MADAME BOVARY
Claude Chabrol, 1991
LE COMMENTAIRE
La femme française est fatiguée de ces hommes qui lui font régulièrement la cour alors qu’elle n’a strictement rien demandé. Que c’est épuisant. Elle se fatigue également de devoir courir pour leur échapper sans cesse. Quel ennui. Les soupirs ne suffisent plus. Son collier lui pèse. Sa robe l’étouffe. Cette vie n’a pas d’issue.
LE PITCH
Une jeune femme fait des rêves de grandeur.
LE RÉSUMÉ
Petit médecin de campagne normand, Charles Bovary (Jean-François Balmer) rencontre Emma (Isabelle Huppert). Tous les deux se marient. La lune de miel consommée, la santé d’Emma semble se dégrader. Charles a l’idée de déménager à Yonville.
Il y est apprécié par la société locale, notamment le pharmacien Mr Homais (Jean Yanne). Emma retrouve des couleurs. Elle accouche d’une petite fille, Berthe. Mais cela ne suffit pas. Elle flirte avec Léon (Lucas Belvaux), un jeune clerc de notaire dont le romantisme la transporte. Les belles étoffes de M. Lheureux (Jean-Louis Maury) lui font tourner la tête.
Combien coûte-t-elle?
Une misère, une misère vraiment! Mais rien ne presse. Vous payerez quand vous voudrez. Nous ne sommes pas des Juifs. (cf La Vérité si Je Mens)
Léon part pour Paris. Lui succède M. Boulanger (Christophe Malavoy), un homme à la mauvaise réputation.
Madame Bovary, vous êtes bien jolie et bien fraîche. Oh je l’aurai…
Charles ne voit rien, trop occupé à opérer le jeune Hippolyte (Florent Gibassier) de son pied bot. L’opération est un ratage intégral.
Il y’a du liquide noir qui sort de la plaie maintenant il est gonflé jusqu’au genou!
Il faut amputer. Les conséquences pour Charles sont désastreuses. Emma se repentit. Charles se décompose. Alors elle s’abandonne à M. Lheureux auquel elle achète sans compter. Puis Emma supplie Boulanger de l’enlever. Elle veut s’enfuir, avec empressement. Boulanger lui fait alors faux bond, courageusement, par courrier interposé.
Je ne peux pas faire le malheur de votre existence. Croyez moi Emma oubliez moi. Pourquoi faut il que je vous aie connue ? Pourquoi étiez vous si belle ? Est-ce ma faute ? Le monde est cruel Emma.
Elle songe à se suicider. Alors Charles la gâte. Il l’emmène à l’opéra où elle retrouve son Léon qu’elle va voir régulièrement à Rouen sans jamais parvenir à trouver le bonheur. Elle se dispute avec la mère de Charles, bien consciente de la mascarade et venue faire la police.
Je rougirais de me dorloter comme vous faites!
Car il faut passer à la caisse. M. Lheureux réclame ses 8,000 francs.
Mais ma p’tite dame, est-ce que vous pensiez que j’allais être votre fournisseur et votre banquier pour l’amour de Dieu jusqu’à la consommation des siècles ?
Plaie d’argent n’est certes pas mortelle. Cependenat Emma n’a pas de quoi payer. Ses ‘amis’ se détournent d’elle au moment où elle réclame un peu d’aide. Sans solution, elle se suicide à l’arsenic.
L’EXPLICATION
Madame Bovary, c’est s’imaginer autre que l’on est.
Emma est une fille de ferme dont l’unique ambition est de partir. Vers où ? On ne sait pas vraiment. Sky is the limit. Elle a sa technique, empruntée aux sugar babies : se faire porter pâle pour mieux se faire soigner par un généreux mécène.
Quand j’étais au couvent parfois je faisais semblant de m’évanouir.
Pourquoi vous faisiez cela ?
Pour être dorlotée.
Elle va trouver son riche pigeon en la personne de Charles qui est sympathique, bien qu’il soit bête. Le bon con. Fait pour être cocu.
Je n’ai pas tout compris, mais ça me plait assez.
Emma goûte aux plaisirs de la haute société lors d’un bal où le Vicomte l’invite à valser (cf Une femme à sa fenêtre). Cette danse lui monte à la tête. Elle veut davantage. La ville, la romance, encore et encore. En vérité, elle ne sait pas ce qu’elle veut.
Qu’est-ce qui te ferait plaisir ?
Je sais pas. Ça m’est égal.
Elle déteste sa propre fille dont elle ne s’occupe pas. Sa haine de Berthe est un dégoût de sa propre image. Elle méprise également Charles pour mieux papillonner dès qu’elle en a l’occasion avec le jeune Léon ou un autre. C’est elle-même qui se jette dans les griffes du beau Rodolphe Boulanger qui ne fait que lui dire ce qu’elle rêve d’entendre.
Elle tombe dans son propre piège, celui d’une ambition dénuée de but. Se perdant dans son voyage sans destination. Une fuite de son village, de son mari, d’un pied bot mal opéré sans jamais parvenir à se libérer de sa frustration. Elle cherche à se réfugier dans les bras de Léon, puis de Rodolphe ou dans les robes de M. Lheureux.
Qu’est-ce qui lui apporte de la satisfaction ? L’argent ? La renommée ? L’amour ? Serait-elle heureuse qu’elle trouverait encore des motifs de se plaindre pour qu’on lui porte de l’attention.
Le piège se referme tout doucement sur elle. Sans échappatoire. L’ascension est aussi plaisante et courte que la descente aux enfers sera longue et pénible. Emma Bovary est le corbeau qui lâche son fromage au beau parleur. La cliente à la merci de la société de consommation et des banques qui lui ont gentiment proposé un crédit. Elle est la provinciale qui pense que c’est mieux à Paris.
Voilà les idées de Paris. On veut tout soigner, on veut faire le malin. Sans se soucier des conséquences. Nous ne sommes pas faits pour ça nous autres, nous ne sommes pas des savants, nous sommes des praticiens, nous n’imaginerions pas opérer quelqu’un qui se porte à merveille… redresser un pied bot !? Est-ce qu’on peut redresser les pieds bots ? Pourquoi pas redresser les bossus ? (cf Jean de Florette)
Elle confond ambition et détermination. Le malheur est une chance qu’on s’occupe mieux d’elle jusqu’au jour où tout le monde l’abandonne, sauf Charles son seul véritable ami – qui ne compte pas à ses yeux.
Elle est une femme qui rêve tellement de liberté qu’elle en fait des cauchemars. Affirmant que le bonheur ne se trouve pas, sans en être convaincue puisqu’elle le cherche toujours. Et toujours aux mauvais endroits.
Finalement devenue l’esclave des hommes dont elle espérait pouvoir se servir dans son irresistible ascension vers on ne sait où.
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