DANSE AVEC LES LOUPS
Kevin Costner, 1990
LE COMMENTAIRE
Quand on a tout perdu, on n’a plus rien à perdre. Celui qui touche le fond ne peut pas descendre plus bas (cf The Game). A priori, il ne peut plus faire autre chose que de remonter. Tout perdre veut aussi dire tout avoir à gagner. Renaître. Revisiter le monde comme on ne l’avait encore jamais vu. Reconsidérer son environnement. Se reconsidérer soi-même. Quelle chance. Et si la vie n’était rien d’autre qu’une grande ordalie?
LE PITCH
Un soldat découvre la possibilité d’un autre monde dans l’Ouest Américain.
LE RÉSUMÉ
En pleine guerre de Sécession, le lieutenant John Dunbar (Kevin Costner) manque de perdre une jambe au combat. Il s’en sort miraculeusement et demande sa mutation dans le grand Ouest. Isolé dans un poste avancé, loin de tout, il va faire la rencontre d’un loup qui sera pour un temps son seul compagnon jusqu’à ce que les Sioux ne lui montrent des signes d’intérêt.
Dunbar est seul au monde, sans autre solution que de se rapprocher des chefs indiens qui l’accepteront comme un membre à part entière de la tribu en lui apprenant les bases, comme manger des testicules de bison crues. Invité à participer aux chasses, aux fêtes ainsi qu’aux combats, Dunbar devient Danse avec les Loups et tombe amoureux de Dressée avec le Poing (Mary McDonnell).
Rattrapé trop tard par une relève yankee qu’il avait tant réclamé et qu’il n’attendait plus, Danse avec les Loups se senti plus natif qu’Américain. Il prend la fuite avec les Indiens pour continuer sa route seul avec sa femme dans les montagnes du Colorado. Indien d’adoption pour toujours, comme le lui crie Cheveux aux Vents (Rodney A. Grant).
Do you see that I am your friend? Can you see that you will always be my friend?
L’EXPLICATION
Danse avec les Loups, c’est un changement de nationalité.
Un peu comme dans Rendez-vous en terre inconnue, Dunbar est un romantique qui part au bout du monde pour y faire la rencontre de l’étranger. Les indigènes n’ont finalement rien à voir avec l’idée qu’il s’en était fait.
Nothing I have been told about these people is correct. There are not thieves or beggars. They are not the bogeymen they are made out to be. On the contrary they are polite guests and I enjoy their humor.
La plupart du temps, la rencontre avec l’autre se passe dans le calme. Qu’il soit extra-terrestre (cf Rencontre du Troisième Type), en fauteuil roulant (cf Intouchables) ou qu’il soit du Nord de la France (cf Bienvenue chez les Ch’tis).
Force est d’admettre que tout n’est pas si rose et que nous ne vivons pas dans un champs de tulipes. Sinon ce serait la fête en Palestine. Souvent, la rencontre avec l’autre est catastrophique. Les Français ont vécu plus d’un siècle à côté des Allemands sans réussir à se tenir tranquilles.
La plupart du temps, les Aliens débarquent sur terre avec des intentions hostiles (cf War of the Worlds, Mars Attacks!, Skyline, Cloverfield). Les envahisseurs dégomment les New-Yorkais comme dans un jeu vidéo. Et on ne peut pas dire que la rencontre entre l’homme et l’animal soit plus heureuse. On sait ce qui se passe entre le nageur et le requin blanc (cf Dents de la Mer), ou l’orque (cf Orca, Blackfish, de rouille et d’os).
Si tout semble fonctionner naturellement entre Dunbar et les Sioux, l’histoire va changer une fois que les troupes nordistes rejoindront Fort Segwick. Le ménage à trois échoue une fois de plus.
L’intention fait toute la différence. Si l’intention est bonne, animée de curiosité et guidée avec intelligence, alors on peut surmonter la peur et accepter l’autre. Cheveux aux Vents est d’abord méfiant et agressif avant de devenir aimable. Dunbar est un diplomate éclairé avec lequel on peut envisager de se marier. Alors que Spivy est un abruti avec lequel on n’aurait même pas envie de regarder TF1.
Dunbar traverse tout un pays pour vivre son expérience. Pas besoin de partir aussi loin pour voir des Indiens. Regardons autour de nous. La porte de Clignancourt et St Germain des Prés sont deux mondes qui n’ont rien à voir bien qu’ils se trouvent sur la même ligne de métro.
Pour rencontrer l’autre, il est nécessaire de se rencontrer soi-même. C’est dans l’isolement que Dunbar va se révéler. Sa tentative de suicide en passant les bras en croix devant les lignes ennemies était un indice. Sa vie doit avoir du sens et il est prêt à aller jusqu’aux extrêmes pour le découvrir. Dunbar réclame d’ailleurs sa réaffectation car il veut voir la frontière. Surtout, il veut se confronter à l’inconnu avant de mourir. Sa vie n’a pas d’intérêt autrement.
Dunbar donne une personnalité à un loup. Il observe le monde autour de lui, notant les faits et gestes de ce loup qu’il baptise Chaussettes dans son journal intime. À l’écoute de son environnement, avec attention. Dégoûté par les horreurs que l’homme est capable de commettre.
Dunbar écrit son histoire et veut être le témoin d’une époque, comme un journaliste.
Tout comme Witt découvre un nouveau monde (cf La Ligne Rouge), Dunbar va avoir une révélation.
I had never known who really John Dunbar was because the name itself had no meaning. But as I heard my Sioux name being called over and over, I knew for the first time who I really was.
Il faut parfois partir très loin pour se trouver soi-même.
La limite de l’histoire vient du fait que la relève a été réclamée par Dunbar lui-même. Comme si sa nature finissait par le rattraper. Et notons également que Dressée avec le Poing est elle-aussi Américaine, et non Indienne. Comme si on ne mélangeait pas les torchons avec les serviettes quand même.
N’exagérons pas non plus. Le monde ne semble pas encore complètement prêt pour la mixité. La rencontre de l’autre oui, s’il fait partie du meme groupe ethnique. Les apéros calumets avec les Indiens… à petite dose.
L’acceptation de l’étranger, d’accord mais chacun chez soi.
C’est peut-être parce qu’on veut aller trop vite qu’on rate les virages ?
Ce qui nous ramène une nouvelle fois à Saint Pierre qui reprochait à Anne Sinclair de ne pas avoir pu épouser Yvan Levaï au cas où il n’aurait pas été Juif comme elle.
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts du Carlton.
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