LA BATAILLE DE SOLFÉRINO
Justine Triet, 2013
LE COMMENTAIRE
La vie est à l’image de la météo. Le temps change. Il faut savoir profiter des périodes d’accalmie car elles ne durent pas. Elles sont régulièrement interrompues par de violents orages. C’est précisément dans ces moments mouvementés qu’il faut garder son calme.
LE PITCH
Scène de ménage sur fond d’élections présidentielles.
LE RÉSUMÉ
le deuxième tour de l’élection opposant François Hollande au président sortant Nicolas Sarkozy. Laetitia (Lætitia Dosch) doit couvrir l’événement pour une chaîne d’info en continu. Elle doit se rendre au QG du PS. Il se trouve que le candidat socialiste a de bonnes chances de l’emporter (cf Invasion Los Angeles). C’est donc un moment important pour sa carrière de journaliste.
Mais pour le moment, elle doit gérer la crise à la maison. Ses deux filles Jeane (Jeane Arra-Bellanger) et Liv (Liv Harari) hurlent à la mort. Virgil (Virgil Vernier), le compagnon de Laetitia, fait de son mieux mais n’arrive pas à les calmer. C’est Marc (Marc-Antoine Vaugeois) qui va jouer les baby-sitters.
Laetitia se dépêche. Elle lui donne les dernières consignes.
Tu sors pas et t’ouvre à personne. T’as tout compris, tout va bien là?
Car Vincent (Vincent Macaigne), l’ex de Laetitia, risque de se pointer d’un moment à un autre. Il veut voir ses filles. Le juge a donné son autorisation. En réalité, Vincent est déjà en bas. Laetitia ne veut rien entendre. Elle ne le supporte plus.
C’est très très tordu ce que tu es en train de faire…
Elle file en taxi moto en direction de rue de Solférino.
Vincent met la pression sur Marc qui finit par le laisser entrer. Dans ce cas, Vatsana (Vatsana Sedone) le voisin est autorisé à intervenir pour expulser Vincent.
Laetitia demande à Marc de le rejoindre rue de Solférino avec les filles. Vincent n’en revient pas. Il va voir son ami Arthur (Arthur Harari) pour qu’il l’aide. Sur place, Marc est noyé dans la foule avec les filles. Vincent le retrouve et pique une vraie crise de nerfs.
C’est très très grave c’que t’a fait!!
Il insiste pour parler à Laetitia qui l’ignore. Elle doit prendre l’antenne toutes les vingt minutes pour dire que l’ambiance est dingue.
Il ne reste plus que quelques heures avant la proclamation des résultats.
Il est 20 heures. François Hollande vient de gagner les élections. L’ambiance rue de Solférino a des faux airs de soir de finale de Coupe du Monde de football.
Sarkozy! C’est fini!
Vincent se montre agressif envers un militant. Il est arrêté par la police, puis remis en liberté un peu plus tard dans la soirée. Des échauffourées éclatent place de la République.
Une soirée qui se termine sur un goût amer…
Laetitia rentre à la maison physiquement et moralement épuisée, pendant que des gens dansent autour d’elle.
Le changement! C’est maintenant!
Vincent demande à Arthur de l’accompagner chez Laetitia pour qu’il puisse voir les filles – bien qu’il soit deux heures du matin. À l’appartement, le couple est incapable de se parler sans s’insulter.
J’vais pas t’laisser voler mes enfants!
T’es vraiment conne! J’suis leur père!!
(…) J’ai pas de leçon à recevoir d’un artiste de merde! Moi j’fais des choses utiles pour le pays. Alors tu me critiques pas!
Les filles se réveillent. Virgil rentre sur ces entre-faits. Le moment est étrange. Laetitia sort le chien d’Arthur et en profite pour vomir un peu. Pendant ce temps, les deux hommes font connaissance.
J’ai jamais essayé de prendre ta place.
Je sais, et c’est pour ça que j’t’aime bien.
Finalement, Vincent et Arthur s’en vont. Laetitia essaie de se relaxer avec Virgil.
L’EXPLICATION
La bataille de Solférino, c’était l’espoir d’un apaisement.
Les élections donnent la possibilité de l’alternance. Si la politique était une danse, alors les élections constitueraient un moment important permettant à chacun·e de passer du pied droit au pied gauche – ou inversement. Sachant que dans un environnement politique bi-partite, on ne peut passer que d’un camp à un autre.
Une présidence se résumant à un seul mandat peut générer un climat d’instabilité politique relative puisque l’on change de cheval d’un quinquennat à l’autre. Le pays est coupé en deux : une faible majorité se réjouit pour les cinq prochaines années pendant qu’une faible minorité ronge son frein sur la période. On vit donc dans une moitié de frustration. C’est à dire, un état de crise quasi-permanente.
Il suffit d’écouter les sympathisants républicains répondre à ceux d’en face.
Les enfants qu’est-ce qu’ils font : ils jouent au lego, ils construisent des gratte-ciels, ils jouent à la marchande, ils vendent des choses… voilà. Les enfants, jamais ils voudront être fonctionnaires, jamais ils jouent aux commissaires politiques. Même jamais ils jouent à être profs j’ai envie de dire. Donc les enfants prouvent bien qu’il y a quelque chose de fondamental dans la nature humaine. La nature humaine est de droite.
C’est cette crise que vivent Laetitia et Vincent depuis leur séparation. Ils sont tout le temps dans l’urgence. Elle doit lever le camp alors que ses deux gamines ne sont visiblement pas d’accord, tout en gérant Virgil qui a l’impression d’être délaissé. Quant à Vincent, il fait le pied de grue en bas de chez Laetitia pour voir les filles parce qu’il n’a pas pu se libérer la veille – qui était son jour de garde.
C’est la bataille au quotidien même si aujourd’hui, elle a lieu rue de Solférino. Tous les deux se retrouvent dans une foule submergée par l’émotion.
Vincent ne le vit pas bien.
J’suis dans une spirale d’angoisse là…
Laetitia est là pour son métier, mais elle n’est pas forcément plus contente d’être là. Elle prie les agents de police d’éloigner Vincent.
J’veux juste qu’il nous laisse tranquilles…
En réalité, elle aurait certainement envie de se retrouver toute seule chez elle, au calme. Qu’on lui foute la paix.
J’aimerais bien que vous partiez.
Telle une électrice qui ne se reconnait ni dans un camp, ni dans un autre, Laetita est entre le marteau et l’enclume. Étouffée par son nouveau partenaire, parasitée par son ex, et sérieusement gonflée par ses amis donneurs de leçons.
Tu t’laisses écraser par des modèles, tu n’as aucune imagination par rapport à l’existence. C’est comme les gens qui se plaignent de leur vie quotidienne, mais s’ils ont pas leur vie quotidienne c’est quoi la vie ?
La personnalité de Nicolas Sarkozy (cf La Conquête) a contribué à antagoniser les Français. Le soir du 6 mai, Laetitia espérait un peu de répit avec la victoire du président normal. Elle n’est pas au bout de ses peines (cf Macron à l’Elysée : le casse du siècle)…