CONFESSIONS D’UN HOMME DANGEREUX
George Clooney, 2002
LE COMMENTAIRE
Fut un temps où la civilisation était régie par les lois de la TV (cf Running Man). Tout allait très vite. On pouvait passer de l’anonymat aux projecteurs sans avoir le temps de décompresser. Aujourd’hui, tout va encore plus vite. La civilisation se précipite vers le mur.
LE PITCH
Un jeune homme arrive à New York avec de l’ambition.
LE RÉSUMÉ
Chuck Barris (Sam Rockwell) rêve de faire de la télé. Il monte à New York puis se plante. Back to Philadelphia où il bosse comme assistant pour Dick Clark sur l’émission American Bandstand. Le succès populaire de sa chanson Palisades Park lui vaut de rencontrer Penny (Drew Barrymore). Parallèlement, ABC lui permet de financer un pilote pour son concept The Dating Game, l’ancêtre de Tournez Manège. La chaîne ne donne pas suite.
Désabusé, il se fait recruter par Jim Byrd (George Clooney), un agent de la CIA. Chuck se transforme en assassin et part en mission au Mexique. Il se prend au jeu.
Killing my first man was like making love to my first woman.
À son retour, Penny est devenue hippie. ABC ressort The Dating Game des cartons. L’émission est un succès. 1967: la carrière de Chuck Barris est lancée.
Chuck continue ses missions pour la CIA. En Finlande il fait la rencontre Patricia Watson (Julia Roberts) dont il tombe sous le charme. De retour aux États-Unis, les émissions s’enchaînent. Penny et Chuck partent s’installer à Los Angeles. Chuck a du mal à faire le grand saut. Le mariage n’est pas pour lui.
Les missions s’enchaînent également. Berlin-Est: les choses tournent au vinaigre. Chuck est fait prisonnier par le KGB. Finalement libéré, il retourne à Los Angeles où il imagine The Gong Show qui le rend encore plus célèbre en le propulsant sur le devant de la scène. Les choses se compliquent cependant pour Chuck qui se voit accusé d’abaisser le niveau des émissions de TV, soupçonné par Byrd d’être une taupe au sein de la CIA et critiqué par Penny pour son manque d’investissement dans leur couple.
Son émission est retirée de la grille des programmes. Byrd lui révèle que la raison pour laquelle il a été recruté par la CIA est parce qu’il est lui-même le fils d’un tueur en série. Chuck a du mal à encaisser et abat Byrd. Il quitte la CIA.
I’m not killing people… my future’s in television.
À la suite de quoi il sombre dans une dépression. S’enferme dans son hôtel de New York. Penny tente de le convaincre de la rejoindre à Los Angeles pour se marier. Rien n’y fait.
Chuck se laisse pousser la barbe et vit en slip. Il décide finalement de sortir de sa léthargie pour rejoindre Patricia à Boston. Elle lui révèle qu’elle est la taupe et essaie de l’empoisonner. Chuck est plus malin et s’en sort. Il retourne auprès de Penny qu’il demande enfin en mariage.
Lors de la cérémonie, il aperçoit les visages familiers de ses victimes du temps où il était agent secret. Il avoue tout à Penny qui préfère en rire, persuadée qu’il s’agit encore d’une des fantaisies de son néo mari.
L’EXPLICATION
Confession d’un homme dangereux, c’est une éternelle insatisfaction.
Chuck veut faire de la télévision et quand il y parvient finalement, il n’arrive pas à en profiter.
Life was sweet… For a minute.
Ses débuts coïncident étrangement avec ses premières missions avec la CIA. Bizarrement, ses concepts de jeux ressemblent à autant de missions qu’il exécute. Il s’épanouit et se dégoûte. Au fond de lui, Chuck est persuadé qu’il est un tueur. Parce qu’il sait pertinemment que son travail contribue à l’abrutissement général de la société.
Chuck Barris est un homme qui est fait pour le divertissement mais que le divertissement rebute profondément (cf Jerry Maguire). Il a un problème avec sa propre identité. En plein paradoxe, rongé par la culpabilité. Constamment maintenu sous pression, celle de Byrd tout d’abord…
You’re 32 years old, and you’ve achieved nothing. Jesus Christ was dead and alive again by 33.
Pas très loin de Jacques Séguéla et sa Rolex.
Il est également sous la pression de Penny qui le pousse au mariage.
Enfin, il est sous la pression de ses origines. Chuck a grandi dans la tradition ashkenaze. Il fait partie de tous ceux à qui les parents ont martelé que la vie c’était sympa puis qu’à un moment il fallait passer aux choses sérieuses, comme le conseil ou l’audit.
You’re gonna have to grow up!
Il est temps de grandir effectivement. Temps de devenir dentiste, avocat, auditeur… ou de reprendre le magasin. Par définition, le métier de clown n’est pas noble. Le comédien ashkenaze, c’est Popeck. Ce n’est pas sérieux.
Chuck a du succès pourtant. Il a même fait mieux puisqu’il a réalisé son rêve. Mais il n’en profite pas. Pire il a honte de lui-même. Il pense qu’il a raté sa vie, travaillant à la solde de ceux qui abrutissent le peuple (cf Idiocracy).
When you are young, your potential is infinite. You might do anything, really, you might be Einstein, you might be DiMaggio. Then you get to an age where what you might be gives way to what you have been. You weren’t Einstein, you weren’t anything. That’s a bad moment. (cf Hollywoodland)
Il fait péniblement son deuil en tuant Patrica, ce qui va lui permettre de se marier avec Penny, peut être fonder une famille qu’on lui souhaite heureuse ? Cela ne l’empêche pas de s’épancher dans une autobiographie. Parce que s’il est convaincu que ce qu’il fait c’est de la crotte, il ne s’en considère pas moins important.
C’est l’histoire d’un mec qui ne peut pas supporter l’idée que nous ne sommes pas grand chose (cf Mars Attacks!). Alors qu’il y’en a d’autres qui se sont parfaitement accommodés d’être des ‘moins que rien’ et que leur succès relatif n’a apparemment pas dérangé plus que cela: Cyril Hanouna, Raphaël Mezrai, Michaël Benayoun, Jean-Luc Azoulay, Jacques Essebag.
Il faut peut-être être séfarade (cf La vérité si je mens) ?
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