LA GRANDE BELLEZZA
Paolo Sorrentino, 2013
LE COMMENTAIRE
Il arrive un moment dans la vie d’un homme où il atteint l’âge de raison (cf Youth). Une longue quête personnelle lui a permis de s’affranchir des désirs (cf Knight of Cups). Il n’est plus l’esclave des passions, ce qui lui permet de savourer chaque instant. L’homme devient sagesse. Sa tête est froide, elle ne tourne plus. Pendant que les gogos gesticulent dans son dos, sa classe est impeccable. Il domine les débats.
LE PITCH
À l’aube de sa vie, un auteur italien refait l’histoire.
LE RÉSUMÉ
Jep Gambardella (Toni Servillo) est un écrivain Italien reconverti dans le journalisme et la critique d’art parce qu’il n’écrit plus depuis quarante ans. À la place, il arpente les soirées mondaines. Il est même devenu le roi des mondains.
I didn’t just want to live the high life, I wanted to be the king of the high life, I didn’t just want to attend parties, I wanted the power to make them fail.
En plein milieu d’une soirée orgiaque dont Rome a le secret, Jep arrive à une conclusion: le temps est tout ce qui lui reste.
The most important thing I discovered a few days after turning 65 is that I can’t waste any more time doing things I don’t want to do.
Il se lasse des performances théâtrales expérimentales et des interviews débiles qui s’en suivent.
Talia Concept is talking about things that are meaningless to me. You can’t charm me with things like: I’m an artist and I don’t need to explain.
Il n’hésite pas non plus à dire ses quatre vérités au cercle d’intellectuels qu’il fréquente. Préfèrant marcher le long du Tibre avec mélancolie, se promener dans Rome la nuit où il croise des papillons comme Fanny Ardant.
Il a une aventure avec une fan de la première heure et donc plus de la première jeunesse. Jep parle quand même un peu au passé. Il est à l’arrêt.
L’annonce de la mort de son premier et unique amour Elisa de Santis va raviver ses flash-backs et lui donner envie d’écrire à nouveau.
Jep reprend goût à la ville. Rome est tellement belle que même les touristes Chinois y succombent. Jep se refait la Rome décadente avec ses bourgeois accrocs au botox. Il se refait aussi la Rome des jardins en compagnie de la fille d’un amie, la sulfureuse Ramona (Sabrina Ferilli).
Alors que son cercle d’amis se disloque, que Romano (Carlo Verdone) lui-même quitte Rome, Jep est initié aux arts culinaires par le Cardinal Bellucci (Roberto Herlitzka).
Et pourtant au fur et à mesure de ces rencontres, Jep fait face au vide toujours plus grand de sa vie. Dans ce moment de désespoir, il a une nouvelle vision d’Elisa lui dévoilant sa poitrine.
Il est prêt à accoucher de son prochain roman.
Let this novel begin. After all, it’s just a trick. Yes, it’s just a trick.
L’EXPLICATION
La Grande Bellezza, c’est l’éloge de la vieillesse.
Jep semble être comme un poisson dans l’eau de la jet-set romaine. Et pourtant il commence à se sentir vieux et un peu isolé au milieu de la foule. Être vieux n’est pas un drame, surtout en Italie où l’on sait encore apprécier les vertus de l’âge. Ainsi les grands footballeurs y exercent jusqu’à quarante ans et sont considérés comme des Rois.
Être vieux n’est pas si mal parce que cela offre suffisamment de perspectives pour entrevoir la beauté du monde, quand la jeunesse est trop occupée à assouvir sa propre ambition.
La jeunesse se fout pas mal du monde. Elle n’a déjà plus le temps. Tellement dans l’instant qu’elle finit par souffrir de l’éphémère, bloquée sur son portable et incapable de penser au delà de 140 caractères. Devenue le produit de la fast fashion et qui ne dure guère que quelques heures avant de devenir #old – pas dans le bon sens du terme.
Jep, lui, a le luxe d’avoir le temps que lui a offert le succès de son unique roman L’apparato umano. Il n’a pas besoin de faire le chauffeur Uber. Tant mieux pour lui. Ce temps, il va le consacrer à se reposer la question du qui ?
To this question, as kids, my friends always gave the same answer: « Pussy ». Whereas I answered « The smell of old people’s houses ». The question was « What do you really like the most in life? » I was destined for sensibility, I was destined to become a writer.
C’est une petite fille qui va le mettre sur la voie de la vérité.
Who are you?
Me, I am…
You’re nobody!
Le qui n’est pas important. Un écrivain, un dandy, un romantique, un cynique, un misogyne ou un misanthrope ? Peu importe! Jep n’est personne. Et la vie, sa vie, n’a pas de sens. Donc à quoi cela sert de se prendre au sérieux ?
Unfortunately in this country, in order to be taken seriously you have to take yourself seriously.
À son amie Stefania (Galatea Ranzi) qui se lamente d’avoir fait le tour de sa question, il préfère lui rappeler une vérité Desprogienne : Rions un peu en attendant la mort.
We’re all on the brink of despair, all we can do is look each other in the face, keep each other company, joke a little… Don’t you agree?
La possibilité que la vie soit vide est angoissante.
Jep croit profiter mais il ne fait guère qu’enchaîner les fêtes comme autant de fuites (cf Demain tout commence). Qui ne le conduisent nulle part. Si la vie ne fait pas de sens, en dehors de sa rencontre amoureuse avec Elisa, elle n’en est pas moins belle – pour peu qu’on prenne le temps de l’apprécier.
Jep accepte le vide. Il sait reconnaître quand l’art est ridicule, sans amertume. Les détails qu’ils ne remarquaient pas avant se révèlent soudainement à lui.
La vie se conjugue désormais au présent. Jep prend du plaisir à se laisser dériver.
This is how it always ends. With death. But first there was life. Hidden beneath the blah, blah, blah. It’s all settled beneath the chitter chatter and the noise. Silence and sentiment. Emotion and fear. The haggard, inconstant flashes of beauty. And then the wretched squalor and miserable humanity. All buried under the cover of the embarrassment of being in the world, blah, blah, blah… Beyond there is what lies beyond. I don’t deal with what lies beyond.
Un peu de bla bla pour passer le temps avec un peu d’élégance et sans prétention, comme Claude Barzotti dans un playback approximatif.
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