs…
Il est éphémère et il a le mérite de le reconnaître, sans prétention.
Rappelez vous : je ne suis pas éternel.
De Mozart on fera une avenue au Monopoly. Alors que de lui, on ne retiendra pas même une mélodie (cf Gatsby le magnifique). Le bohème a juste essayé de vivre.
Puis il y eut la bohème d’Aznavour. Le temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Crier famine et poser nue. Être heureux malgré tout. Fallait-il que l’on s’aime et qu’on aime la vie. Cette vie de bohème là essayait de profiter de ce qu’elle pouvait, comme elle le pouvait.
De nos jours, le bohème est aussi bourgeois, en plus d’être Parisien. Habillé de manière faussement négligée, comme pour masquer son côté citadin aisé et cultivé. Menant une vie confortablement en marge, bien installé du bon côté de la Seine – dont il n’est jamais parti. Ne priant personne d’autre que lui-même. Revendiquant des valeurs de progressisme sociétal et des préoccupations environnementales, parce qu’il peut se le permettre.
Être bohème pour se donner un genre. Cela n’a plus grand chose à voir.