LOOKING FOR ERIC

LOOKING FOR ERIC

Ken Loach, 2009

LE COMMENTAIRE

Pour certains, Dieu se prie chaque dimanche à l’Église. On y mange son corps et on boit son sang, ce qui fait techniquement des Chrétiens des cannibales (cf Cannibal holocaust), voire des nécrophages. Pour les Musulmans, Dieu se prie de préférence sur un tapis en direction de la Kaaba. Chez les ultras, Dieu se prie tout simplement sous un poster.

LE PITCH

Un facteur remonte la pente grâce à une star du foot.

LE RÉSUMÉ

À Manchester, la vie n’est pas drôle tous les jours. Entre ses deux adolescents, dont l’un fréquente le milieu du crime local, et son emploi aux PTT anglaises, Eric Bishop (Steve Evets) a parfois envie de débrancher la prise pour de bon (cf Matrix).

Une soir de cannabis avec ses amis, le fan de United se met à halluciner. Il voit soudainement apparaître son idole : Eric Cantona! Eric the King.

I am not a man… I am Cantona!

Les conseils de l’orgueilleux footballeur commencent à porter leurs fruits : Bishop arrête de se plaindre sur sa condition. Il se rapproche de sa première femme Lily (Stephanie Bishop) qu’il avait lâchement abandonnée après la naissance de leur fille. La relation s’apaise.

Son courage retrouvé, Bishop veut rendre le revolver que son fils Ryan (Gerard Kearns) cache dans sa chambre. Sous la menace d’un Rottweiler enragé (cf Dogman), Eric se retrouve humilié par le gang. Pire, sa famille est l’objet d’une descente de police.

Bishop, sous l’influence de crazy Eric, va chercher à sauver la face en donnant une leçon au chef du gang. Avec l’aide de ses amis et de quelques fans masqués à l’effigie du king, Bishop organise l’Operation Cantona. Ils humilient l’ennemi en le menaçant de poster la video sur les réseaux sociaux.

Eric n’oublie cependant pas l’un des enseignements du Français :

The noblest revenge is to forgive.

Le triomphe modeste, Bishop retrouve discrètement Lily lors de la cérémonie de diplôme de sa fille.

L’EXPLICATION

Looking for Eric, c’est l’opium du peuple.

Sous le joug de patrons sans éthique (cf Merci Patron!), victimes des exigences de la société de consommation (cf Sorry we missed you) et manquant de quoi se payer ce que la publicité fait miroiter au quotidien (cf Enfermés dehors), les gens du peuple triment sans broncher (cf Les raisins de la colère). La solidarité est souvent ce qui reste à ceux qu’on appelle les petites gens qui se sentent bien seuls face à leur misère (cf Bienvenue chez les ch’tis).

On se retrouve au pub pour noyer son amertume dans le houblon et jusqu’à peu, sur les bancs de l’Eglise pour trouver le courage d’affronter une nouvelle semaine. L’opium du peuple comme disait Marx, qui en connaissait quelque chose de la classe ouvrière lui qui était fils d’avocat (cf L’avocat de la terreur).

Le peuple se retrouve gentiment bercé par les sermons du prêtre qui prétendent notamment que les derniers seront les premiers au Royaume des Cieux – bien pratique quand on est pauvre. Assommés par le quotidien et anesthésiés par la religion. Une vie entière à attendre la mort, non pas dans l’angoisse mais plutôt comme un soulagement.

Malheureusement, l’institution a lâché ses fidèles à de trop nombreuses reprises (cf Amen, Spotlight) pour les laisser définitivement sur le bord de la route. La religion est une drogue qui ne fait plus d’effet (cf Panique à Needle Park). Que faire quand Jésus ne suffit plus?

On peut toujours se reposer sur ses copains (cf L’Homme sans Passé)… et sur le foot!

God once said: « Leave your wi… you can change your wife, change your politics, change your religion. But never, never can you change your favorite football team! »

Il est de bon ton de se moquer de ces incultes qui se retrouvent sur une base hebdomadaire pour chanter à la gloire de leur club. C’est pourtant bien au stade que ces gens trouvent un peu de réconfort. Particulièrement quand l’équipe fanion gagne, portée par un joueur star comme Eric Cantona – sorte de nouveau gourou dont les exploits inspirent jusqu’aux facteurs comme Eric Bishop.

Il est nécessaire de comprendre ce phénomène afin de réaliser qu’il dépasse le simple domaine du sportif. La personnalité de Cantona s’exporte en dehors du terrain. Le joueur fait des sorties philosophiques pendant les conférences de presse que même les journalistes spécialisés n’arrivent pas à comprendre : Lorsque les mouettes suivent le chalutier, c’est parce qu’elles pensent que les sardines vont être jetées à la mer. Évangile selon Saint Eric. Les voies du Seigneur sont impénétrables.

I’m up to here with your philosophy. I’m still getting over the fucking seagulls!

Au creux de la vague, Bishop a plus que jamais besoin d’un nouveau genre de mentor. Grâce à Cantona, il va faire plus que s’accrocher, il va reprendre du poil de la bête. Pas l’opium du peuple, l’amphétamine.

Grâce à un entrainement physique adapté et quelques conseils de son nouveau coach personnel, Eric reprend confiance en lui. Il retrouve un certain contrôle de balle alors que la vie l’avait submergé. Animé par une haine farouche de la défaite face à l’adversaire. Soucieux de protéger son amour-propre. De nouveau déterminé.

Porté par l’envie de victoire et surtout de plaire à sa princesse, Eric Bishop se prouve qu’il est capable de se dépasser à plusieurs reprises. Sans oublier la sagesse de l’artiste. Cantona, en son temps, a également dépassé les limites en agressant un supporter dans les tribunes, ce qui lui confère une certaine humanité (cf Coup de tête).

Bishop se sent compris et épaulé par Cantona, plus qu’il ne se sent jugé. Peu importe où il ira, Eric ne le lâchera pas. Il est en lui. C’est bien ce genre d’attachement qui existe entre les supporter et les joueurs (cf Misery). Une magie qu’on ne comprend plus aujourd’hui car l’institution footballistique est en train de couler, torpillée par l’argent.

Le sport le plus populaire au monde est en effet devenu une machine à fric. Une vaste escroquerie. Au stade, on trouve aujourd’hui des hommes politiques et des célébrités ou des hipsters. Exit Eric Bishop qui n’a de toute façon plus les moyens de se payer son abonnement annuel, ni pour suivre le rythme effréné du merchandising de son club préféré.

Ainsi soit-il.

Il appartiendra au peuple de se remettre à boire.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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