L’AS DES AS
Gérard Oury, 1982
LE COMMENTAIRE
Les pilotes d’avion n’ont absolument rien d’exceptionnel. Comme les autres, ils ont des troubles obsessionnels compulsifs. Ces vaniteux aiment notamment afficher la comptabilité de leurs accomplissements. Romantiques devant l’éternel.
LE PITCH
Un homme remporte bien plus qu’une simple médaille d’or.
LE RÉSUMÉ
Pendant que les poilus pourrissent dans les tranchées, Jo Cavalier (Jean-Paul Belmondo) et Günther von Beckmann (Frank Hoffmann) s’affrontent dans les airs. Une belle amitié est en train de naître sur le champ de bataille.
Capitaine Cavalier, avec un K comme Kaput ?
Non, avec un C comme Connard!
Les deux hommes vont se recroiser. Von Beckmann est devenu général de la Luftwaffe tandis que Jo est devenu entraineur de l’équipe de France de boxe.
On est resté aussi cons qu’il y a 20 ans!
Les athlètes de Jo sont sélectionnés pour participer aux Jeux Olympiques de Berlin – ce qui n’est pas pour lui plaire.
En effet, Cavalier n’a aucune envie de défiler devant Hitler (Günter Meisner) et se fait d’ailleurs piéger par la journaliste Gabrielle Belcourt (Marie-France Pisier) à ce sujet. Ses propos font la une des journaux le lendemain.
Dans le genre faux cul, vous êtes imbattable.
Pas rancunier, Cavalier tente de séduire Belcourt. Cependant, il a un petit garçon dans les pattes. Simon Rosenblum (Rachid Ferrache) est un fan de Jo. Il a aussi le malheur d’être Juif dans une Allemagne Nazie jusqu’aux gencives.
On les a plus jamais revus.
Ils sont peut-être partis en voyage ?
Jo préfère abandonner son équipe pour venir en aide au petit et à sa famille, menacés par le commissaire de la Gestapo (Benno Sterzenbach). Après s’être trompés de route et avoir atterris à Berchtesgaden, dans le nid d’Aigle, Jo et les Rosenblum parviennent à fuir vers l’Autriche.
L’EXPLICATION
L’As des As, c’est de la graine de champion Français.
Des champions, il en existe de toutes sortes.
Les champions Américains se distinguent par leur confiance en eux inébranlable. Ils semblent habités, comme si la victoire était leur destinée (cf Rocky III). Dramatiques (cf Rocky IV). Protégés des Dieux.
Les champions Brésiliens se soucient beaucoup de la manière, en plus du résultat (cf Senna). Capables de nous bouleverser. Tout l’inverse des champions Allemands qui ne laissent rien au hasard. Ennuyeux. Terriblement ennuyeux.
Les champions Soviétiques sont des artistes s’exprimant sous la main de fer d’un régime tyrannique (cf Le Docteur Jivago). De véritables poètes de leur sport (cf Red Army), mais avec l’absence d’émotion qui caractérise les Slaves.
De l’autre côté de la Manche, les champions Britanniques affichent leur prétention sans faille. Rien ne semble les surprendre, pas même de battre un record du monde. Pendant que de l’autre côté des Alpes, les champions Italiens n’hésitent pas à user de tous les vices pour gagner. On crie, on se roule par terre… De vrais comédiens. Marco Materazzi.
Sans parler des champions avec un handicap (cf Comme des Phénix).
Et puis il y a le champion Français.
Au singulier, car il n’y en a qu’un. Qu’il s’appelle Jean-Paul ou Jean-Claude ou Jean-Philippe… Peu importe du moment que le prénom possède une particule avec Jean.
Un champion atypique. Unique en son genre.
Magnifique. Flamboyant. Qui chambre ses adversaires.
Impeccable non ? Et moi j’suis en pleine forme. Tandis que toi, regarde toi : t’as plus d’aile, t’as le bras cassé, t’es un mutilé mon pote! Depuis cinq minutes, t’es un ancien combattant.
Il sait aussi se faire respecter, avec ce vocabulaire qui n’appartient qu’à lui. Un peu mauvais garçon (cf Les Valseuses).
Tire-toi Lucien, sinon c’est pas une tomate que tu vas prendre dans la gueule…
Jo Cavalier a une gouaille. Le champion Français n’a pas sa langue dans sa poche.
J’ai jamais vu des cons pareils.
Sa franchise peut parfois lui jouer des tours. Piégé par la journaliste sans scrupule pour recueillir son scoop. Hélas le champion Français ne sait pas tricher. Il ne se dope pas. Pas dans sa nature. Il va à l’essentiel.
Il dit qu’Hitler est cyclothymique.
… Qu’Hitler est quoi ?
Cyclothymique dépressif.
Un quoi ??
Un taré!
On a l’impression qu’il enfonce parfois des portes ouvertes.
La liberté si jeune, c’est pas facile.
En vérité, Jo Cavalier est un homme avant tout très lucide sur le monde qui l’entoure. Il énonce des vérités.
C’est pas parce que 38 millions de mecs font une connerie que c’est pas une connerie.
Il est tellement dans le vrai qu’il en agace la concurrence.
Vous autres les Français vous donnez toujours la leçon!
Parce que les étrangers ne perçoivent pas le sens du dicton « impossible n’est pas Français ». Günther von Beckmann ne saisit pas le French Flair.
Français ou pas, tu es allé trop loin!
Günther von Beckmann est borné. Il n’a rien compris.
Le champion Français est déjà ailleurs, là où on ne l’attend pas. il aime autre chose. Pour lui, la victoire n’a pas d’intérêt en soi. À quoi bon collectionner les trophées ? On ne vit qu’une fois!
C’est ce qui le rend encore plus beau, car il gagne rarement (cf Les Yeux dans les Bleus, les Bleus 2018). Il s’en moque. En fait, il est même encore plus beau quand il ne gagne pas, à l’image de Jo Cavalier qui s’intéresse à une noble cause plutôt qu’à une breloque. Préférant délaisser ses athlètes pour venir en aide à un enfant pour le sauver des griffes de l’ennemi.
Ce qui explique que le champion Français plaise tellement aux femmes.
Ce que vous faites, c’est courageux…
C’est précisément parce que le champion Français ne cherche pas à gagner coûte que coûte qu’il ne redoute pas de perdre. Alors il n’a peur de rien. Il est au delà de ce genre de règles. Pierre de Coubertin. L’important c’est de participer. C’est à dire exister. Prendre part au spectacle.
Jo enfile un débardeur blanc et il se retrouve à passer le flambeau Olympique en se faisant passer pour un Aryen, bluffant les agents de la Gestapo qui étaient à ses trousses. Toujours un coup d’avance.
Il se trompe puisqu’il n’est pas parfait. Se retrouve dans les ennuis au Berghof, comme s’il avait une passion pour les ennuis pour mieux trouver un moyen de s’en tirer par une pirouette.
Le champion Français est l’as des as. La crème de la crème.
Vu comme ca, le champion français est en effet franchement agaçant. Il cumule trop de qualités. Et ses défauts font tout son charme. C’est rageant! Heureusement que quelques cyclistes français ont eu recours au dopage bien salement. Preuve que le champion français n’est pas parfait.
Moi j’ai vu dans ce film la désinvolture comme arme contre la terreur. Les dictatures maitrisent l’art de se prendre au sérieux. Les didacteurs n’ont aucun humour. Au contraire, notre héros traverse la guerre avec légèreté et impertinence, virevoltant au dessus du champ de bataille, debout sur son avion. Il échappe à toute emprise. Il est libre dans un monde opprimé. Les nazis n’ont pas les armes. C’est la plume contre le glaive.
Merci Delphine, effectivement on peut envisager la désinvolture comme une manière de dépasser la peur. The French way. Jo est cavalier au sens où il se moque de la Gestapo, de la mesquinerie des journalistes. Il se moque d’Hitler. « Soyons désinvoltes », comme disait un chanteur Français désormais maudit…