VALHALLA RISING

VALHALLA RISING

Nicolas Winding Refn, 2009

LE COMMENTAIRE

On se plaint des réseaux sociaux que l’on compare souvent à un panier de crabes (cf The American Meme), juste parce que certains n’ont rien d’autre à faire que d’y déverser leur haine de manière anonyme. C’est oublier un peu vite que personne ne nous force à partager publiquement le manque d’intérêt de nos vies insignifiantes. Personne ne nous oblige à remuer désespérément comme nous le faisons. Nous pouvons parfaitement faire nos ablutions discrètement, à l’abri des regards, sans dire un mot et ne pas nous en porter plus mal.

LE PITCH

Un thrall voyage en terre inconnue, sans Frédéric Lopez.

LE RÉSUMÉ

1.La colère

Deux tribus organisent des combats de MMA dans un décor de montagnes écossaises somptueux. Les chefs prennent les paris. Un guerrier viking-esclave-borgne-tatoué (Mads Mikkelsen) met la misère à un autre.

I’ve heard about him. The greatest savage in Sutherland.

Un petit garçon (Maarten Stevenson) vient apporter un peu de soutien moral au vainqueur. Lors de ses ablutions, le guerrier trouve la pointe d’une flèche dont il se servira pour liquider ses tortionnaires. Il épargne l’enfant.

2.Le guerrier silencieux

Tous les deux entament leur marche dans les Highlands et rencontrent une tribu de Chrétiens qui ont dans l’idée de se rendre à Jerusalem pour reconquérir la terre sainte. Leur chef (Ewan Stewart) aurait bien besoin d’un tueur comme One Eye.

3.Les hommes de Dieu

Le guerrier et l’enfant embarquent donc avec les Chrétiens, direction Jerusalem. Sur le bateau, on parle oecuménisme, à défaut de pouvoir parler de foot.

You know what I do when I’m scared? I pray the Christ. He sacrificed his life so we can be free.

Perdus au milieu de l’océan, les marins implorent leur Dieu de leur redonner un peu de vent afin de les guider vers son Royaume. La mer reste calme et brumeuse. Les hommes sont épuisés et pensent qu’ils sont damnés à cause du petit garçon. Heureusement que One Eye est là pour le protéger.

4.La terre sainte

Les hommes finissent par trouver une terre beaucoup plus verte. Ils partent à l’aventure et découvrent des cadavres. Pas effrayés, ils sont bien décidés à conquérir ce nouveau monde au nom de leur Dieu.

I’m going to show them a man of God has arrived!

5.L’enfer

Attaqués par des locaux, les hommes disparaissent. Les survivants suspectent One Eye d’être le responsable. Les Chrétiens commencent à comprendre qu’ils ne sont pas à Jérusalem. Il doutent de leur Dieu avant de s’entre-tuer. One Eye et l’enfant partent dans la forêt. Le chef des Chrétiens ne se laisse pas impressionner.

We raised the cross, now we bring the sword!

Sa véhémence est aussitôt calmée par les flèches des autochtones.

6.Le sacrifice

Le petit garçon communique avec One Eye (cf Shining) par télépathie: tout le monde va mourir. Seul l’enfant pourra reprendre la mer. Telle est la prophétie silencieuse de One Eye qui conduit le petit garçon vers la rive. Lorsqu’il se retourne, une tribu de locaux les observent. One Eye lâche sa hache pour aller se faire lyncher par les sauvages. L’enfant est laissé seul face à l’océan. L’esprit de One Eye rejoint le Valhalla.

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L’EXPLICATION

Valhalla Rising c’est faire son devoir de père.

Dans l’un des poèmes de Michel Jonazs, un homme se targuait que son fils aime les champs et les vignes. Puis le fils finit par grandir et avoir des envies d’ailleurs. Il est alors temps pour son père de le laisser partir vers la ville en adressant une prière un peu nostalgique aux lignes téléphoniques qui deviendront leur unique trait d’union.

Des années avant qu’on découvre le smartphone, des années après qu’on découvre l’Amérique de Joe Dassin. À l’époque, la violence du monde n’avait pas encore de filtre.

In the beginning, there was only man and nature.

À l’origine, l’homme est primitif. Il rote, grogne, copule. Loup déjà solitaire (cf Mad Max), des années avant Wall Street. C’est une force de la nature qui n’est que cicatrices et tatouages. Il est en fait prisonnier de son patron qui l’oblige à se battre dans un jeu concurrentiel à la vie, à la mort. Aucune autre option que la survie. On n’est pas dans une chanson de Balavoine. Pas le choix.

Le petit garçon est déjà là. Il toque à sa porte. L’homme devient père, donc souvenir (cf Interstellar). S’il veut vivre quelque chose avec son fils, le père doit impérativement sortir de sa cage. Il doit gagner sa liberté pour l’offrir à son gosse. Grâce à son ingéniosité plus que par ses muscles. One Eye trouve sa clé en inspectant le fond de l’eau.

Une fois libre, le père peut emmener son rejeton voir le monde (cf La route). Tous les deux n’ont pas besoin de parler pour se comprendre. Ils se regardent et ça suffit.

Why does the boy speak for you?

Ils font rapidement la rencontre d’autres hommes avec lesquels il va falloir discuter. Le monde a beau être violent, on n’a pas toujours besoin de se battre comme des chiffonniers. Il faut se méfier des autres et de leurs idées reçues. En l’occurrence, ces bons Chrétiens ne font que mettre le feu aux villages païens, plantent des croix et asservissent les femmes.

Dans la vie, on ne choisit cependant pas toujours son équipe. Ces imbéciles vont permettre au père et au fils de voyager.

Le père a la mission de protéger son fils des menaces qui l’entourent. Et si possible d’en mettre la tête sur une pique, histoire de faire passer un message à tous ceux qui voudraient l’ennuyer.

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Sur la galère, quand les perspectives sont floues, le petit garçon devient une proie facile. Il est le premier fusible à sauter. Le paternel s’y oppose.

Une fois arrivé au bout du voyage, c’est l’enfer qui commence, le vrai. Dans ce no man’s land sans espoir, le père a le devoir de proposer un chemin à son fils qui sera libre de l’emprunter ou pas. Au moins, cette fois-ci, il a le choix.

Le père doit prendre ses responsabilités jusqu’au bout. Après tant d’efforts, il doit savoir s’effacer, ou ce que le philosophe bohémien néo-libéral Florent Pagny appelait « s’en aller« .  One Eye n’abandonne pas son fils. Il se sacrifie pour lui laisser la place.

What do you plan to do with your freedom?

I want to go home.

Where is that?

I don’t know.

Le fils a de l’espace rien que pour lui. Il va pouvoir commencer son propre voyage: se chercher et peut-être se trouver. En tout cas, il n’a pas peur. Le père a fait du bon boulot. Il peut s’en aller la conscience tranquille vers le paradis des papas.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

9 commentaires

  • Je vois le film différemment, mais là aussi ça n’engage que moi.
    Le guerrier, autiste et uniquement voué au combat, voit en vision le lieu de sa mort – don de divination habituellement reconnue chez les borgnes et aveugles.
    Il va tout faire pour ne pas rater ce rendez-vous : traverser les océans et rejoindre une terre inconnue.
    Lorsqu’il trouvera ce lieu et ses bourreaux, il aura accompli (et participé à) son destin.
    Sa quête aura entraîné tout les membres de l’équipage dans l’erreur ( l’un pensait trouver un père, les autres une aide) et à une mort certaine, mais peu lui importait…

    • Merci pour cette explication Burdir. Selon vous, il s’agit plutôt d’accomplir sa destinée.

  • Vous devriez éviter d’essayer de faire du l’humour aussi inopportun, mais votre analyse reste intéressante.

    • Merci Timow pour ce commentaire. Il s’agit d’un humour douteux. En hommage à Descartes.

  • Pour ma part (et cela n’engage que moi..), je vois le héros comme étant Odin (le borgne), en déchéance face au christianisme gagnant la scandinavie, il sent sa fin arrivée. Son dernier acte de gloire étant de partir pour l’Amérique pour être tué non pas par la main des chrétiens, mais par celle des hommes qu’ils estiment nobles, les amérindiens, grandes civilisations portant les valeurs de la nature, des esprits et du sacrifice aux dieux. Polysteistes comme lui..
    C’est pour moi la métaphore du progres qui englouti les anciennes croyances.

    • Merci beaucoup Allfather pour cette proposition. Les Chrétiens l’ont effectivement fait prisonnier. La croyance qu’il représente va mourir en Amérique avant qu’elle ne devienne le porte drapeau du Christianisme dans le monde, jusqu’à l’écrire sur ses billets de banque.

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