ENFERMÉS DEHORS
Albert Dupontel, 2006
LE COMMENTAIRE
Si les Monthy Pyton insistaient sur le fait de regarder la vie du bon côté, c’est précisément parce que la vie n’est pas facile. Elle ne fait de cadeaux à personne. À certains encore moins que d’autres. Une existence à se casser les dents, jusqu’à ne plus en avoir. Tirons un coup de chapeau aux fameux sans dents de François Hollande qui ont le mérite de garder le moral en dépit des circonstances.
LE PITCH
Un SDF se mue en policier et tente de rétablir la justice.
LE RÉSUMÉ
Il était une fois, quelque part…
Roland vit dans la rue. Shooté à la colle, il se prend un mur. Coup de foudre pour Marie (Claude Perron), une pin-up dont le visage est sur l’affiche. Puis il assiste au suicide d’un officier de police qui se jette dans le vide.
Pardon mais je n’en peux plus.
Roland s’empare de l’uniforme et en profite pour se taper un bon repas à la cantine de la Police nationale. Au commissariat, il aperçoit la fameuse Marie qui vient porter plainte contre les Duval. Cette ancienne star du porno (cf il n’y a pas de rapport sexuel) a vu ses beaux-parents lui kidnapper sa fille (cf Arizona Junior). Le juge ne semble pas être du côté de la mère.
Le crapaud veut venir en aide à sa princesse. Mais quand Marie parle des Duval, Roland croit que le responsable est Armand Duval (Nicolas Marié), un homme d’affaires crapuleux.
Rien à voir.
Peu importe.
En pleine négociation avec le Président Bartel (Gilles Gaston-Dreyfus) et son conseiller (Patrick Ligardes), Armand Duval est capturé puis torturé par Roland dans un commissariat improvisé à l’aide de ses amis SDF Youssouf (Bouli Lanners), Gina (Yolande Moreau) et l’indien (Philippe Duquesne).
Pendant ce temps, Jacques prend la place de son frère.
Dans l’intérêt des actionnaires, je pense qu’il est de mon devoir de reprendre le groupe!
Touchée par les efforts de Roland, Marie est en train de tomber amoureuse à son tour…
Armand parvient à s’échapper. Transformé par cette expérience, il va aider Roland à retrouver Coquelicot. Il laisse son frère reprendre l’entreprise mais négocie avec Bartel l’acquisition de Frech’O, une chaîne de traiteur en sa possession. Buffet à volonté pour les SDF!
Roland récupère héroïquement Coquelicot sur le toit d’un hôpital puis fait une chute vertigineuse dans la boutique de l’épicier (Yves Pignot). Les pompiers arrivent trop tard. Roland a disparu. Tout le monde le croit mort. Seul Armand l’aperçoit s’éloigner au loin avec Marie et Coquelicot.
L’EXPLICATION
Enfermés dehors, c’est prendre sa liberté.
Théoriquement, on est enfermé dedans (cf Midnight Express). Punis par la justice. On ose espérer que le confinement lié au covid19 aura permis à tous ceux qui considèrent la prison comme une planque de reviser leur copie. Si l’enfermement était si peinard, pourquoi les détenus chercheraient-ils à s’évader (cf Les évadés) ?
Tous ceux qui sont dehors, a priori, sont censés être libres. Même si on ne peut pas vraiment dire que les SDF profitent beaucoup de leur autonomie, contraints de dormir sous les ponts. Personne ne veut finir par chercher ses repas dans une poubelle, c’est évident. Alors on ignore des personnes comme Roland parce que c’est plus pratique.
En fait jamais personne s’était inquiété pour moi.
En plus, on ne va quand même pas se mettre à penser à toutes les personnes en difficulté, sinon on ne s’en sortirait pas (cf Biutiful). Y’a pas marqué l’armée du salut ici. Pourtant, les SDF sont au moins 200,000 en France.
Vous êtes pas tout seul?
Non. On est plein.
Quand cette armée se rebelle, elle fait mal. Car ces soldats n’ont rien à perdre.
Ça va chauffer. (…) Parce que mon chef il en a rien à foutre. T’imagine même pas à quel point. Il en a même rien à foutre d’en avoir rien à foutre. C’est pas un hasard si c’est le chef d’ailleurs.
Les nantis tremblent. Bien obligés d’ouvrir les yeux (cf Eyes wide shut) à l’image d’Armand Duval dont la réaction en plusieurs temps est symptomatique.
1) Il ne comprend pas.
Qu’est-ce que vous voulez ??
2) Il essaie de trouver des prétextes pour se défendre.
C’est jamais que du business!
3) Étouffé par sa propre culpabilité, il a le réflexe de déni de tous les bourgeois qui ne volent pas leur argent. Ceux qui travaillent dur à la différence de ceux qui ne traverse pas la rue pour trouver un boulot (cf Emmanuel Macron).
Excusez moi, mais c’est pas parce que je suis riche que vous êtes pauvres!
Il ne s’agit plus de la misère des autres, mais bien de notre propre misère. Armand ne peut plus l’ignorer. Il reconsidère ce système défaillant dont il fait partie.
Un système où l’individu ne compte plus (cf Monsieur Schmidt). La preuve, le frère d’Armand le remplace dès qu’il a le dos tourné.
Un système qui prive les mamans de leurs enfants parce qu’elles ont fait des vidéos condamnées par la morale.
Ce sont des oeuvres de jeunesses un peu maladroites…
Un système dans lequel tout le monde arnaque tout le monde. L’épicier a le culot de traiter Gina de voleuse alors qu’il vole ses propres clients par ailleurs.
Un système qui nous met l’eau à la bouche à coups de publicités mensongères vantant des expériences que la plupart d’entre nous ne peuvent pas se payer (cf 99 francs).
Vous savez que l’amour c’est un mot que les types comme moi ont inventé pour que les types comme vous leurs foutent la paix.
Un système qui enferme dans des schémas de consommation et des crédits. Car c’est parce qu’on ne peut pas se les payer qu’on s’endette. Se mettant ainsi les menottes soi-même.
Forcez les gens à s’endetter… pour cette baraque de merde ??
S’ils sont assez cons pour l’acheter ça les regarde!!
Un système violent qui broie sans que ça soit de sa faute (cf Cleveland vs Wall Street). Qui abrutit (cf Idiocracy) plus qu’il n’élève. Dans lequel les rôles sont figés.
Un système tellement à bout de souffle que même ceux qui n’ont pas à se plaindre râlent à longueur de journées, comme Jean-Pierre (Serge Riaboukine).
J’ai honte!
Tellement au bord de l’implosion que les policiers sautent des ponts ou des fenêtres (cf Polisse).
Armand comprend ce qui se passe.
Ça risque de dégénérer à un point que vous n’imaginez même pas…
Pas besoin d’être SDF pour être enfermé dehors.
La réalité vous effraie tant ?
Nous sommes tous enfermés dehors. Par contre, il ne s’agit pas d’une fatalité. Nous pouvons prendre exemple sur Roland qui prend des risques pour rendre Coquelicot à sa mère. Marie, détruite par l’industrie du X (cf hot girls wanted), capable d’aimer à nouveau. Armand réussit à faire du business différemment.
Et bien sûr Diego, libre dans sa tête.
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