UN DRAGON EN FORME DE NUAGE

UN DRAGON EN FORME DE NUAGE

Sergio Castellitto, 2021

LE COMMENTAIRE

Ah si seulement la vie pouvait toujours ressembler à une conversation sur les bords de la Seine un soir d’été ensoleillé, avec vue sur la Tour Eiffel… La réalité ressemble plutôt à un corps à corps muet lors d’un voyage en RER humide un matin d’hiver.

LE PITCH

Un libraire Italo-Montmartrois s’inquiète pour sa fille.

LE RÉSUMÉ

Vincenzo (Sergio Castellitto) vent ses livres discrètement, sans faire de mal à personne. À l’étage, sa fille Albertine (Matilda De Angelis) est dans un fauteuil roulant. Elle ne sort pas de la maison. Depuis son accident, elle ne prononce plus aucun mot. Ni la bonne humeur de Colombe (Marie-Philomène Nga) ou les provocations de Gérard (Alex Lutz) n’y font rien.

Albertine, si tu te décidais à descendre de ton piédestal? Revenir avec nous, au milieu de toute cette merde dans laquelle nous plongeons avec joie.

Jusqu’à ce que Yolande (Bérénice Bejo) ne débarque dans la librairie comme une tornade, à la recherche de son chien perdu.

Yolande revient comme un courant d’air, par curiosité pour ce Vincenzo qui n’a même pas de téléphone portable. Elle le cherche.

Ça sert à quoi les livres? Le papier, ça n’a plus d’intérêt, c’est du gâchis non?

Albertine ne dit toujours rien.

Puis c’est au tour d’Alain (Nassim Lyes), un prétendant de Yolande, de rendre visite à Vincenzo – cette fois pour le menacer.

Yolande revient dans la librairie et y trouve refuge pour la nuit. Elle se confie à Vincenzo puis découvre son terrible secret.

Et votre fille, elle sort jamais ?

Ils s’embrassent. Il la rejette. Elle s’en va.

Pourtant ils vont se revoir, dans Paris. Pour marcher, pour parler. Le misanthrope sympathise avec le porc-épic. Vincenzo parle de sa vie, du passé. Accepte de laisser son coeur s’emballer pour Yolande. Il parle d’elle. Tous les deux se rentrent dedans à bord d’auto-tamponneuses, comme des électrons. Puis le soir de la première, l’actrice lui confie qu’Hector est revenu (cf Two Lovers).

Il a tenu sa promesse : il était assis au premier rang.

Les roses rouges que Vincenzo a offert à Yolande le font désormais saigner. C’est le temps des adieux. La belle s’en va tandis que le libraire rentre chez lui plus seul que jamais. Pour découvrir au petit matin sa fille, bien décidée à affronter le monde. Elle tire la langue à son père et tente une sortie. Le rideau tombe. C’est la vie qui peut reprendre.

L’EXPLICATION

Un Dragon en forme de Nuage, c’est plus de raison de ne pas vivre.

Epicure affirmait que la mort n’était rien pour nous. Ni Paradis, ni Enfer dans cette philosophie matérialiste où la mort est impossible à rencontrer. D’où la nécessité de trouver la bonne distance par rapport à la mort (cf Don’t look up), sous peine de nous priver inutilement du bonheur de notre vivant.

C’est le cas de Vincenzo dont la pendule s’est arrêtée depuis le départ de sa femme, suivi de l’accident de sa fille. Elle est devenue sa raison de ne plus vivre, bloquée à son étage. Sans désir du dehors. Il est coincé avec sa douleur.

Je suis la pour obéir au traumatisme de ma fille.

Vincenzo s’est renfermé dans sa coquille. Attaché à ses livres comme une bouée de sauvetage pour ne pas couler.

C’est le dialogue avec ces livres qui me tient en vie. La literature est éternelle. L’actualité tue.

Plutôt caché derrière ses piles de livres.

Sans le sens de la culpabilité, aucun écrivain n’existerait.

Vincenzo est un homme qui se dissimule (cf Profession : Reporter). Il a anesthésié sa vie par la souffrance et qui, à l’image de sa fille, ne parle pas. Face à cet homme arrêté, les autres donnent toujours des conseils qui ne sont d’aucun effet. Des vérités qui ne servent à rien.

La vie d’Albertine doit avoir un sens au delà de vous.

Merci Docteur. Vincenzo le sait très bien. Il sait aussi que sa fille pourrait avoir une vie presque normale, pour peu qu’il l’encourage. Mais qu’est-ce que la normalité sinon une notion toute relative ?

Ce qui est normal pour l’araignée, c’est l’enfer pour la mouche.

S’il ne se laisse pas approcher, c’est qu’il veut qu’on le remarque. Il attend quelque chose, pour reprendre une citation d’Oscar Wilde. Double négative.

Moi je vis dans la terreur de ne pas être incompris.

Il se méfie du dragon mais attend secrètement que la vie revienne le chercher. Yolande ne s’invite pas dans cette librairie par hasard, mais par excuse. Son soit-disant chien qui se serait soit-disant perdu.

Ma vie est pleine d’illusions.

La vie débarque avec plein d’ironie. Elle se moque d’elle-même, et se moque poliment d’Albertine.

Remarquez, je la comprends. Y’a quoi dehors ? Pas grand chose. Quelques petites lumières et plein de bruit.

Yolande est à la fois une gifle qu’on donne et qu’on prend, pour se réveiller. À présent, Vincenzo ne veut plus se laisser faire. Il s’est fait sortir de sa torpeur par Alain – qui est lié à Yolande. Marre aussi de ce cleptomane (Bruno Gouery) qui lui vole des livres quasiment tous les jours, sous son nez. Sans qu’il ne dise rien. Marre de se laisser faire. Désormais la parole se délie.

Ça suffit maintenant! Il faut les payers les livres, il faut les payer!

Yolande vient chercher Vincenzo pour qu’il puisse s’entendre dire des bêtises.

La peur, c’est la mère des regrets.

Yolande vient le chercher pour qu’il puisse surtout se donner de bons conseils.

Essayez d’être vous-même.

Chassez le naturel au galop, Vincenzo abandonne aussitôt. Il embrasse la vie puis la repousse. Accepte son invitation puis se sauve, en cherchant à se dédouaner.

Renoncer, c’est pas toujours un échec.

Alors elle le gifle à nouveau car si on peut se moquer d’elle, on ne peut pas l’ignorer. On ne doit pas s’en protéger non plus. Elle pique, mais elle fait aussi battre le coeur. Finalement Vincenzo aime la vie.

Vous risquez le ridicule, vous touchez peut-être le sublime.

Malgré tout elle en vaut la peine, même si elle le laisse en plan. La douleur se dissipe comme un nuage. La vie part comme elle est venue, sur un faux prétexte, pour mieux revenir : Albertine est toujours en fauteuil mais elle a retrouvé le sourire.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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