JUNK HEAD
Takahide Hori, 2022
LE COMMENTAIRE
La pensée progressiste nous donne l’impression qu’il faut toujours aller vers l’avant. Un sens unique courageux pour faire face aux défis de demain. À y regarder de plus près, on pourrait se rendre compte qu’il s’agit plutôt d’une fuite en avant. Quel danger peut donc nous courir après ainsi ?
LE PITCH
Petite descente au sous-sol pour comprendre l’origine des choses.
LE RÉSUMÉ
L’humanité a fini par percer le secret de la vie éternelle.
Youpi ? Pas tout à fait.
L’espèce a perdu sa fertilité et reste exposée à des virus qui décime jusqu’à plusieurs centaines de millions de personnes (cf Contagion, Alerte!). Le risque d’extinction est sérieux.
Les Marigans, créatures hybrides mises au service de l’humanité, sont rentrées en rébellion (cf Spartacus, Mondwest).
Un cyborg est envoyé en mission au centre de la terre, afin d’en apprendre davantage sur la reproduction. Sa capsule est abattue mais il est secouru par trois chasseurs qui l’emmènent voir un docteur. Un peu de chirurgie et un corps de synthèse permette au cyborg de retrouver ses esprits.
Tu vas sans doute mettre du temps à comprendre ce qui s’est passé.
Incapable de communiquer avec ses hôtes, le cyborg se perd dans le dédale de couloirs souterrains, risquant de se faire avaler par des vers géants ou découper par des prédateurs.
Il aperçoit une forme animale dotée d’une queue. Un petit prélèvement et il ne lui suffirait plus qu’à remonter à la surface avec sa trouvaille. Malheureusement, il tombe de plusieurs niveaux en échappant à une forme d’araignée géante.
Recueilli par une communauté, il est réparé à nouveau avec quelques morceaux de ferraille. Baptisé l’épave, il devient corvéable à souhait (cf Dogville).
Il peut faire le sale boulot pour nous. N’hésitez pas à lui donner des ordres.
On l’envoye en mission pour récupérer des champignomes qu’une autre créature cherchera à lui voler avant de se faire croquer la tête par une bête accrochée au plafond.
De retour au sein de la communauté, le cyborg est reconnu par les trois chasseurs en charge de l’escorter et qui le considèrent comme un Dieu.
Malheureusement, un nouveau péril guette la communauté. Grâce à l’intervention des chasseurs, le monstre est terrassé. Le cyborg est également reconnaissant envers un petit chaperon rouge qui lui est venu en aide.
J’ai oublié comment c’est la-haut, mais ici je me sens vraiment vivant.
L’aventure est encore longue…
L’EXPLICATION
Junk Head, c’est apprendre à se débrouiller dans les bas fonds.
L’humanité avance, comme le désert de France Gall. On n’arrête pas le progrès. Elle ne sait pas vraiment vers quoi, mais elle avance vers mieux. Peu importe la destination de toute façon. Ne dit-on pas que c’est le voyage qui compte ? (cf The Lost City of Z, Inherent Vice, Compartiment n°6, À bord du Darjeeling Limited)
Tant mieux, car le voyage n’est pas encore terminé et que l’humanité souvent trop tendance à se croire arrivée. Elle n’a pas son pareil pour s’auto-congratuler. On a célébré en grandes pompes la naissance de l’intelligence artificielle (cf Matrix, i, robot). Puis on a commencé à donner des cours de tango dans le metaverse (cf Ready Player One). Enfin, on a cru atteindre le sommet avec la découverte de l’immortalité, jusqu’à se prendre pour des Dieux vivants (cf Alien : Covenant).
En tout cas, c’est ainsi que l’humanité est perçue en bas, par les Marigans. Comme des être prétentieux, enivrés d’hybris.
Cette tête n’est qu’un receptacle pour leur ego.
L’immortalité ne nous a pourtant pas protégés des virus. Personne n’aurait pu penser que nous perdrions notre fertilité légendaire, comme si nous nous étions lassés de nous-mêmes au point de ne plus vouloir nous reproduire.
À l’image de toute l’humanité, le cyborg tombe de de très haut, ou repart de très loin. Sous-terre (cf Underground).
Il va devoir y faire l’expérience de l’humilité car même si on le considère comme une divinité, il n’a pas droit à un traitement de faveur. Il n’est personne. On lui prête le surnom d’épave, à l’abandon. Les enfants se moquent de lui. Il obéit aux ordres comme un bon soldat. Équipé d’un corps de fortune, il a perdu sa puissance. Par ailleurs, il n’est pas en capacité de communiquer avec son environnement. Ce qui le conduit nécessairement à se reposer la question de son identité.
Qui suis je?
Loin de la lumière, il ne peut plus être aveuglé par son orgueil. Condamné à errer dans des couloirs interminables où plus rien n’a de sens (cf Insomnia), pour retrouver son chemin. Il monte ou descend les étages, gardant en tête sa mission, mais sans plus savoir à quoi tout cela peut encore bien servir (cf L’Armée des douze Singes). Complètement perdu au milieu de la sauvagerie et exposé aux menteurs qui l’envoient sur des fausses pistes. Constamment sur ses gardes.
En hauts lieux, on passe son temps dans le monde des idées à contempler la notion d’éternité. À l’inverse, dans les mondes engloutis, on est conscient que tout peut s’arrêter sur une faute d’inattention.
Si le feu venait à s’éteindre, je ne sais pas trop ce qui se passerait.
On passe son temps à remettre du bois dans le feu. Gesticuler dans le simple but de faire tourner la machine.
Pas d’autre projet que la survie. Ce qui n’empêche pas les Marigans de se montrer philosophes. Ils réfléchissent à leur condition grâce à la mort.
Ne t’en fais pas, on doit tous mourir un jour.
Ils se posent même la question de la suite. Lorsque deux chasseurs sont écrasés par une dalle, les autres s’interrogent.
Tu crois qu’ils sont allés au paradis?
Le cyborg n’a pas de réponse. Au milieu des esclaves, il ne peut qu’observer. Oubliant toutes les querelles politiques et autres luttes de pouvoir (cf L’exercice de l’état). Rien d’autre à faire que ramer dans cette interminable galère.
Lorsqu’on est tout en bas, on est vraiment en droit de se demander pourquoi avoir envie d’en finir avec le point au bout de la phrase.