DONNIE DARKO
Richard Kelly, 2001
LE COMMENTAIRE
À l’heure du digital (cf Matrix) et des mondes virtuels (cf Ready Player One), on peut légitimement questionner la notion de réel. Les fake news nous donnent l’impression de vivre dans la caverne de Platon.La réalité nous donne parfois l’illusion de pouvoir lui échapper (cf Le Prestige), avant de nous rattraper. Jusqu’où doit on aller pour toucher la fin du monde sensible (cf Truman show)?
LE PITCH
Un ado fait des rêves de fin du monde.
LE RÉSUMÉ
Donnie Darko (Jake Gyllenhaal) est somnambule. Dans ses rêves, un lapin du nom de Frank lui annonce l’apocalypse dans exactement 28 jours, 6 heures, 42 minutes et 12 secondes. Lorsqu’il rentre chez lui, Donnie constate que le réacteur d’un avion s’est écrasé sur le toit de sa maison, en plein sur sa chambre!
Frank continue de hanter ses nuits et lui donne des ordres, comme celui d’inonder son école. Un mal pour un bien puisque cela permettra à Donnie de se rapprocher de Gretchen Ross (Jena Malone), une nouvelle élève dont il s’est entiché.
Donnie est un révolté. Il s’insurge contre la naïveté de ses potes quand ils parlent des Schtroumpfs. Il s’énerve aussi contre sa professeur de gym Kitty Farmer (Beth Grant) ou le conférencier Jim Cunningham (Patrick Swayze) et leur vision binaire de la vie.
Well, life isn’t that simple. I mean, who cares if Ling Ling returns the wallet and keeps the money? It has nothing to do with either fear or love.
Frank continue de le tourmenter et l’échéance approche. Frank lui parle de voyage dans le temps. Son professeur de Physique (Noah Wyle) lui conseille la lecture d’un essai de Roberta Sparrow (Patience Cleveland), grandma death. Celle-ci lui fait une révélation troublante:
Every living creature on Earth dies alone.
Donnie, qui n’avait pas besoin de ça, cogite encore davantage. Il s’interroge sur l’existence de Dieu. L’absence de réponse le rend profondément anxieux.
The search for God is absurd?
It is if everyone dies alone.
Ses hallucinations s’intensifient. Il voit le futur se matérialiser devant ses yeux.
Une heure avant la fin du monde, Donnie et Gretchen se retrouvent embarqués malgré eux dans un mauvais coup qui verra Gretchen se faire écraser par une voiture conduite par un homme déguisé en lapin. Donnie abat aussitôt le responsable d’une balle dans l’œil.
Curieux de l’issue de ce compte à rebours funeste, Donnie se rend sur les collines surplombant le Middlesex. Il y observe la formation d’un vortex dans le ciel. Un avion est en train de se crasher doucement. Il voit alors défiler les événements de ces 28 derniers jours avant de se retrouver dans son lit quelques secondes avant le moment fatidique : le réacteur s’écrase sur sa chambre.
Le lendemain matin, la famille Darko est en deuil. Gretchen apprend la mort de ce garçon qu’elle ne connaîtra jamais. La mère de Donnie lui adresse un regard puis lui fait un signe de la main comme si elles se connaissaient.
L’EXPLICATION
Donnie Darko c’est un réveil.
Wake up!
En faisant ce rêve, Donnie prend conscience que le monde peut s’arrêter et que le temps est par conséquent précieux – notamment le temps de sommeil.
Comme par hasard, c’est un lapin qui lui annonce la bonne nouvelle. C’est à croire qu’il y a une corrélation entre les lapins et le temps.
Alice au Pays des Merveilles sors de ce corps, Alice au pays des merveilles je suis ton père (cf Star Wars), Alice au Pays des merveilles vous voulez pas un whisky d’abord (cf La Cité de la Peur) ?
Donnie sort de l’enfance représentée par sa sœur cadette pour qui rien ne compte en dehors de son concours de danse (cf Little Miss Sunshine). Les enfants sont insouciants car ils sont convaincus que la mort, c’est surtout pour les autres. Alors que chacun y aura droit (cf Démineurs).
Les visites répétées de Frank vont d’abord permettre à Donnie de sortir de la comédie qui nous entoure au quotidien. Il est vrai qu’on joue un rôle, parfois sans le vouloir, qui peut nous donner l’impression d’être à l’étroit dans notre costume.
Why are you wearing that stupid man suit?
En dépassant ces codes, Donnie s’en remet davantage à son instinct. Ce qui lui permet de déplacer des montagnes. Si on parvient à se détacher de ce que les autres pensent de nous et des conventions sociales, on peut faire ce qu’on veut. Rien ne nous en empêche.
I can do anything I want. And so can you.
Tant qu’à pouvoir faire ce qu’on veut, autant faire des choses utiles comme inonder son école ou mettre le feu à la maison d’un pédophile.
Ce compte à rebours permet à Donnie de prendre conscience de sa liberté. Il est libéré d’un poids. Mieux, il est devenu extra lucide. Il est tellement détaché qu’il peut mieux anticiper les événements. Capable de voir dans le futur.
Il est éveillé et peut enfin s’interroger (cf Eyes Wide Shut). Cela a du bon de se poser des questions. Pourquoi ? On se retrouve très vite confronté à la peur que tout puisse prendre fin. Quand Donnie contemple sa propre histoire, il réalise que la vie s’apparente finalement à un énorme bazar (cf Project X): On drague, on fume des cigarettes, on envoie bouler la prof.
Et puis tout se finit par une fête foireuse à l’issue de laquelle sa copine peut se faire écraser par un abruti en costume. Tout est résumé ainsi. Cyclique. Donc autant être content d’en finir plus tôt finalement.
Plus mature que les autres, Donnie a déjà fait le tour. Qu’on ait profité de la vie – ou pas, on doit laisser la place aux autres. Donnie Darko n’est pas égoïste. Il n’est plus un petit garçon. Fini. Il ne réclame pas un nouveau tour de manège (cf Enter the Void). Au contraire, il s’éclipse sans faire de bruit mais non sans fracas.
Il constate aussi qu’à la fin, on se retrouve tout seul. Et cela lui fait forcément peur.
I don’t want to be alone.
Donnie ne veut pas ignorer ce sentiment de peur en utilisant la méthode Cunningham. Il cherche à affronter ses peurs, et toute la complexité de la vie. Ne pas se cacher et vivre comme un somnambule.
Réflexion faite, Donnie découvre que ce n’est peut être pas plus mal de mourir tout seul, comme un éléphant qui s’en va dans son cimetière, noble. Qui préférerait mourir noyé en hurlant à la mort, entouré de centaines de personnes (cf Titanic) ? Personne.
Donnie n’a plus peur. Comme le dit la chanson de Gary Jules, dans ce monde de fou les rêves dans lesquels on meurt sont encore les meilleurs. Il accepte donc les contraintes associées aux règles du jeu, avec élégance. L’accès à la sagesse. La liberté.
Ce rêve est une sorte de révélation pour Donnie, comme peut l’être l’annonce d’une maladie incurable pour certains malades. Ils sortent de leur routine, voient la vie sous un nouveau jour et finissent par en profiter un peu, même si ce n’est que pour trois mois (cf My Life) ou sept ans (cf Dallas Buyers Club).
Ils font en sorte qu’elle en vaille la peine, plutôt que de vivre une existence entière pour rien (cf Monsieur Schmidt)
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