SIN NOMBRE

SIN NOMBRE

Cary Fukunaga, 2009

LE COMMENTAIRE

Les habitudes de voyage diffèrent selon les genres. On note que les femmes ont tendance à rester sereines en toutes circonstances. Elles regardent vers l’avant, confiantes dans le rail. Tandis que les hommes sont à la perpendiculaire, dans le doute. Ils se posent des questions sur la direction. Car quoi qu’on en disent, la destination compte quand même.

LE PITCH

Un renégat aide une clandestine à passer la frontière.

LE RÉSUMÉ

El Casper (Edgar Flores) fait partie du gang des Mara Salvatrucha et vit au sud du pays, à la frontière avec le Guatemala. Il introduit un nouveau membre El Smiley (Kristyan Ferrer). Le petit se fait tabasser par tout le monde pendant treize seconde, comme le veut la coutume.

Pour mériter ton tatouage, il faut que tu commences par buter un ennemi. Ensuite tu te trouveras une meuf.

Chaque chose en son temps. El Smiley complète son intronisation en tuant un ennemi d’une balle dans la cabeza – avant que les morceaux de la victime ne soient donnés à manger aux chiens. Le nouveau est un peu dégoûté mais Lil Mago (Tenoch Huerta Mejía), le chef de l’antenne de Tapachula, se veut rassurant.

C’est comme ça la première fois, t’en fais pas. Ça va passer.

En l’occurrence, le chef est quelque peu tendu car il sent que El Casper lui fait des cachoteries. El Sol (Luis Fernando Peñane) ne l’a pas vu de la journée. Ce qui est louche. El Casper affirme le contraire. Encore plus bizarre.

En réalité, il était fourré chez sa copine Marta (Diana García).

Pour son mensonge, le coquin se prend treize secondes de passage à tabac lui aussi.

Lil Mago veut aggraver la punition en violant Marta. Elle se débat. Il la frappe. Elle meurt la tête fracassée sur une pierre.

Le diable l’a emportée.

El Casper a le cœur brisé. Lorsque Lil Mago lui ordonne de monter à bord d’un train pour détrousser des clandestins venus du Honduras, El Casper s’exécute mais le cœur n’y est pas. Rien d’étonnant puisque son cœur a été brisé par ailleurs.

Lil Mago s’acharne sur la jeune Sayra (Paulina Gaitán), partie pour le New Jersey avec son père et son oncle. El Casper ne peut supporter une autre infamie et lui tranche la gorge.

Le petit El Smiley a tout vu et rentre à la maison pour témoigner. Le gang programme la mort de El Casper. Le décompte a commencé.

Je vis au jour le jour. Le plus dur est de ne pas savoir ni où, ni quand.

Le voyage se poursuit. El Casper se lie d’affection avec Sayra qui est persuadé qu’il va lui porter chance – conformément à la prédiction de sa grand-mère :

Tu iras jusqu’aux États-Unis, mais pas grâce à la main de dieu. Grâce à celle du diable.

Aux abords de la frontière américaine, El Casper réussit à trouver un passeur pour que Sayra passe la rivière. Il est retrouvé in extremis par le gang. C’est El Smiley qui lui règle son compte (cf La Cité de Dieu).

Le petit a gagné le droit d’avoir un tatouage sur l’intérieur de la lèvre. Tandis que Sayra est passée de l’autre côté. Sur le parking d’un centre commercial, elle trouve une cabine téléphonique pour appeler sa famille en Amérique.

L’EXPLICATION

Sin Nombre, c’est ne pas avoir le même destin.

À la fin du XXe siècle, le regretté philosophe réunionnais Ray David Grammont parlait du rapport individuel que chacun entretient avec son destin. Nous avons tous une route qui nous est propre. À chacun sa galère.

Dis toi, que c’est l’aventure frangin.

Le point de départ est en réalité souvent partagé : personne n’est vraiment heureux là où il est, à l’image de Marta qui partage sa frustration avec El Casper.

Je m’emmerde ici. Emmène moi quelque part.

Du côté du Honduras, Sayra connait le même feuilleton. Tout le monde lui répète qu’elle n’a rien à faire ici.

T’as pas d’avenir ici.

Une insatisfaction globale sur notre condition qui nous place toutes et tous, d’une certaine manière, dans la position du vagabond en transit. Ce qui est assez amusant lorsque l’on considère qu’on se fait régulièrement insulter sur le chemin.

Sales immigrants! Fichez le camp! On vous veut pas ici!

Mais qui sont donc ces pseudo-sédentaires pour nous traiter de la sorte ?

Que cela nous plaise ou non, nous faisons partie d’une grande famille de gitans qui s’ignore, mais qui a des ramifications un peu partout. Sayra a de la famille dans le New Jersey. Les membres des Maras ont des cousins partout au Mexique.

Ta nouvelle famille compte des milliers de frères. Où que tu ailles, quelqu’un s’occupera toujours de toi.

On n’est donc pas seul. C’est d’ailleurs la règle : on ne casse pas le groupe, sous aucun prétexte (cf Scream).

Personne doit nous séparer, sinon on est foutu.

Alors que ce n’est qu’une illusion puisque nous seul·es dans ce voyage – contrairement aux apparences (cf Compartiment n6 ). On se croise à un moment, on s’accompagne sur quelques kilomètres. Puis les rails bifurquent. L’un part à droite, l’autre part part à gauche.

Faut savoir se démerder.

Il s’agit d’un voyage avec pas mal de rebondissements. Si c’est dur, mieux vaut ne pas les connaître à l’avance d’ailleurs. El Casper se serait-il satisfait de sa vie s’il avait su que sa copine allait finir morte la tête sur un caillou et que lui allait finir sa course tué de deux balles dans le corps par ce petit salaud de El Smiley (cf L’assassinat de Jesse James)? Pas sûr.

Tu sais pas dans quoi tu t’embarques.

On ne sait pas dans quoi on s’embarque et à la rigueur tant mieux. Être mis·es sur le fait accompli nous épargne bien des mauvaises surprises.

El Casper, El Smiley, Lil Mago et Sayra sont tous montés à bord du même train et ont connu des fortunes bien différentes. Deux balles, une gorge tranchée, un tatouage et un parking de supermarché.

Est-ce que parce qu’une plus haute autorité l’a décidé ainsi pour nous ? Ce qui implique une richesse de scénarios considérable du côté de la création. Ou est-ce que parce que nous avons décidé par nous-mêmes à un moment, comme le prétendent les existentialistes ?

En tout cas, on n’a pas le même destin. À la rigueur, tant mieux. Car rien de pire que de perdre son identité pour rejoindre un gang où l’on se trahit dans tous les sens. On est tous des frères, ce qui ne nous empêche pas de violer la copine du copain ou bien de lui tirer dessus (cf Judas and the Black Messiah). Non merci.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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