TRUST
David Schwimmer, 2010
LE COMMENTAIRE
La multiplication des écrans est un fléau qui n’est pas qu’ophtalmique. Source de distractions, de cauchemars et de mauvaises influences en tout genre. Quelle est la solution ? Tout débrancher afin de profiter de la beauté du monde extérieur – pendant qu’on peut. Ou vivre avec les écrans en étant conscient des dangers qu’ils représentent, mais aussi des bénéfices qu’ils apportent ? Laisse-t-on ces outils nous aliéner ou sommes-nous capables de les utiliser avec modération et intelligence ?
LE PITCH
Un père de famille fait, malgré lui, un cadeau d’anniversaire empoisonné à sa fille.
LE RÉSUMÉ
Annie Cameron (Liana Liberato) fête ses quatorze ans. Son père Will (Clive Owen) lui offre un bel ordinateur portable qu’Annie utilise essentiellement pour discuter avec ses amis via une chatroom. Elle s’y fait accoster virtuellement par Charlie, un adolescent de 16 ans, avec lequel elle sympathise en ligne (cf Hard Candy).
Charlie invite Annie à le rencontrer dans un centre commercial. En fait il n’a pas seize ans, mais plutôt quarante. Dégoûtée, Annie veut fuir. L’homme, pervers jusque dans son habileté, l’en dissuade.
It’s still me. Okay? Forget the age thing. (…) When you connect with someone the way that we connected, when you find a soul mate the way that we found each other, then nothing else matters. I thought you were old enough to understand that.
Il la charme pour l’emmener à l’hôtel. Elle accepte. Il lui propose de passer un ensemble de lingerie qu’il a acheté pour l’occasion. Elle accepte. Lorsqu’il commence à l’embrasser, elle refuse.
Alors il la viole.
It’s okay, Annie. Don’t worry…
Après ce drame, Annie se referme sur elle-même. Sa meilleure amie Brittany (Zoe Levin) s’inquiète et contacte les autorités. Le FBI mène l’enquête. Trop tard, Charlie a disparu de la circulation.
Entre colère, incompréhension et culpabilité Will et sa femme Lynne (Catherine Keener) sont trop accablés pour prêter attention à la détresse de leur fille.
Grâce à sa psychologue (Viola Davis), Annie réussit à admettre qu’elle a été violée. Elle remonte doucement la pente lorsque ses camarades du lycée lui portent le coup de grâce en faisant circuler des photomontages pornographiques à son effigie. La jeune fille tente de se suicider. Will rentre à la maison in-extremis.
Il fond en larmes le lendemain, désormais habité par un profond dégoût du monde en lequel il n’a plus aucune confiance.
I don’t know if you can ever forgive me, Annie, I really don’t know if you should. But I’m sorry. I’m so sorry…
Pendant ce temps, Charlie a.k.a. Graham Weston (Chris Henry Coffey), professeur de physique, profite d’un barbecue en famille avec ses amis.
Ni vu, ni connu.
L’EXPLICATION
Trust, c’est le drame du patriarche (cf Les dents de la mer 2).
On peut dire qu’on ne sait pas vraiment ce qu’est le bonheur avant de devenir parent. Regarder gigoter cette petite chose, ce mini-soi, qu’on vient de mettre au monde (cf Tree of Life). Profiter de ses sourires. La voir grandir et continuer son chemin (cf The Road). Miraculeuse.
On peut dire aussi qu’on ne sait pas non plus ce qu’est la souffrance avant de devenir parent. La douleur de la gestation, suivie de celle de l’accouchement (cf Mother!). L’enfant peut priver ses responsables de leurs ambitions professionnelles (cf Kramer contre Kramer).
Les parents deviennent alors des fantômes (cf Interstellar), englués dans la routine (cf Vivarium). L’enfant empêche de dormir et donne des cheveux blancs.
Malgré tout, il faut néanmoins accepter de le voir partir (cf Midnight Special). Il faut presque le souhaiter car s’il reste, c’est encore pire (cf Tanguy).
En réalité, pas pire que quand il se prostitue (cf Jeune et Jolie) ou qu’il tue ses camarades de classe (cf We need to talk about Kevin). Ou que lorsqu’il tombe malade (cf La Guerre est déclarée), ou qu’il disparait (cf Minority Report, Taken), ou qu’il est abusé (cf Les Chatouilles).
Un tourbillon de plaisir… si fragile!
Pour relever le défi de la parenté, une sacrée dose de confiance est nécessaire. Avoir confiance en soi, pour mieux faire confiance aux autres. Confiance également en l’avenir qu’on construit, sans jamais vraiment le maitriser.
Précisément ce que Will n’arrive pas à faire. Homme heureux, père accomplit d’une adolescente comme il osait à peine en rêver. Il l’a façonnée sans peur et sans reproche.
You were fearless. I remember. You were amazing, (…) you just had this confidence. (…) It was who you were. No fear.
Annie est sa fierté absolue.
God, I loved that. I was so proud of it, I envied it.
Un père impeccable quoiqu’un peu étouffant parfois.
Dad, we had the sex talk, like, three years ago and I still can’t order a salad with cucumbers in it.
Un patriarche dans toute sa splendeur.
Tout impeccable qu’il est, Will n’a pas pu protéger Annie ni du pédophile, ni de ses camarades de classe dont le harcèlement vont la pousser jusqu’à la tentative de suicide.
C’est lui-même qui, symboliquement, a offert à Annie l’outil par lequel Charlie est rentré en contact avec elle.
Will se rend compte, péniblement, qu’il a cru tout bien faire alors qu’il était à côté de la plaque depuis le début.
I failed you. It was my job to make sure you didn’t lose it. To keep you safe. What am I if I can’t protect you?
Le patriarche n’a d’emprise sur rien et continue de souffrir pour cette raison. Il aimerait se venger (cf Prisoners) mais ne peut même pas le faire puisque le criminel est introuvable. Ce qui est évidemment insupportable.
Even if he was in jail I wouldn’t be happy.
Why?
Because it would still want to rip his fucking head off.
Il réalise aussi qu’il travaille dans la publicité, un métier qui n’hésite pas à sexualiser des adolescents pour mieux vendre des produits (cf 99 francs), et que le patron de son agence est un porc (cf L’intouchable Harvey Weinstein).
Beurk.
Il a tout faux.
Reste à espérer pour lui que la sagesse des mots de la psychiatre parvienne à apaiser ses blessures et rétablir la confiance.
People get hurt. There’s only so much we can do to protect ourselves, our children. The only thing we can do is be there for each other when we do fall down to pick each other up.
Car pour surmonter ce drame, il a plus que jamais besoin d’accepter que la peur fasse partie du jeu. Vivre avec. Garder suffisamment confiance pour réussir à lâcher prise.
Facile à dire, cela va sans dire.
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