LES BRONZÉS

LES BRONZÉS

Patrice Leconte, 1978

LE COMMENTAIRE

S’ils s’en défendent, les Blancs ont gardé un fond de colonialisme en eux (cf Get Out). Partir en vacances en Afrique Noire afin de se ressourcer, à moindre frais. Discuter les prix avec les autochtones qu’ils traitent avec mépris. Dominer leur environnement. Se sentir encore puissants.

LE PITCH

Un groupe d’amis part en quête de dépaysement au Club Med d’Assinie.

LE RÉSUMÉ

Jérôme (Christian Clavier), Bernard (Gérard Jugnot) et Nathalie (Josiane Balasko), Jean-Claude (Michel Blanc), Gigi (Marie-Anne Chazel) débarquent en Côte d’Ivoire où ils vont y faire la rencontre de Popeye (Thierry Lhermitte).

La grisaille de Paris est loin derrière, même si les habitudes sont tenaces. Les critiques fusent.

J’vais m’faire rapatrier par Europe Assistance ça va pas faire un pli!

Tout ce petit monde est bien décidé à s’amuser. Cela tombe bien: tout est fait au club pour rigoler. On couche dans tous les sens, sauf Jean-Claude. Entre ateliers de ski nautique et peinture à l’huile sur poitrine, on n’a pas le temps de s’ennuyer. Le divertissement est omniprésent. On chante, on danse, on vit, on s’amuse.

Surtout pas le temps de s’attarder sur la mort de Bourseault (Michel Creton) parce que la vie continue (cf Les petits mouchoirs). En effet, les vacances sont déjà finies. Les vacances se finissent toujours trop vite de toute façon. Elles vont laisser dans la bouche de chacun un goût d’inachevé. Le vide n’a pas été comblé.

Heureusement pour Popeye et Bobo (Luis Rego), ils n’ont pas le temps de s’attrister du départ de leurs amis qu’un nouveau convoi de touristes arrive. Une vraie boulimie de vacances.

L’EXPLICATION

Les Bronzés, c’est un cache-misère.

En France, on n’a pas le pétrole mais on a les idées (cf Le salaire de la peur). N’oublions pas que nous sommes un pays de précurseurs: il y a d’abord eu Astérix, puis les Lumières. Ensuite on a eu Claude François (cf Podium), comme d’habitude deux ans avant le my way de Paul Anka. Et on a quand même eu Les Bronzés seize ans avant Friends! Alors soyons un peu fiers. La bande de potes qui couchent tous ensemble et qui ne sait même plus comment ils sont devenus potes, cela n’a rien de nouveau. Les blagues réchauffées, en France, on connaissait depuis longtemps déjà.

La France veut partir au soleil pour s’essayer au ski nautique. Elle maintient la tête au dessus de l’eau comme elle peut. On la sent quand même déjà toute proche de boire le bouillon.

Car dans cette France exilée, on y trouve effectivement pas mal de médiocrité: Jérôme se fait battre au ping-pong par un Italien. L’Italie n’a pas la culture du tennis de table.

Jean-Claude perd ses cheveux ainsi que son maillot de bains.

Bernard s’improvise artiste sans obtenir plus de deux en atelier de peinture mammaire.

Enfin, Popeye se froisse un muscle sur mawashi-geri coup de pied circulaire.

La France frime. En réalité, elle est fragile.

La loose commence même à poindre le bout de son nez. On va bientôt plonger dans la crise en faisant un plat mémorable, à l’image de Jean-Claude manquant de sommeil. Popeye vit dans son fantasme et ne veut surtout pas en sortir. Jérôme nie complètement la réalité. Jean-Claude de son côté s’est résigné en acceptant sa condition de raté. Il ne compte plus sur la chance pour triompher. Plutôt sur une erreur de son adversaire.

Sur un malentendu ça peut marcher.

Le paradoxe Français à travers la recherche de l’exotisme à l’étranger alors que certains coins de France restent encore sauvages et inexplorés, comme la Haute-Saône. La France, c’est Nicolas le Jardinier qui regarde la pelouse d’à côté avec jalousie. Une France si fière d’elle-même et qui n’achète déjà plus Français. Pourquoi partir en Afrique quand on peut aller faire du Camping ?

C’est aussi la naïveté de croire que les problèmes restent à Paris. La frustration finit toujours par s’inviter dans le voyage, peu importe la destination. Des Parisiens qui ont un besoin d’aventure, dans le confort d’un club de vacances.

Ces bronzés sont des cigales de La Fontaine. Des glandeurs qui sont les premiers produits finis sortis des chaînes de montage de mai 68: Avec la Java comme idée fixe, oubliant tous les principes légués par le Général de Gaulle et obsédés par le sexe facile. La déchéance commence (cf La Grande Bouffe).

La conséquence se transforme en une France qui commence à se faire punir, à l’image de Bernard qui sera le cocu de l’histoire. Le Club Med correspond à une France qui fait l’autruche. Ces vacances sont le symbole de l’immobilisme. On se bat, sans faire peur à personne.

Michel Creton, Thierry Lhermitte, Michel Blanc

Une profonde morosité envahit les uns et les autres. Toutes ces chansons reprises à l’unisson résonnent comme un méthode Coué totalement inefficace.

Car derrière les sourires et les activités montées de toutes pièces comme un mauvais décor, il y a Jean-Claude, le souffre douleur de la bande qui conte sa tentative de suicide sur l’adagio d’Albinoni. Jérôme qui garde sa défaite au ping-pong en travers de la gorge. Nathalie qui ne trouve pas satisfaction malgré ses nombreuses aventures. Et puis Popeye le bellâtre qui avoue à Bobo non sans amertume qu’il n’est rien d’autre qu’un pacha l’été.

En gros, personne n’est vraiment heureux. Ou plutôt tout le monde continue de trouver des raisons plus ou moins bonnes de se plaindre. On n’a tout juste l’énergie de faire semblant.

Bourseault hurle Bip Bip! comme un cri dans la nuit et attend désespérément qu’on lui réponde Meuh!. Le cauchemar de Bourseault est qu’il n’y a pas de réponse à son appel au secours.

Malgré ces interactions sociales répétées, tout reste en surface.

Les bronzés sont déjà bien seuls dans leur cabine à UV.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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