IRRÉVERSIBLE

IRRÉVERSIBLE

Gaspar Noé, 2002

LE COMMENTAIRE

Jean Ferrat a chanté c’est beau la vie. Une marque de bonbons lui a volé ce titre pour en faire un slogan publicitaire. Un peu réducteur car la vie ce n’est pas que beau. C’est aussi dramatique, voire affreux. Des drames personnels dont on a du mal à se relever. Un souvenir douloureux qu’on aimerait réussir à dépasser. Une histoire qu’on aimerait pouvoir remonter parfois.

LE PITCH

Quand la vie se déroule à contre-sens.

LE RÉSUMÉ

Deux ivrognes se perdent dans le non-sens de leurs conversations.

J’ai fait de la taule… parce que j’ai couché avec ma fille…

Ah… le syndrome occidental!

Ils sont interrompus par les sirènes de police dans la rue. Une foule s’attroupe à la sortie du Rectum, une boite BDSM gay. Marcus (Vincent Cassel) en sort sur une civière, le bras cassé. Pierre (Albert Dupontel) se fait embarquer avec les menottes. Il vient de démolir la tête d’un homme à coups d’extincteur. L’homme qui a cassé le bras de Marcus et qui s’apprêtait à le violer par terre.

Marcus et Pierre s’étaient retrouvés au Rectum, guidés par Mourad (Mourad Khima) et Layde (Hellal) dans leur traque du Tenia (Jo Prestia). Pierre a bien tenté de raisonner Marcus, il n’y avait rien à faire. Ils ont fini par se perdre dans les bas-fonds de Paris.

Ça pue la merde ici!

Ce fameux Tenia est l’agresseur d’Alex (Monica Bellucci), la copine de Marcus et l’ex de Pierre. Tombée sur la mauvaise personne, au mauvais moment, au mauvais endroit. Le Tenia la menace de son couteau puis la met à terre, la sodomise pendant de longues minutes interminables avant de la rouer de coups de pieds.

Alex sortait de soirée et voulait simplement rentrer chez elle après s’être disputée avec Marcus. Une prise de tête toute bête. Elle lui reprochait d’être défoncé. Pas d’humeur ce soir là. Peut-être parce qu’elle savait déjà ce que Marcus ne savait pas encore : qu’elle était enceinte.

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L’EXPLICATION

Irréversible, c’est l’histoire à l’envers.

La vie comme elle ne devrait pas se passer mais comme elle se passe malheureusement parfois. Un tunnel lugubre, Porte de la Chapelle, une mauvaise rencontre. Un événement regrettable qui excite les apôtres lugubres du elle n’a eu que ce qu’elle méritait.

Y’a une pute qui s’est fait violer!

Rien à voir. Alex n’est pas une pute. Jamais elle ne devrait être la victime du Tenia. Elle devrait au contraire pouvoir prendre n’importe quel tunnel pour traverser la rue et prendre son taxi sans être violée ni tabassée par un psychopathe, peu importe sa tenue.

De la même manière, Pierre le mesuré ne devrait pas finir avec les menottes et très certainement pas en cellule.

Hey tu vas te faire enculer en prison! Y’a pas de préservatif en prison! Tu vas attraper le SIDA!

Pierre n’a rien à faire en prison pour le meurtre d’un homme qui, comble de l’histoire, n’était même pas le Tenia. Comme quoi, la vengeance ne sert vraiment à rien. Pierre le savait pourtant. Il n’a cessé d’essayer de vouloir arrêter la folie vengeresse de Marcus, sans succès. Malheureusement, victime de la spirale. C’est lui qui va en faire les frais.

C’est quoi cette vengeance de série B?

Un cauchemar n’est pas juste déplaisant, il est aussi pénible. Il dure, longtemps. Un peu comme une attraction qui donne la nausée et qui ne s’arrêterait plus. Comme une mauvaise rencontre dans un tunnel. La tête n’en finit plus de tourner. Le mal de crâne est tenace.

C’est le cauchemar d’Alex en premier lieu, qui est la proie de ce monstre, dans ce qui ressemble à une impasse infernale. Elle a tout le temps de comprendre ce qui va se passer. À la merci du monstre. Sa vie ne sera plus jamais la même.

C’est ensuite le cauchemar brutal de Marcus lorsqu’il sort de la fête et qui réalise que la personne qui a été agressée n’est autre que sa compagne. Son monde s’écroule. Il est sonné et perd tout discernement (cf Se7en).

C’est enfin le cauchemar de Pierre qui voit son ex dont il est encore à moitié amoureux à moitié morte, son meilleur ami perdre la tête et qui va finir lui-même en enfer, comme une sorte de victime collatéral.

On croit toujours que ça n’arrive qu’aux autres et puis quand ça nous tombe dessus on perd les pédales…

Le temps passe et on ne peut pas le remonter (cf Interstellar). La pendule se dérègle pour toujours. On se voit couler sans pouvoir faire quoi que ce soit. Pierre et Marcus s’enfoncent dans cette nuit, descendent dans des sous-sols dont ils ne reviendront plus. La lumière du jour s’est éteinte définitivement. La tâche est indélébile et il est trop tard. Le pire est qu’on sait qu’on devrait s’arrêter, pourtant on en est incapable. Une fois la catastrophe arrivée, il ne nous reste plus que nos yeux pour pleurer. On ne peut plus faire que de vouloir revenir en arrière (cf Retour vers le Futur).

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Revenir à une vie, comme on préférerait s’en rappeler. Avec ses discussions légères dans le métro, ses rigolades, ses petites engueulades, derrière le rideau de douche ses petits bisous, nus sur le lit ses petits calinous. On aimerait pouvoir rester tout le temps à se prélasser au soleil, sur l’herbe du parc Montsouris.

Le manège est déréglé. En un instant, le conte de fée peut finir dans le Rectum, par accident. La vie est injuste. Elle est aussi ce qu’elle est. Les deux ivrognes dressent un constat sans détour.

Y’a pas de méfaits, y’a que des faits.

Et surtout la vie continue, pour certains comme un chemin de croix.

Allongée dans l’herbe, Alex sait qu’elle porte en elle l’enfant de Marcus sans avoir besoin de faire le test. Cette conclusion dramatique accable autant qu’elle donne espoir, faisant écho aux propos glauques du père pédophile :

Faut recommencer, faut s’battre, faut vivre. Recommencer à se battre, recommencer à vivre.

Quand la beauté côtoie l’horreur.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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