DOWNSIZING

DOWNSIZING

Alexander Payne, 2017

LE COMMENTAIRE

Quand on regarde la feuille de trop près, on ne distingue plus les problèmes. Il en va de même lorsqu’on fixe son petit nombril comme s’il était le centre d’un seul monde : le sien. On serait sans doute bien inspiré de prendre un peu de recul de temps en temps, et se relire quelques pages de Micromegas.

LE PITCH

L’humanité pourra-t-elle résoudre ses problèmes en les réduisant ?

LE RÉSUMÉ

Dans sa lutte contre les problèmes liés à la surpopulation, le Dr. Jørgen Asbjørnsen (Rolf Lassgård) parvient à mettre au point une technique de miniaturisation (cf Chérie, j’ai rétréci les gosses, L’aventure intérieure). Chaque individu est réduit à une douzaine de centimètres, ce qui impacte radicalement les besoins en énergie ainsi que la production de déchets.

Suite à cette révolution, le monde se divise. Tandis que la science s’auto-congratule, les gens du peuple continuent de se sentir sur la touche – à l’image de la mère de Paul Safranek (Matt Damon) qui se fend d’une réflexion pleine de bon sens digne d’Homer Simpson:

They can shrink people down and fly to Mars but can’t cure my fibromyalgia. And all this fuss about the environment as the world’s going to end tomorrow. I’m in pain, I can’t breathe. Doesn’t that matter?

Dix ans plus tard, Paul Safranek et sa femme Audrey (Kristen Wiig) ont du mal à joindre les deux bouts. Ils se rendent compte que leurs revenus leur permettraient de vivre confortablement à Leisureland, pour peu qu’ils acceptent d’être miniaturisés.

Après réflexion, ils tentent l’aventure. Mais au moment de passer à l’acte, Audrey change d’avis, laissant Paul seul dans ce nouveau monde de Lilliputiens.

Paul déprime, jusqu’à ce qu’il fasse la rencontre de Ngoc Lan Tran (Hong Chau) par l’intermédiaire de son bruyant voisin Dusan (Christoph Waltz). Ngoc Lan est une activiste Vietnamienne miniaturisée contre sa volonté, qui travaille comme agente d’entretien à Leisureland (cf Parasite).

Paul se fait mettre le grappin dessus. Dusan essaie de le libérer de l’emprise de Ngoc Lan en prétextant que Paul doit partir en Norvège en mission spéciale auprès de la colonie originelle. Le stratagème échoue puisque Ngoc Lan s’invite.

Pendant le voyage, Paul et Ngoc Lan tombent amoureux. Sur place, le Dr. Jørgen Asbjørnsen les informe que c’est la fin (cf Don’t look up). Trop de méthane dans l’air. Les vingt six prix nobel sont formels.

It’s the end of everything.

The world has already seen five major extinctions and now there will be another. I didn’t want to believe this, none of us did. (…) Homo sapiens will soon vanish from earth. 

En réponse à l’apocalypse, la colonie a conçu un tunnel de plusieurs kilomètres où se réfugier le temps que la planète se remette à niveau (cf Geostorm). Paul est excité comme une puce à l’idée de pouvoir préserver l’espèce.

If I’m not supposed to be part of this thing then what am I doing here?

Dusan craint une forme de culte.

They all gonna go insane down there and kill each other. They go extinct long before we do.

De son côté, Ngoc Lan veut retourner à Leisureland où elle a des personnes dont elle doit s’occuper.

Paul fait finalement demi-tour pour retrouver Ngoc Lan et servir la soupe aux miséreux.

L’EXPLICATION

Downsizing, c’est le triomphe du fatalisme environnemental.

S’il n’y a effectivement plus de saison, les températures augmentent bel et bien. Les chiffres sont là : les records de chaleur tombent chaque année. La fréquence et l’ampleur des incendies, ainsi que des inondations augmentent également.

La notion de réchauffement climatique est apparue il y a quelques années. Le travail sans relâche des lobbystes (cf Thank you for smoking) a transformé la terminologie en changement climatique, sans toutefois parvenir à masquer la réalité.

Cette situation créée un clivage avec ce que l’on pourrait appeler les fatalistes environnementaux d’un côté, qui pensent que le rôle de l’humanité est à relativiser. Et les fondamentalistes environnementaux, plus proches des existentialistes, qui pensent au contraire que l’humanité est pleinement responsable.

Au milieu se trouve le commun des mortels qui ne comprend pas très bien ce qui se passe, paniqué par l’enchainement des catastrophes environnementales et qui galère déjà par ailleurs au quotidien à cause de nombreux autres problèmes – comme Paul Safranek.

Lots of people are in pain (…), in all sorts of ways.

Comment vivre de façon à ce que les autres s’en sortent quand on ne s’en sort déjà pas soi-même ?

Les fondamentalistes prônent de porter des cols roulés par solidarité environnementale. Consommer moins d’eau quand on se brosse les dents, couper sa box wifi quand on part en vacances (cf Camping) et ne pas se tromper au moment de faire le tri sélectif.

Il reste quand même difficile d’évaluer avec précision quand les trompettes vont se mettre à sonner pour de bon (cf Sans filtre).

Certains comme le Dr. Jørgen Asbjørnsen pensent que la fin est proche. Ils ont fait de l’environnement le combat d’une vie. Proposant des solutions, comme la miniaturisation.

La miniaturisation s’avère cependant inefficace dans le temps. Seul 3% de la population mondiale a les moyens de jouer le jeu. Ce n’est pas suffisant. Le constat s’impose : la solution de la dernière chance ne fonctionne pas. Alors les défenseurs de l’environnement cèdent au catastrophisme.

No matter how the end will come, relatively soon the Earth will indeed purge itself of human life.

Le fondamentalisme environnemental prend du volume et impose leur autorité au nom de l’urgence climatique. Cependant, les écologistes risquent peut-être d’emmener avec eux toute une partie de la population dans la mauvaise direction (cf L’aventure du Poséidon).

Heureusement que Ngoc Lan, fataliste, ramène Paul à la raison dans un anglais approximatif.

If I don’t do this, really, who am I?

You Paul Safranek, you good man!

À y réfléchir, la miniaturisation n’était pas une si bonne idée. Tout d’abord, elle n’avait pas réglé les inégalités, mettant en péril toutes les personnes qui ne participent pas au projet.

You don’t buy as many products, you’re not paying as much sales tax, some of you aren’t even paying any income tax. I mean, you’re not really participating in our economy, are you?

Ensuite elle avait conduit Paul au divorce (cf Marriage Story).

Enfin, elle n’avait pas non plus touché au coeur du problème : les comportements humains restent les mêmes. On trouvera toujours des égoïstes comme Dusan pour profiter du système au détriment du collectif (cf Le Loup de Wall Street).

Est-ce si grave ?

Yes, maybe I am a little bit asshole, but the world needs assholes. Otherwise where would the shit go out?

Paul retrouve ses esprits. La nature humaine n’est pas parfaite. Le climat est ce qu’il est. On doit faire avec. C’est donc le fatalisme environnemental qui l’emporte.

Alors Paul peut se calmer. Rentrer au bercail et retourne bosser comme les autres (cf Germinal). Le mieux qu’il puisse faire est d’aider son prochain, plutôt que de se cacher dans un tunnel.

Demain est un autre jour.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

2 commentaires

  • Merci beaucoup pour cette excellente analyse qui apporte d’intelligents éclairages et mettent en évidence des moments-clés.
    Je souhaiterais ajouter une réflexion sur Downsizing.
    Dans ce film, la solution écologique montrée est un changement de forme mais pas de fond. Ceux qui choisissent de réduire leur taille ne changent pas leur comportement consumériste, bien au contraire, cela leur permet de l’amplifier.
    Le problème est donc reporté mais non résolu.
    Même dans la 1ere colonie où les pionniers sont plein de bonne volonté ; le 1er enfant né là-bas, celui que l’on revoit plus tard devenu jeune homme (et donc, représentant l’avenir), a contracté une MST qui semble symboliser là aussi une autre forme de surconsommation.
    Par ailleurs, avez-vous remarqué que le film est constellé d’images de symboles et d’archétypes ?
    Encore merci pour votre exposé de qualité.

    • Merci Isabelle pour cette explication. Vous avez tout à fait raison, la miniaturisation ne fait qu’acheter du temps. À la question « comment continuer à se développer dans un monde où les ressources sont limités? », elle apporte une réponse qui est de rendre les ressources moins limitées, mais pas illimitées. Ce qui revient à reculer à reculer pour mieux sauter.
      On ne cherche pas à résoudre le problème. Peu de personnes sont prêtes à considérer un changement radical de mode de vie pour s’adapter aux contraintes environnementales qui s’imposent à nous – au delà du tri sélectif : ne plus prendre de l’avion, ne plus manger de viande, limiter son temps d’écran…
      D’où le fantasme des films de science-fiction où l’humanité devrait continuer sa vie dans l’espace (cf Interstellar), où les possibilités sont infinies. En exportant toutes ses « mauvaises habitudes » (cf Le Passager N°4)…
      On dévie effectivement le problème.

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