LA CONQUÊTE

LA CONQUÊTE

Xavier Durringer, 2011

LE COMMENTAIRE

François Hollande et Jacques Chirac avaient de la sympathie l’un pour l’autre. On dit qu’Hollande était un homme de droite à gauche et que Chirac était l’inverse. Ils avait tous les deux beaucoup d’humour (cf les sans-dents, cf le bruit et l’odeur). Ces deux lascars faisaient de la politique à la papa. Nicolas Sarkozy, le roi du Kärcher, a décapé tout cela pour incarner un nouveau mode de gouvernance, celui de l’image.

LE PITCH

Un homme politique partage ses envies présidentielles en direct sur un plateau TV.

LE RÉSUMÉ

Nicolas Sarkozy (Denis Podalydès) revient sous le feu des projecteurs comme Ministre de l’Intérieur du gouvernement Raffarin, sous l’autorité de Jacques Chirac (Bernard Le Coq). Ce dernier ne porte pas Sarkozy dans son coeur depuis la trahison Balladur. Le Président s’évertue à mettre des bâtons dans les roues de celui qu’il appelle son petit Nicolas. Il ne fait que nourrir l’appétit de l’ancien maire de Neuilly.

Sarkozy espérait Matignon. Il fera avec Beauvau. S’il n’est pas le Premier Ministre, il veut être le Premier des Ministres. C’est dans ce sens qu’il brief son équipe (cf The Ides of March).

À chaque sortie du ministre de l’intérieur la presse doit en faire un titre! Je vais devenir le ministre de l’actualité.

Il se met en scène. Chacune de ses sorties est accompagnée de journalistes. Sa femme Cecilia (Florence Pernel) le soutient puis se lasse jusqu’à tomber amoureuse du publicitaire Richard Attias (Yann Babilée), en charge de la communication événementielle du candidat.

La barque de Sarkozy tangue sérieusement. Sans sa femme, il est contraint de faire du vélo sans roulettes. Il nage en eaux troubles entre Bercy et la présidence de l’UMP, contre le courant que lui impose Chirac, en évitant les morsures de Dominique de Villepin (Samuel Labarthe). Son ambition dévorante lui permet néanmoins de maintenir la tête au dessus de l’eau. Il survit à l’orgueil.

Moi je suis seul et je suis libre!

Son équipe de campagne élabore une stratégie pour décrocher l’Élysée : chasser sur les terres de Le Pen en draguant l’électorat populaire. Le candidat Sarkozy arrive à montrer un autre visage que celui d’un libéral sans foi ni loi. Il met de l’eau dans son vin pour prendre Ségolène Royal par surprise.

Surtout, il arrive à convaincre Cecilia de revenir auprès de lui. Si sa femme n’est pas à son bras, il n’a aucune chance de gagner. Alors il la fait chanter.

Elle revient, sans conviction. Remplit son contrat, par devoir.

C’est un homme ‘sinistre’ qui l’emporte, aux dires de Pierre Charon (Dominique Besnehard). La fête a un gout amer. Les hommes du nouveau Président ne sont pas sur la liste de Cécilia qui préférerait être ailleurs. Elle ne va pas tarder à partir.

Je n’ai pas envie de cette vie, je me fous du pouvoir!

C’est dans ces conditions particulières que Nicolas Sarkozy monte sur scène pour connaître la consécration à laquelle il s’était préparé depuis toujours.

L’avait-il imaginé ainsi ?

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L’EXPLICATION

La Conquête, c’est l’histoire d’un homme qui perd plus qu’il ne gagne.

Nicolas Sarkozy dit de lui qu’il n’a pas choisi la politique mais que c’est la politique qui l’a choisi (cf Second Tour). Cette politique dont il parle, c’est un métier de cons fait par des gens intelligents. C’est surtout une redoutable partie d’échecs sur fond de pouvoir, de rivalités et de rancoeurs.

Y’en a un des deux qui doit tuer l’autre, c’est la règle du jeu.

La politique était jadis une fonction noble. Elle s’est transformée en une foire à l’empoigne. Chirac, par vengeance, essaye d’écraser celui qu’il appelle le gesticulateur précoce. Plutôt que d’élever la fonction et se reposer la question du projet, Sarkozy en fait une histoire de personnes. Chirac qui affirmait ne pas faire de la politique avec un petit p le met en garde :

Ton pire ennemi, c’est toi même. Ne sois pas insolent.

Sarkozy n’écoute pas. Son ego prend le dessus. Il dit que la France se donne à celui qui la veut le plus en mimant l’acte de la sodomie verticale comme s’il voulait désespérément se rassurer sur la taille de son pénis. Il va se vendre aux Français comme un cadeau dans un paquet de lessive, abaissant au passage la politique au niveau de la fosse aux lions des plateaux télévisés.

Dans cette arène, il y est bien plus à l’aise que les autres car il voit vite et grand. C’est également un homme de posture plus que de convictions, ce qui plait aux médias. Il a un goût prononcé pour la punchline. Et il n’a aucun scrupule.

Il triomphe lors des élections en animal politique à fort tempérament. Ce combattant sait se montrer fin stratège. Il va au feu et avance ses pions avec méthode.

Il parle de lui comme d’un fils d’immigré pour mieux faire oublier ses propos sur la racaille de banlieue (cf La Haine). Affirmant vouloir se retirer dans un monastère pour se préparer à la tâche qui l’attend et finit au Fouquet’s. À la fin c’est lui qui gagne, ce qui n’empêche pas Pierre Charon de se montrer songeur :

Si les gens savaient ce sur quoi repose toute la campagne…

Comme si on devait quand même s’interroger sur le comment. À l’heure où l’efficacité prime sur le reste (cf Les Bleus 2018), il semblerait quand même que la manière compte encore. Les beaux champions marquent l’histoire à jamais. Les autres peuvent partir avec l’eau du bain.

Comme Sarkozy qui a tout perdu, notamment la personne qui lui a permis d’arriver là où il en est le quitte parce qu’elle ne partage pas son amour du pouvoir pour le pouvoir. Il l’a échangée pour Carla Bruni. Tout un symbole.

Chirac disait qu’il lui manquait 5cm pour vraiment réussir. La taille l’aura poursuivi toute sa carrière. Sarkozy ne fera qu’un ‘petit’ mandat. Il perd contre un candidat ‘normal’. Cinq ans plus tard, il prend le risque de revenir aux affaires pour se planter lamentablement face à François Fillon.

Le piège s’est refermé sur lui. Il a autorisé les caméras et l’a regretté dans la foulée.

On peut pas faire une réunion sans caméra pour une fois ?

Pire, le nouveau style politique qu’il a défini lui aura été volé par le Arsène Lupin de la République en Marche. C’est Sarkozy qui parlait de faire exploser le clivage gauche droite. Emmanuel Macron l’a réalisé.

C’est Sarkozy qui voulait ringardiser les autres. Macron a dépoussiéré la classe politique.

C’est Sarkozy qui voulait être acteur et metteur en scène. Emmanuel Macron applique cette leçon tous les jours.

Sarkozy a permis Macron. Il s’est fait voler la vedette.

Est-ce donc une surprise si Sarkozy a déclaré que Macron c’était lui, en mieux ?

Est-ce également une surprise si Sarkozy a déclaré craindre que tout cela ne se termine très mal ?

Après tout, il sait de quoi il parle.

LE TRAILER

Cette explication de film n’engage que son auteur.

13 commentaires

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