PARRAIN D’UN JOUR

PARRAIN D’UN JOUR

David Mamet, 1988

Le commentaire

Comme le faisait remarquer le penseur Jul avec plein de réalisme : la vie est courte. On rêve encore, même si on doit tracer notre route. Parce qu’il est toujours temps de changer de décor. La vie est courte, c’est pourquoi il faut profiter pour éviter de se rendre compte qu’on n’a pas vécu (cf Le Cercle des Poètes Disparus).

LE PITCH

Un anonyme accepte de plaider coupable, sous la contrainte.

LE RÉSUMÉ

Gino (Don Ameche) est un modeste cordonnier de la banlieue de Chicago. Un parrain de la mafia locale, Mr Green (Mike Nussbaum) profite de sa naïveté apparente pour lui faire une proposition : Plaider coupable au nom d’un gangster dont Gino semble être le sosie. Autrement dit, encaisser une sentence de trois ans de prison en échange d’une somme d’argent. Rendre service au milieu.

Gino n’est pas très emballé par l’idée, mais Mr Green lui fait comprendre qu’il n’a pas vraiment le choix. Ce sera sa cervelle ou sa signature sur le contrat (cf Le Parrain).

Gino accepte.

La responsabilité de surveiller le cordonnier avant son audience incombe à Jerry (Joe Mantegna). L’homme de main sait très bien que la peine sera beaucoup plus lourde. Face à l’ingénuité de Gino, il lui propose de filer au Lac Tahoe pour profiter une dernière fois, le temps d’un weekend (cf La 25e heure).

Les deux hommes sont reçus comme des papes dans le Nevada car Gino est perçu comme un baron de la mafia.

Babe, this is the guy behind the guy behind the guy.

Billy Drake (William H. Macey) et le manager de l’hôtel (J.T. Walsh) sont aux petits soins. On lui déroule aussitôt le tapis rouge. Au point que Don Joseph « Vincenzo » Vincent (Robert Prosky) apprend sa présence et insiste pour le recevoir. Cette fois, c’est du sérieux. Jerry est panique car ce quiproquo pourrait révéler la supercherie au grand jour.

Cependant, Gino se débrouille encore mieux qu’espéré. Il noue une amitié inattendue avec Vincenzo, compte tenu de leurs origines siciliennes.

Amico mio, do mi cuore…

I haven’t heard that in 35 years!

De retour à Chicago, Jerry implore Gino de fuir alors qu’il est encore temps. Mais le cordonnier refuse car il s’est engagé (cf Des hommes d’honneur).

I give my word.

Jerry apprend que Gino ne va finalement pas assister à l’audience puisque le cordonnier doit être supprimé, et que c’est à lui que revient cette tâche.

It’s cleaner this way.

Sur la plage, Jerry ne peut pas appuyer sur le bouton. Gino passe un coup de fil à Vincenzo, qui avait promis de lui rendre service en l’honneur de leur amitié.

Une solution est trouvée. C’est finalement Frankie (J. J. Johnston) qui se rend au tribunal pour prendre une peine de prison à perpétuité.

Jerry et Gino se retrouvent tous les deux dans une cordonnerie. Ils cirent les chaussures. Au moins, ils sont en vie et pas derrière des barreaux.

L’EXPLICATION

Parrain d’un Jour, c’est le quart d’heure de gloire.

Les religieux se trompent certainement dans les grandes largeurs, mis à part sur le fait que de poussière nous retournerons à poussière. Finir au point de départ. Boucler la boucle. Les faits leur donnent raison. Ainsi se résume la vie (cf L’étrange histoire de Benjamin Button).

Dans cette courte aventure qui parait parfois trop longue, la monotonie peut nous assommer. On dort et on mange pour travailler, puis l’on recommence le lendemain comme un rouage obéissant au service de la machine. Avoir l’impression de faire partie d’un ensemble, pour repartir comme on est venu.

This is the job.

C’est quand on commence à croire que les choses peuvent changer qu’on est vraiment déçu.

Nobody told this would be the thing. We had a deal!

Things change.

C’est la réalité de Gino, qui se satisfait pleinement d’être un parfait anonyme, sans histoire. Il ne fait tellement pas de vague qu’il ne manquerait à personne s’il venait à disparaitre (cf The Barber). Débranché de la matrice sans que cela ne se remarque (cf Matrix). Tellement insignifiant qu’il pourrait être sacrifié. Un vulgaire pion sur l’échiquier de Mr Green.

Nous sommes tous des Gino en puissance. On essaie de se convaincre du contraire. Les réseaux sociaux nous donnent l’illusion de croire que nous sommes importants, à notre échelle, alors que nous ne faisons que cirer les chaussures des autres. La tête haute. Le regard à l’horizon.

Pourquoi ne pas se faire un peu plaisir ? Profiter d’un instant de gloire. Sortir de sa torpeur le temps d’un petit quart d’heure. Atteindre un sommet. Vivre une émotion mémorable. En fait, vivre tout court.

S’offrir un temps fort qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. Un moment où l’on sent ses pieds décoller légèrement du sol.

C’est l’occasion qui se présente à Gino grâce à Jerry, un autre soldat au bas de l’échelle qui refuse cependant d’être anesthésié par la vie. Plutôt que d’attendre patiemment l’ascenseur pour l’échafaud, Jerry veut permettre à Gino de flamber un peu au Casino.

Sur les rives de Lac Tahoe, Gino va devenir quelqu’un. Sa grosse moustache triste se fait plus fine. Pour la première fois, il est reconnu. Considéré. Il joue et gagne. Mieux, il se fait un ami en la personne de Don Vincenzo. Un homme qui sait renvoyer l’ascenseur.

This is a Sicilian coin. The Sicilian people say, « A big man knows the value of small coin. » My friendship is a small coin but it is all I have to offer you.

Quoi qu’on en dise, la gloire n’est pas facile à assumer. Quinze minutes sont déjà énormes. Beaucoup ne s’en remettent pas (cf Les Tuche). Comment retourner dans l’ombre quand on a été dans la lumière ? Nombreux sont ceux ou celles à avoir sombré dans la dépression après être passé·es sur le plateau de Philippe Risoli ou de Jean-Pierre Foucault.

Gino va éviter la banqueroute car il accepte que l’aventure puisse s’arrêter.

We have to give it back. (…) It’s a question of honor. Be an honorable guest.

Grâce à sa classe, et l’aide de Don Vincenzo, Gino réussit à rentrer du Nevada. Un atterrissage à Chicago tout en douceur. Ne pas s’être pris pour une personne qu’il n’est pas (cf Hollywoodland). Les bulles du champagne ne lui sont pas montées à la tête.

Gino revient à une vie normale. Histoire de pouvoir profiter de quelques années à se remémorer le Lac Tahoe.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

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