DAAAAAALI!

DAAAAAALI!

Quentin Dupieux, 2024

LE COMMENTAIRE

Il ne faudrait pas confondre la vie d’artiste avec la vie de rêve (cf Scarface). La vie d’artiste n’a rien d’un long fleuve tranquille. Le processus créatif doit secouer, jusqu’à se perdre dans le labyrinthe et finir les fesses dans la neige (cf Shining). C’est pour ne jamais se reposer sur ses lauriers que Dali a développé sa méthode paranoïaque-critique.

LE PITCH

Une journaliste essaie de réaliser l’interview du Maître.

LE RÉSUMÉ

Judith (Anaïs Demoustier) s’apprête à rencontrer le grand Salvador Dali pour une interview. En coulisses, Lucie (Agnès Hurstel) s’active pour préparer de l’eau pétillante. Dali ne supporte pas l’ennui d’une eau sans bulle.

Le voilà au bout du couloir : Dali (Edouard Baer).

C’est lui ?

Quel imbécile pourrait avoir envie de vivre dans cette endroit absolument sinistre !?

Judith présente son projet, qui manque singulièrement de caméra au goût du marquis.

Comment comptez-vous interviewer Dali s’il n’y a pas de caméra !?

Il s’en va.

Judith ne lâche pas l’affaire, encouragée par Jérôme (Romain Duris) son producteur. Elle rappelle Dali (Jonathan Cohen) et lui promet cette fois-ci la plus grosse caméra du monde. Il est conquis.

Ça me plait, ça me plait… dans ce cas : j’accepte.

L’interview sur la plage tourne court car Dali renverse la caméra avec sa Rolls. C’est un nouvel échec.

De retour dans sa résidence, il (Pio Marmaï) se remet au travail. Troublé par une vision de lui-même plus âgé (Didier Flamand). Invité gratuitement à dîner, Dali (Gilles Lellouche) écoute le prêtre (Éric Naggar) lui raconter son rêve étrange.

Il fallait à tout prix que je vous le raconte!

Un rêve dans un rêve (cf Inception) dans lequel figure Dali. Rêves au cours desquels Judith revient à la charge avec son interview, encouragée par Jérôme aux conseils avisés.

Faut pas qu’il nous prenne pour des tocards, faut que tu plaises aux gens! C’est important dans ce métier putain! (…) Le prends pas mal.

Rêves au cours desquels le prêtre se fait plusieurs fois dégommer par un cow-boy. Dali y signe une oeuvre qui n’est pas la sienne, sur laquelle Madame Abravanel (Marie Bunel) n’hésite pas à mettre dix millions lors d’une vente aux enchères.

Ça c’est Dali!

L’interview se renverse. C’est Dali qui pose les questions à Judith, ce qui irrite Jérôme.

Mais t’es complètement conne en fait, c’est pas possible! Comment j’ai pas pu m’en rendre compte plus tôt !?

Judith désespère.

Qu’est ce qui m’a pris de vouloir faire un film ? J’suis nulle…

Pourtant, elle a bien réussi son interview.

D’ailleurs ce n’est la sienne. C’est celle de Dali.

Qu’est ce que vous en pensez Salvador…?

Un film sur Dali doit finir sur une image de Dali il me semble. (…) Il serait plus judicieux que Dali soit seul à l’image. Je crois c’est mieux.

L’EXPLICATION

Daaaaaali!, n’est pas surréaliste qui veut.

Depuis Gatsby le Magnifique, il est entendu que seules les personnes extraordinaires sont celles dont on se préoccupe, et dont on se souvient. À l’inverse, les personnes ordinaires restent transparentes, sans laisser de trace dans les annales.

Comme vous pouvez le constater, je suis assez classique. Même un peu ennuyeuse dans le fond. On me fait souvent la réflexion d’ailleurs.

Judith n’a pas de charisme. Un balais profondément enfoncé dans le cul. Elle le sait. Tout le monde le sait.

Je suis pas crispée, je suis excitée.

Rassure toi, on voit pas la différence.

Même Dali s’inquiète de l’état de santé de Judith, avec un sens de l’ironie caustique caractéristique.

… Souffrez vous de constipation ?

Ce n’est pas faire injure au personnage de Judith que d’affirmer qu’elle est inintéressante. Car elle est le reflet de n’importe qui. Elle incarne une norme dont chacun·e aimerait se défaire. Pourquoi regarder à la TV une personne que l’on voit dans le miroir tous les matins ? Jérôme a complètement raison.

On n’a pas envie de te voir à l’image.

Judith est une personne qui a peut-être visé un peu trop haut ?

Une boulangère qui veut faire un documentaire sur un peintre je sais pas…

Les gens comme Judith ou Jérôme essaient de remplir le vide par leur médiocrité.

On n’en a rien à foutre même si ça brasse du vent, ça fait pro.

La différence entre Judith et Dali est que Dali est celui que Judith veut voir, non l’inverse.

J’attends ce moment depuis très longtemps, je suis une grande admiratrice.

Le prêtre n’en peut plus de raconter son rêve à l’artiste. Ce magnétisme, Dali ne le doit pas seulement à son apparent égocentrisme.

On a dit que vous êtes vous même votre propre chef d’oeuvre…

Il est plus juste de dire que je suis excentrique.

Ce serait trop simple. Les gens comme Jérôme sont fascinés par Dali, sans le comprendre. Ils ne voient en Dali qu’un personnage médiatique. L’oeuvre de Dali leur passe au dessus de la tête, là-haut dans le ciel. Jérôme est le symbole de la pensée médiocre, remplie de raccourcis.

Les stars adorent se faire torcher le cul.

Lorsqu’il s’agit de Dali, il ne s’agit pas que d’une posture ou d’une manière originale de s’exprimer. Dali a le talent d’être inattendu. Il signe une oeuvre qui n’est pas la sienne, pour mieux la renier et proposer à l’acheteuse de lui faire une commande en direct. Derrière ses moustaches électriques, il semble se moquer de tout alors qu’il est attentif à chaque détail. Dali cultive sa différence à travers les mots qu’il cisèle.

Avez vous conscience de l’effroyable banalité de ce que vous êtes en train de raconter ?

Dali a le pouvoir de renverser les rôles quand il le décide.

C’est moi qui pose les questions!

Dali n’en finit plus d’arriver le long de ce couloir. Il traverse la complexité, quand plus rien ne fait de sens (cf Mulholland Drive). On le retrouve comme un fil rouge d’histoires toutes plus tordues les unes que les autres, en évitant de se faire enfermer dans un scénario. Il échappe au contrôle de la raison, à l’image de son courant. Sa personnalité est insaisissable. On ne connait pas son âge.

Quand les autres s’effacent, il ne reste plus que lui.

Dali a surtout le talent de conclure.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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